(Suite
de la séance du 5 mai 1871.)
LE PRÉSIDENT. On est allé chercher le citoyen Pyat; en attendant qu’il soit là, je propose à l’assemblée d’écouter la communication qu’a à lui faire le citoyen Parisel.
PARISEL. Vous connaissez les travaux que vous m’avez confiés. Vos discussions sont très importantes, mais, comme je ne puis y prendre part, je demande à vous dire les résultats de mon rapport. Je demande pour cela le Comité secret. Je puis à l’heure qu’il est… [manque].
PARISEL. Je demande que la Commune me donne un homme énergique pour faire mes réquisitions. Je prie la Commune de prendre ma demande en considération et de me permettre de me retirer pour continuer mes travaux.
LE PRÉSIDENT. Renvoyé au Comité de salut public avec approbation.
CHARDON. J’ai une proposition à faire. Si la Commune veut que je fasse partie du Comité de sûreté générale, je me charge de faire les réquisitions du citoyen Parisel. Cette proposition est approuvée par l’assemblée.
LE PRÉSIDENT. Le renvoi au Comité de salut public des demandes de Parisel est adopté.
MELLIET demande à se retirer, si on ne voit pas d’autres interpellations à lui adresser.
VOIX. Ce n’est pas vous qui êtes en cause.
LONGUET. Je ne vois aucun inconvénient à ce que le citoyen Melliet puisse se retirer; car j’ai cru comprendre, d’après ce qu’il vient de dire, qu’il n’avait pas entendu ou qu’il avait oublié les explications données par le citoyen Rossel.
DEREURE. J’ai peu de choses à dire après ce que vient de dire le citoyen Longuet. On vous parle de trahison; mais la trahison n’a rien à faire ici. Tout ce que nous voulons savoir c’est si le Comité de salut public a le droit de donner des ordres à la Guerre. On nous a nié hier avoir donné des ordres; aujourd’hui, nous avons des preuves en main. Le citoyen Rossel a demandé au Comité de salut public, s’il était vrai que tels ou tels bataillons avaient reçu l’ordre de ce Comité de quitter tel ou tel fort pour être remplacés par d’autres. On l’a nié, et aujourd’hui nous avons les ordres dans la main. Il faut que nous sachions si, oui ou non, le Comité est compétent dans les questions militaires. Si oui, nous n’avons pas besoin de délégué à la Guerre; mais, si nous avons un homme capable de sauver la situation militaire de Paris, il faut que lui seul soit délégué aux opérations militaires sous le contrôle du Comité, de la Commission et de la Commune. Mais, alors, il ne faut pas que le Comité aille donner des ordres à un bataillon, à un colonel.
MELLIET. Il est permis au Comité de salut public d’agir comme il lui plaît, pour contrôler la délégation à la Guerre.
CHARDON. Je constate qu’il y a eu des fautes de commises par le Comité de salut public. Il ne peut pas intervenir dans les mouvements militaires. Pour moi, je n’attribue pas la prise du Moulin-Saquet au Comité; pour moi, il y a eu trahison: le commandant du 55e est un traître. Mais je dirai que depuis que Wroblewski commande la place, s’il s’était occupé de cette position, s’il avait fait des barricades, cette surprise n’aurait pas eu lieu. S’il avait pris ses précautions, les Versaillais ne seraient pas venus égorger nos soldats et prendre nos canons. J’ai visité cette position, j’ai fait faire des barricades, j’ai pris des mesures: que les Versaillais viennent nous trouver! Je ne comprends pas que Wroblewski ne se soit pas préoccupé de cette position.
MELLIET. Je réponds en mon nom: le Comité de salut public est chargé de sauver le pays, comme le dit si souvent le citoyen Arthur Arnould. Cependant, nous ne sommes pas des sauveurs; proprement oui, nous sommes un Comité de salut public. On a toujours dit qu’il ne fallait pas s’ingérer dans les commandements militaires, ne jamais dire à un général de faire de telle ou t elle manière une opération. Le Comité de salut public n’a pas non plus l’intention de s’ingérer dans les questions purement militaires; mais il a le droit d’user de tous les pouvoirs que vous lui avez confiés pour contrôler la délégation à la Guerre.
S’il y avait eu quelques barricades et quelques pièces de canon, les Versaillais n’auraient pas surpris nos factionnaires; on en aurait peut-être assassiné un, mais les autres auraient été avertis et on ne les aurait pas massacrés. Je n’accuse pas Dombrowski de trahison, mais je l’accuse de négligence. S’il avait visité plus souvent le Moulin-Saquet, cette malheureuse affaire n’aurait pas eu lieu; en outre, il y a trois ou quatre routes qui aboutissent à cette position, sur lesquelles il eût fallu élever des barricades.
Quand j’ai vu l’incurie qui avait présidé à la direction et les conséquences qu’elle a produites, j’ai pris sur moi, d’accord avec le commandant de place, d’élever des barricades dans le haut de Vitry et, maintenant, il n’y a plus rien à craindre. Je demande à la Guerre et à Dombrowski de visiter les positions plus souvent et ensuite de ne point laisser des bataillons vingt-deux jours dans le même endroit.
LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Arnold pour adresser une interpellation au citoyen Félix Pyat.
ARNOLD. Voici la nature de l’interpellation.
Le citoyen Arnold répète ce qu’il a fait connaître à la Commune au début de la séance.
ARNOLD. J’ajoute simplement ceci, c’est que Wroblewski a écrit au général Rossel pour lui dire le trouble que cet ordre avait apporté dans son commandement.
PYAT (après avoir pris communication de la pièce). J’avoue, à ma confusion, que je n’ai pas le moindre souvenir de cette pièce et je suis prêt à supporter les conséquences de mon manque de mémoire. Je le répète, je ne me souviens point d’avoir signé l’ordre donné par mes collègues.
UN MEMBRE. Est-ce bien votre signature?
PYAT. Je n’ai pas mémoire de cette dépêche. Je n’ai pas cru, en signant les deux lignes qui sont au bas de la pièce, signer un ordre au général Wroblewski. Ma signature ne se trouve pas au bas de la lettre donnant un ordre au général Wroblewski.
LONGUET. Qu’Arnold continue la lecture.
ARNOLD lit:
«Ordre. Sursis de 24 heures… [manque]»
«Dépêche de Wetzel reçue… [manque]»
ARNOLD. Je profiterai de la présence du citoyen Pyat pour lui dire que le Comité de salut public seul a fait la distinction entre la Guerre et la Place. La Place dépend de la Guerre et les reproches qu’on lui adresse doivent passer entre les mains du délégué à la Guerre. Je continue ma lecture.
«Ordre. Faire remplacer à Vanves… [manque]»
«Ordre. Appuyer mouvement communal de Vincennes… à ce qu’on garde ici… [manque]»
ARNOLD. Ce n’est pas un procès que l’on veut faire au Comité de salut public, mais on veut que ses pouvoirs soient délimités, afin d’éviter les conséquences désastreuses qui pourraient arriver sans cela. Si, par exemple, le Comité de salut public croit devoir porter des forces sur un point quand il ne le faudrait pas, on conçoit sans peine les épouvantables désastres qui arriveraient.
PYAT. Si j’avais dans la main les dépêches qu’on vient de lire, je donnerais pour chacune d’elles une explication.
ARNOLD. Ce n’est pas d’une question de détails qu’il s’agit.
PYAT. Je me rappelle deux de ces dépêches. L’une est celle qui demande à surseoir au remplacement d’un bataillon installé au Palais-Royal. La Commission exécutive avait ordonné une enquête qui devait être faite par Protot dans le palais qu’avait habité un prince Bonaparte. L’enquête n’était pas commencée, le bataillon qui occupait le Palais-Royal passe pour un des plus dévoués à la Commune, et il a envoyé au Comité de salut public une députation pour nous dire ceci: «Nous sommes menacés d’être renvoyés demain et d’être remplacés par un bataillon réactionnaire et le colonel Boursier, lequel a été accusé formellement par la députation, veut savoir ce qu’il y a de plus ou moins secret dans le Palais-Royal; il a l’intention d’assister à l’enquête ou à l’empêcher.» Voilà les termes dont s’est servie la députation. Nous avons alors, en effet, trouvé fort dangereux le changement du bataillon qui occupait le Palais-Royal, et nous avons donné ordre d’y surseoir. Qu’a fait le colonel Boursier? Il n’a pas tenu compte de l’ordre du Comité de salut public et il a mis à la porte la compagnie ou bataillon fidèle pour la remplacer par une compagnie à lui. Le Comité a cru devoir le faire arrêter et Boursier s’est mis alors en état de révolte en disant qu’il ne reconnaîtrait ni la Commune, ni le Comité de salut public; il a menacé de son revolver le commissaire de police chargé de l’arrêter, méconnaissant ainsi toute autorité. Il paraît que Boursier a été mis en liberté ce matin. Je ne sais pas comment les choses se sont passées.
TRIDON. Il n’y était pas à 2 heures.
PYAT. Voilà pour la dépêche du 196e bataillon. Je dois·dire qu’il nous est arrivé des demandes de divers bataillons disant: «Nous sommes aux bastions ou aux remparts depuis fort longtemps, et nous déclarons que, si vous ne nous faites pas changer, nous ne quitterons pas notre poste, mais que les armes nous tomberont des mains.» Nous avons dû prendre en considération des demandes formulées en termes justes et nous avons demandé à la Guerre de pourvoir au changement de ces citoyens. Voici pour les deux dépêches qui me sont restées dans l’esprit. Nous n’avons pas donné d’ordre; nous avons indiqué à la Place et à la Guerre qu’il y avait là un vice.
PLUSIEURS MEMBRES. Je demande la parole.
LONGUET. J’avais demandé la parole pour serrer la discussion; si Avrial veut traiter une autre question, nous allons nous perdre. Néanmoins, si ce qu’il a à dire est très important, et qu’il croit qu’il a été inscrit avant moi, je lui céderai mon tour…
(Bruit.)
LONGUET. Ce qui m’a frappé dans la réponse du citoyen Pyat, c’est que le citoyen Pyat s’est attaché surtout à nous expliquer qu’il fallait envoyer des bataillons à tel ou tel endroit; ce qui l’a amené à nous raconter l’arrestation du colonel Boursier. Le citoyen Arnold nous a lu toutes les dépêches pour nous en montrer l’authenticité; mais, toutes ne sont pas également importantes et, pour moi, je ne m’attacherai qu’à deux, la première et la dernière, et j’en tire cette conclusion. Il résulte de ces deux dépêches que le Comité de salut public n’a pas autant supprimé la Place qu’il veut bien le dire. Je ne lui reproche pas d’avoir fait remplacer des bataillons qui étaient trop fatigués, je lui reproche d’y avoir envoyé tel bataillon. Le citoyen Melliet vous a dit tantôt: «Mais vous êtes dans l’erreur; ce n’est pas l’ordre envoyé par le Comité qui est pour quelque chose dans l’affaire du Moulin-Saquet; c’est une simple trahison.» Il y a beaucoup de vrai dans cette explication; mais le citoyen Melliet n’était pas là hier, quand le citoyen Rossel répondait précisément à cela qu’il était vrai qu’il y avait eut rahison, mais que cette trahison était devenue beaucoup plus facile par l’ordre donné au général Wroblewski. Et, en effet, les attelages avaient été préparés et la trahison a pu s’effectuer sans entrave. Sans doute, comme le disait Chardon, le général Wroblewski aurait dû parer à cette éventualité; sans doute, il n’avait peut-être pas pris toutes les précautions; mais vous lui avez donné une excuse, et vous l’avez dégagé singulièrement. Et aujourd’hui nous ne savons pas à qui nous devons nous en prendre. Le véritable traître est celui qui a vendu le mot d’ordre.
Tous ces faits particuliers peuvent se résumer à ceci, et c’est là-dessus que j’appelle l’attention du Comité de salut public. Le citoyen Melliet ayant seul répondu, je désire savoir si le Comité de salut public accepte cette doctrine: le citoyen Melliet l’a formulée. Il résulte de cela que le Comité de salut public est investi de pouvoirs indéfinis, parce que l’épître qui les accompagne est assez vague. Le Comité de salut public s’est cru autorisé, ou tout au moins Léo Melliet, à faire plus qu’il n’a fait dans d’autres circonstances, agir dans l’exécution militaire. Léo Melliet a rappelé que c’était la dictature contraire, celle de la confiance absolue, qui nous avait perdus sous Trochu.
La doctrine du laissez-faire est mauvaise. Je comprends qu’un Comité de salut public, qu’une commission militaire désirent être au courant de ce que fait un général, dans une mesure que l’intelligence doit apprécier, mais qu’une commission militaire veuille faire davantage, qu’après s’être assurée que toutes les précautions ont été prises, que le plan est bon, car elle a le droit de demander le plan d’un général, qu’elle veuille exécuter elle-même, quand elle voit qu’on n’exécute pas assez, ce serait de la désorganisation. Voilà tout ce que nous voulons dire au point de vue du système. Comme je ne sais pas si le Comité de salut public veut ériger en système général la doctrine que le citoyen Melliet a émise ici, je demanderai au citoyen Pyat d’être aussi précis que possible.
PYAT. Comme je ne sais point ce qu’a dit Melliet, je ne puis ni l’affirmer, ni le contredire.
LONGUET. Je crois que vous devez le savoir aussi bien que moi. J’ai parlé d’un système qui consiste à veiller simplement à l’exécution des ordres, ce qui est conforme à la doctrine révolutionnaire, mais il y a une distinction à établir, distinction qui n’a pas été faite par le citoyen Melliet. Il résultait de ses paroles qu’un Comité de salut public devait faire davantage, qu’il devait agir par lui-même, non seulement empêcher un bataillon de quitter le Palais-Royal, je suppose, mais encore de donner à tel bataillon des ordres quelconques en les communiquant à la Guerre, bien entendu. C’est sur ce point que j’appelle une réponse.
PYAT. Non, en.général, le Comité de salut public ne doit pas se substituer aux chers militaires; je ne crois pas que nous ayons à diriger et à exécuter les opérations militaires; mais quand on arrive à minuit ou le matin nous dire que les bataillons sont exténués de fatigue, tandis que d’autres sont frais, tout prêts à marcher, je crois que ce n’est pas prendre une trop grande autorité que de demander à la Place, à la Guerre de faire relever les bataillons fatigués. Voilà comment je comprends le devoir du Comité de salut public; mais se substituer à l’action des généraux, ce serait une prétention que, pour mon compte, je repousse. Pour revenir à la fameuse dépêche Wroblewski, je n’ai signé aucun ordre à aucun général.
LEDROIT. Je suis de l’avis de Gambon. Il serait grandement temps de clore ce débat; nous n’aboutirons pas à grand’chose en le continuant. Il résulte de tout cela qu’en effet l’ordre n’a pas été donné à Wroblewski d’aller prendre la défense du fort d’Issy, mais qu’il lui a été donné l’ordre d’aller visiter ce qui pouvait lui manquer et en artillerie et en génie. Il n’y avait qu’un appel à la confiance qu’on avait en lui pour aller voir si le fort pouvait résister. Quant au Comité de salut public, je suis de l’avis du citoyen Pyat lui-même, il ne doit pas s’ingérer dans l’action militaire, mais cependant on ne peut lui refuser le pouvoir si à la Guerre il voit un manque, une négligence quelconque, il doit appeler l’attention du délégué là-dessus.
LONGUET. C’est ce que nous demandons.
LEDROIT. Pour ce qui est du Moulin-Saquet, je crois que le déplacement de Wroblewski n’a pas eu l’influence qu’on lui suppose dans l’événement dû à une trahison manifeste que nous connaissons.
AVRIAL. Nous sommes tous d’accord pour dire que le Comité de salut public a eu tort de donner des ordres de changement de bataillon sans en prévenir la Guerre, mais, enfin, il a parlé et tout le monde est prêt à pardonner. Cependant, pour mon compte, ce que je ne pardonnerai pas, et c’est là la question principale, c’est ceci. Hier, à l’ouverture de la séance, j’ai demandé au Comité de salut public s’il avait donné l’ordre à Wroblewski d’aller au fort d’Issy, et l’on m’a répondu: «Que demande donc Avrial? Nous n’avons donné aucun ordre semblable.» Alors on me rappelle à l’ordre, on me fait passer pour un fou ou un menteur, et, aujourd’hui, on découvre quel est le menteur. Je ne parle pas contre le Comité de salut public: il a été institué, gardons-le, mais jamais je n’accorderai ma confiance à une commission qui, sachant pertinemment avoir donné un ordre, répond, quand on l’interroge, que cet ordre n’existe pas. Ce système de mensonges s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui, où l’on a pu se procurer la preuve du mensonge. Il y a là, évidemment, une question à vider.
LANGEVIN. Je ne veux pas rechercher l’influence qu’a eue le déplacement de Wroblewski sur l’affaire du Moulin-Saquet; je voudrais simplement que l’assemblée décidât jusqu’à quel point elle doit avoir confiance dans un Comité de salut public qui a nié énergiquement avoir donné des ordres qu’il n’est plus possible de nier aujourd’hui.
LE PRÉSIDENT. Je vais donner lecture à l’assemblée d’une communication qui vient d’être déposée sur le bureau [manque, il peut s’agir de la démission de Pyat].
ANDRIEU. Il faudrait d’abord liquider la question d’Avrial.
CLÉMENT. J’ai voté pour le Comité de salut public, seulement je trouve, comme Avrial, que le citoyen Pyat n’aurait pas dû manquer de mémoire. On ne manque pas de mémoire, citoyen Félix Pyat! Quand on en manque, on a un livre sur lequel on inscrit ce qu’on fait, et comme cela on s’en rappelle. Quand on interpelle le Comité de salut public, il faut qu’il avoue ce qu’il a fait. Je serais d’avis que vous donniez votre démission, citoyen Pyat.
PYAT. Je l’ai donnée.
CLÉMENT. Eh bien! je suis d’avis que vous la donniez encore.
PYAT. Je la donne de nouveau, et je prie et supplie l’assemblée de l’accepter.
(Interruptions.)
LEFRANÇAIS prononce au milieu du bruit quelques mots que nous n’entendons pas.
LE PRÉSIDENT. On est allé chercher le citoyen Pyat; en attendant qu’il soit là, je propose à l’assemblée d’écouter la communication qu’a à lui faire le citoyen Parisel.
PARISEL. Vous connaissez les travaux que vous m’avez confiés. Vos discussions sont très importantes, mais, comme je ne puis y prendre part, je demande à vous dire les résultats de mon rapport. Je demande pour cela le Comité secret. Je puis à l’heure qu’il est… [manque].
PARISEL. Je demande que la Commune me donne un homme énergique pour faire mes réquisitions. Je prie la Commune de prendre ma demande en considération et de me permettre de me retirer pour continuer mes travaux.
LE PRÉSIDENT. Renvoyé au Comité de salut public avec approbation.
CHARDON. J’ai une proposition à faire. Si la Commune veut que je fasse partie du Comité de sûreté générale, je me charge de faire les réquisitions du citoyen Parisel. Cette proposition est approuvée par l’assemblée.
LE PRÉSIDENT. Le renvoi au Comité de salut public des demandes de Parisel est adopté.
MELLIET demande à se retirer, si on ne voit pas d’autres interpellations à lui adresser.
VOIX. Ce n’est pas vous qui êtes en cause.
LONGUET. Je ne vois aucun inconvénient à ce que le citoyen Melliet puisse se retirer; car j’ai cru comprendre, d’après ce qu’il vient de dire, qu’il n’avait pas entendu ou qu’il avait oublié les explications données par le citoyen Rossel.
DEREURE. J’ai peu de choses à dire après ce que vient de dire le citoyen Longuet. On vous parle de trahison; mais la trahison n’a rien à faire ici. Tout ce que nous voulons savoir c’est si le Comité de salut public a le droit de donner des ordres à la Guerre. On nous a nié hier avoir donné des ordres; aujourd’hui, nous avons des preuves en main. Le citoyen Rossel a demandé au Comité de salut public, s’il était vrai que tels ou tels bataillons avaient reçu l’ordre de ce Comité de quitter tel ou tel fort pour être remplacés par d’autres. On l’a nié, et aujourd’hui nous avons les ordres dans la main. Il faut que nous sachions si, oui ou non, le Comité est compétent dans les questions militaires. Si oui, nous n’avons pas besoin de délégué à la Guerre; mais, si nous avons un homme capable de sauver la situation militaire de Paris, il faut que lui seul soit délégué aux opérations militaires sous le contrôle du Comité, de la Commission et de la Commune. Mais, alors, il ne faut pas que le Comité aille donner des ordres à un bataillon, à un colonel.
MELLIET. Il est permis au Comité de salut public d’agir comme il lui plaît, pour contrôler la délégation à la Guerre.
CHARDON. Je constate qu’il y a eu des fautes de commises par le Comité de salut public. Il ne peut pas intervenir dans les mouvements militaires. Pour moi, je n’attribue pas la prise du Moulin-Saquet au Comité; pour moi, il y a eu trahison: le commandant du 55e est un traître. Mais je dirai que depuis que Wroblewski commande la place, s’il s’était occupé de cette position, s’il avait fait des barricades, cette surprise n’aurait pas eu lieu. S’il avait pris ses précautions, les Versaillais ne seraient pas venus égorger nos soldats et prendre nos canons. J’ai visité cette position, j’ai fait faire des barricades, j’ai pris des mesures: que les Versaillais viennent nous trouver! Je ne comprends pas que Wroblewski ne se soit pas préoccupé de cette position.
MELLIET. Je réponds en mon nom: le Comité de salut public est chargé de sauver le pays, comme le dit si souvent le citoyen Arthur Arnould. Cependant, nous ne sommes pas des sauveurs; proprement oui, nous sommes un Comité de salut public. On a toujours dit qu’il ne fallait pas s’ingérer dans les commandements militaires, ne jamais dire à un général de faire de telle ou t elle manière une opération. Le Comité de salut public n’a pas non plus l’intention de s’ingérer dans les questions purement militaires; mais il a le droit d’user de tous les pouvoirs que vous lui avez confiés pour contrôler la délégation à la Guerre.
S’il y avait eu quelques barricades et quelques pièces de canon, les Versaillais n’auraient pas surpris nos factionnaires; on en aurait peut-être assassiné un, mais les autres auraient été avertis et on ne les aurait pas massacrés. Je n’accuse pas Dombrowski de trahison, mais je l’accuse de négligence. S’il avait visité plus souvent le Moulin-Saquet, cette malheureuse affaire n’aurait pas eu lieu; en outre, il y a trois ou quatre routes qui aboutissent à cette position, sur lesquelles il eût fallu élever des barricades.
Quand j’ai vu l’incurie qui avait présidé à la direction et les conséquences qu’elle a produites, j’ai pris sur moi, d’accord avec le commandant de place, d’élever des barricades dans le haut de Vitry et, maintenant, il n’y a plus rien à craindre. Je demande à la Guerre et à Dombrowski de visiter les positions plus souvent et ensuite de ne point laisser des bataillons vingt-deux jours dans le même endroit.
LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Arnold pour adresser une interpellation au citoyen Félix Pyat.
ARNOLD. Voici la nature de l’interpellation.
Le citoyen Arnold répète ce qu’il a fait connaître à la Commune au début de la séance.
ARNOLD. J’ajoute simplement ceci, c’est que Wroblewski a écrit au général Rossel pour lui dire le trouble que cet ordre avait apporté dans son commandement.
PYAT (après avoir pris communication de la pièce). J’avoue, à ma confusion, que je n’ai pas le moindre souvenir de cette pièce et je suis prêt à supporter les conséquences de mon manque de mémoire. Je le répète, je ne me souviens point d’avoir signé l’ordre donné par mes collègues.
UN MEMBRE. Est-ce bien votre signature?
PYAT. Je n’ai pas mémoire de cette dépêche. Je n’ai pas cru, en signant les deux lignes qui sont au bas de la pièce, signer un ordre au général Wroblewski. Ma signature ne se trouve pas au bas de la lettre donnant un ordre au général Wroblewski.
LONGUET. Qu’Arnold continue la lecture.
ARNOLD lit:
«Ordre. Sursis de 24 heures… [manque]»
«Dépêche de Wetzel reçue… [manque]»
ARNOLD. Je profiterai de la présence du citoyen Pyat pour lui dire que le Comité de salut public seul a fait la distinction entre la Guerre et la Place. La Place dépend de la Guerre et les reproches qu’on lui adresse doivent passer entre les mains du délégué à la Guerre. Je continue ma lecture.
«Ordre. Faire remplacer à Vanves… [manque]»
«Ordre. Appuyer mouvement communal de Vincennes… à ce qu’on garde ici… [manque]»
ARNOLD. Ce n’est pas un procès que l’on veut faire au Comité de salut public, mais on veut que ses pouvoirs soient délimités, afin d’éviter les conséquences désastreuses qui pourraient arriver sans cela. Si, par exemple, le Comité de salut public croit devoir porter des forces sur un point quand il ne le faudrait pas, on conçoit sans peine les épouvantables désastres qui arriveraient.
PYAT. Si j’avais dans la main les dépêches qu’on vient de lire, je donnerais pour chacune d’elles une explication.
ARNOLD. Ce n’est pas d’une question de détails qu’il s’agit.
PYAT. Je me rappelle deux de ces dépêches. L’une est celle qui demande à surseoir au remplacement d’un bataillon installé au Palais-Royal. La Commission exécutive avait ordonné une enquête qui devait être faite par Protot dans le palais qu’avait habité un prince Bonaparte. L’enquête n’était pas commencée, le bataillon qui occupait le Palais-Royal passe pour un des plus dévoués à la Commune, et il a envoyé au Comité de salut public une députation pour nous dire ceci: «Nous sommes menacés d’être renvoyés demain et d’être remplacés par un bataillon réactionnaire et le colonel Boursier, lequel a été accusé formellement par la députation, veut savoir ce qu’il y a de plus ou moins secret dans le Palais-Royal; il a l’intention d’assister à l’enquête ou à l’empêcher.» Voilà les termes dont s’est servie la députation. Nous avons alors, en effet, trouvé fort dangereux le changement du bataillon qui occupait le Palais-Royal, et nous avons donné ordre d’y surseoir. Qu’a fait le colonel Boursier? Il n’a pas tenu compte de l’ordre du Comité de salut public et il a mis à la porte la compagnie ou bataillon fidèle pour la remplacer par une compagnie à lui. Le Comité a cru devoir le faire arrêter et Boursier s’est mis alors en état de révolte en disant qu’il ne reconnaîtrait ni la Commune, ni le Comité de salut public; il a menacé de son revolver le commissaire de police chargé de l’arrêter, méconnaissant ainsi toute autorité. Il paraît que Boursier a été mis en liberté ce matin. Je ne sais pas comment les choses se sont passées.
TRIDON. Il n’y était pas à 2 heures.
PYAT. Voilà pour la dépêche du 196e bataillon. Je dois·dire qu’il nous est arrivé des demandes de divers bataillons disant: «Nous sommes aux bastions ou aux remparts depuis fort longtemps, et nous déclarons que, si vous ne nous faites pas changer, nous ne quitterons pas notre poste, mais que les armes nous tomberont des mains.» Nous avons dû prendre en considération des demandes formulées en termes justes et nous avons demandé à la Guerre de pourvoir au changement de ces citoyens. Voici pour les deux dépêches qui me sont restées dans l’esprit. Nous n’avons pas donné d’ordre; nous avons indiqué à la Place et à la Guerre qu’il y avait là un vice.
PLUSIEURS MEMBRES. Je demande la parole.
LONGUET. J’avais demandé la parole pour serrer la discussion; si Avrial veut traiter une autre question, nous allons nous perdre. Néanmoins, si ce qu’il a à dire est très important, et qu’il croit qu’il a été inscrit avant moi, je lui céderai mon tour…
(Bruit.)
LONGUET. Ce qui m’a frappé dans la réponse du citoyen Pyat, c’est que le citoyen Pyat s’est attaché surtout à nous expliquer qu’il fallait envoyer des bataillons à tel ou tel endroit; ce qui l’a amené à nous raconter l’arrestation du colonel Boursier. Le citoyen Arnold nous a lu toutes les dépêches pour nous en montrer l’authenticité; mais, toutes ne sont pas également importantes et, pour moi, je ne m’attacherai qu’à deux, la première et la dernière, et j’en tire cette conclusion. Il résulte de ces deux dépêches que le Comité de salut public n’a pas autant supprimé la Place qu’il veut bien le dire. Je ne lui reproche pas d’avoir fait remplacer des bataillons qui étaient trop fatigués, je lui reproche d’y avoir envoyé tel bataillon. Le citoyen Melliet vous a dit tantôt: «Mais vous êtes dans l’erreur; ce n’est pas l’ordre envoyé par le Comité qui est pour quelque chose dans l’affaire du Moulin-Saquet; c’est une simple trahison.» Il y a beaucoup de vrai dans cette explication; mais le citoyen Melliet n’était pas là hier, quand le citoyen Rossel répondait précisément à cela qu’il était vrai qu’il y avait eut rahison, mais que cette trahison était devenue beaucoup plus facile par l’ordre donné au général Wroblewski. Et, en effet, les attelages avaient été préparés et la trahison a pu s’effectuer sans entrave. Sans doute, comme le disait Chardon, le général Wroblewski aurait dû parer à cette éventualité; sans doute, il n’avait peut-être pas pris toutes les précautions; mais vous lui avez donné une excuse, et vous l’avez dégagé singulièrement. Et aujourd’hui nous ne savons pas à qui nous devons nous en prendre. Le véritable traître est celui qui a vendu le mot d’ordre.
Tous ces faits particuliers peuvent se résumer à ceci, et c’est là-dessus que j’appelle l’attention du Comité de salut public. Le citoyen Melliet ayant seul répondu, je désire savoir si le Comité de salut public accepte cette doctrine: le citoyen Melliet l’a formulée. Il résulte de cela que le Comité de salut public est investi de pouvoirs indéfinis, parce que l’épître qui les accompagne est assez vague. Le Comité de salut public s’est cru autorisé, ou tout au moins Léo Melliet, à faire plus qu’il n’a fait dans d’autres circonstances, agir dans l’exécution militaire. Léo Melliet a rappelé que c’était la dictature contraire, celle de la confiance absolue, qui nous avait perdus sous Trochu.
La doctrine du laissez-faire est mauvaise. Je comprends qu’un Comité de salut public, qu’une commission militaire désirent être au courant de ce que fait un général, dans une mesure que l’intelligence doit apprécier, mais qu’une commission militaire veuille faire davantage, qu’après s’être assurée que toutes les précautions ont été prises, que le plan est bon, car elle a le droit de demander le plan d’un général, qu’elle veuille exécuter elle-même, quand elle voit qu’on n’exécute pas assez, ce serait de la désorganisation. Voilà tout ce que nous voulons dire au point de vue du système. Comme je ne sais pas si le Comité de salut public veut ériger en système général la doctrine que le citoyen Melliet a émise ici, je demanderai au citoyen Pyat d’être aussi précis que possible.
PYAT. Comme je ne sais point ce qu’a dit Melliet, je ne puis ni l’affirmer, ni le contredire.
LONGUET. Je crois que vous devez le savoir aussi bien que moi. J’ai parlé d’un système qui consiste à veiller simplement à l’exécution des ordres, ce qui est conforme à la doctrine révolutionnaire, mais il y a une distinction à établir, distinction qui n’a pas été faite par le citoyen Melliet. Il résultait de ses paroles qu’un Comité de salut public devait faire davantage, qu’il devait agir par lui-même, non seulement empêcher un bataillon de quitter le Palais-Royal, je suppose, mais encore de donner à tel bataillon des ordres quelconques en les communiquant à la Guerre, bien entendu. C’est sur ce point que j’appelle une réponse.
PYAT. Non, en.général, le Comité de salut public ne doit pas se substituer aux chers militaires; je ne crois pas que nous ayons à diriger et à exécuter les opérations militaires; mais quand on arrive à minuit ou le matin nous dire que les bataillons sont exténués de fatigue, tandis que d’autres sont frais, tout prêts à marcher, je crois que ce n’est pas prendre une trop grande autorité que de demander à la Place, à la Guerre de faire relever les bataillons fatigués. Voilà comment je comprends le devoir du Comité de salut public; mais se substituer à l’action des généraux, ce serait une prétention que, pour mon compte, je repousse. Pour revenir à la fameuse dépêche Wroblewski, je n’ai signé aucun ordre à aucun général.
LEDROIT. Je suis de l’avis de Gambon. Il serait grandement temps de clore ce débat; nous n’aboutirons pas à grand’chose en le continuant. Il résulte de tout cela qu’en effet l’ordre n’a pas été donné à Wroblewski d’aller prendre la défense du fort d’Issy, mais qu’il lui a été donné l’ordre d’aller visiter ce qui pouvait lui manquer et en artillerie et en génie. Il n’y avait qu’un appel à la confiance qu’on avait en lui pour aller voir si le fort pouvait résister. Quant au Comité de salut public, je suis de l’avis du citoyen Pyat lui-même, il ne doit pas s’ingérer dans l’action militaire, mais cependant on ne peut lui refuser le pouvoir si à la Guerre il voit un manque, une négligence quelconque, il doit appeler l’attention du délégué là-dessus.
LONGUET. C’est ce que nous demandons.
LEDROIT. Pour ce qui est du Moulin-Saquet, je crois que le déplacement de Wroblewski n’a pas eu l’influence qu’on lui suppose dans l’événement dû à une trahison manifeste que nous connaissons.
AVRIAL. Nous sommes tous d’accord pour dire que le Comité de salut public a eu tort de donner des ordres de changement de bataillon sans en prévenir la Guerre, mais, enfin, il a parlé et tout le monde est prêt à pardonner. Cependant, pour mon compte, ce que je ne pardonnerai pas, et c’est là la question principale, c’est ceci. Hier, à l’ouverture de la séance, j’ai demandé au Comité de salut public s’il avait donné l’ordre à Wroblewski d’aller au fort d’Issy, et l’on m’a répondu: «Que demande donc Avrial? Nous n’avons donné aucun ordre semblable.» Alors on me rappelle à l’ordre, on me fait passer pour un fou ou un menteur, et, aujourd’hui, on découvre quel est le menteur. Je ne parle pas contre le Comité de salut public: il a été institué, gardons-le, mais jamais je n’accorderai ma confiance à une commission qui, sachant pertinemment avoir donné un ordre, répond, quand on l’interroge, que cet ordre n’existe pas. Ce système de mensonges s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui, où l’on a pu se procurer la preuve du mensonge. Il y a là, évidemment, une question à vider.
LANGEVIN. Je ne veux pas rechercher l’influence qu’a eue le déplacement de Wroblewski sur l’affaire du Moulin-Saquet; je voudrais simplement que l’assemblée décidât jusqu’à quel point elle doit avoir confiance dans un Comité de salut public qui a nié énergiquement avoir donné des ordres qu’il n’est plus possible de nier aujourd’hui.
LE PRÉSIDENT. Je vais donner lecture à l’assemblée d’une communication qui vient d’être déposée sur le bureau [manque, il peut s’agir de la démission de Pyat].
ANDRIEU. Il faudrait d’abord liquider la question d’Avrial.
CLÉMENT. J’ai voté pour le Comité de salut public, seulement je trouve, comme Avrial, que le citoyen Pyat n’aurait pas dû manquer de mémoire. On ne manque pas de mémoire, citoyen Félix Pyat! Quand on en manque, on a un livre sur lequel on inscrit ce qu’on fait, et comme cela on s’en rappelle. Quand on interpelle le Comité de salut public, il faut qu’il avoue ce qu’il a fait. Je serais d’avis que vous donniez votre démission, citoyen Pyat.
PYAT. Je l’ai donnée.
CLÉMENT. Eh bien! je suis d’avis que vous la donniez encore.
PYAT. Je la donne de nouveau, et je prie et supplie l’assemblée de l’accepter.
(Interruptions.)
LEFRANÇAIS prononce au milieu du bruit quelques mots que nous n’entendons pas.
(À
suivre.)
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