jeudi 5 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 27 avril 1871 (2)




Les deux autres gardes se reculèrent effrayés de cette infâme agression, mais le féroce capitaine se précipita sur les deux prisonniers et les tua de deux autres coups de revolver.

(Suite de la séance du 27 avril 1871.)

La discussion étant ouverte, le citoyen J. VALLÈS croit qu’il n’est pas nécessaire de faire décréter cette proposition par la Commune.

Le citoyen PROTOT appuie le dire du citoyen J. Vallès et ajoute qu’il est notoire que les étudiants ayant subi leurs examens avec succès peuvent parfaitement pendant une année exercer à Paris et prendre le titre de docteur en médecine sans avoir besoin d’être autorisés par un décret.

Le citoyen MIOT répond que, cela n’existant que par tolérance, il vaudrait mieux leur garantir le titre.

Le citoyen BILLIORAY se range à l’avis des citoyens J. Vallès et Protot, considérant la proposition du citoyen Miot comme un règlement intérieur de la Faculté de médecine.

Après une dernière réplique des citoyens PROTOT et VALLÈS, demandant qu’il ne soit en rien préjugé sur la grave question de la liberté de la médecine, la Commune, consultée, décide le renvoi de cette proposition à la Commission d’enseignement.

Au nom de la Commission d’enquête, le citoyen VÉSINIER donne lecture du rapport suivant :
« Les citoyens Langevin, Gambon, Vésinier, ont été délégués à Bicêtre pour faire une enquête sur les quatre gardes nationaux du 185e bataillon de marche de la Garde nationale. Ils étaient accompagnés du citoyen Raoul Rigault, procureur de la Commune, Ferré et Léo Meillet et ils se sont rendus à l’hospice de Bicêtre où ils ont visité le citoyen Scheffer, garde national du susdit bataillon, appartenant au XIIIe arrondissement.
« Le citoyen Scheffer, blessé grièvement en pleine poitrine, était alité. Le médecin qui le soigne ayant déclaré que le malade était en état de répondre aux questions qui lui seraient adressées, les citoyens Gambon et Vésinier l’ont interrogé. Le malade a déclaré que, le 27 avril, à la Belle-Épine, près de Villejuif, il a été surpris avec trois de ses camarades par des chasseurs à cheval qui leur ont dit de se rendre. Comme il leur était impossible de faire une résistance utile contre les forces qui les entouraient, ils jetèrent leurs armes à terre et se rendirent. Les soldats les entourèrent, les firent prisonniers sans exercer aucune violence ni aucune menace envers eux.
« Ils étaient déjà prisonniers depuis quelques instants, lorsqu’un capitaine de chasseurs à cheval arriva et se précipita sur eux, le revolver au poing ; il fit feu sur l’un d’eux, sans dire un seul mot, et l’étendit raide mort, puis il en fit autant sur le garde Scheffer, qui reçut une balle en pleine poitrine et tomba à côté de son camarade.
« Les deux autres gardes se reculèrent effrayés de cette infâme agression, mais le féroce capitaine se précipita sur les deux prisonniers et les tua de deux autres coups de revolver.
« Les chasseurs, après les actes d’atroce et féroce lâcheté qui viennent d’être signalés, se retirèrent avec leur chef, laissant leurs victimes étendues sur le sol.
« Lorsqu’ils furent partis, l’une des victimes, le citoyen Scheffer, se releva, et par un effort désespéré, parvint à se rendre auprès de son bataillon, campé à quelque distance et duquel il parvint à se faire reconnaître.
« Deux des gardes nationaux tués sont restés sur le terrain et n’ont pu être retrouvés encore.
« Le cadavre du 4e garde national a été retrouvé non loin du lieu du massacre, où ce malheureux soldat-citoyen avait pu se traîner.
« L’état du garde national Scheffer est aussi satisfaisant que possible. Quoique sa blessure soit grave, elle n’est pas mortelle, et sa position n’a rien de dangereux. Le. docteur répond de sauver le malade, dont la jeune femme vient d’accoucher, il y a moins de 10 jours.
« Le 27 avril 1871.
Les membres de la Commune :
Ferdinand GAMBON, F. VÉSINIER, C. LANGEVIN. »

VÉSINIER. Permettez-moi, citoyens, d’ajouter quelques renseignements qui compléteront ceux du rapport et de tirer les conclusions. Le citoyen Scheffer est d’origine étrangère. Son état, quoique très grave, n’est point désespéré, les médecins sont même d’avis qu’il peut être transporté dans son arrondissement. Du récit exact qu’il m’a fait de cet assassinat, j’ai conclu que le seul coupable était l’officier, le bourreau qui a accompli ces exécutions successives. Les soldats versaillais non seulement n’ont point tiré un seul coup de fusil contre les prisonniers, mais leur attitude prouvait qu’ils étaient indignés de la lâcheté sanguinaire de leur chef. Citoyens, s’il nous faut user de représailles, frappons les chefs, frappons les officiers ; eux seuls sont nos ennemis. L’esprit des soldats versaillais n’est pas mauvais ; ils ne demandent pas mieux que de cesser la lutte. Ménageons-les donc quand ils se rendent à nous et ne les poussons pas à nous combattre à outrance.

VALLÈS. Je suis absolument de cet avis.

LANGEVIN. Voici comment les quatre gardes nationaux, d’après le récit que nous a fait le capitaine de la Garde nationale qui commandait le détachement, ont pu être entourés. Des travailleurs, en avant de Villejuif, étaient occupés à abattre des arbres. Une dizaine de tirailleurs les protégeaient. Pour renforcer cette petite troupe, on envoya une quarantaine de gardes nationaux qui se déployèrent aussi en tirailleurs. Tout à coup, ils virent à droite et à gauche déboucher deux escadrons de chasseurs à cheval qui venaient les prendre en flanc. N’étant pas en forces, on sonna le ralliement, mais cinq hommes refusèrent de quitter la place. D’après le récit des officiers, un seul serait tombé raide. Le second aurait pu faire quelques pas avant de tomber, c’est celui dont on a le cadavre, dont l’autopsie sera faite. Le troisième, qui, il y a huit jours, avait été fait prisonnier par les Versaillais, a pu s’échapper sain et sauf. Le quatrième est Scheffer. Un cinquième enfin, blessé, aurait été amené prisonnier.

VÉSINIER dit que, si on s’en rapporte au récit de Scheffer, pas un seul des cinq n’aurait été amené prisonnier.

Après quelques observations des citoyens BILLIORAY, VALLÈS, SICARD et GAMBON, il est décidé que le rapport, que l’on complétera, et dans lequel on mettra le nom des cinq gardes nationaux, et, si c’est possible, le numéro du régiment auquel appartient leur assassin, sera affiché.
(À suivre.)




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