lundi 9 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 1 mai 1871 (3)




(Suite de la séance du 1er mai 1871.)
UN MEMBRE. Nous devons écouter les adresses.

Lecture d’une adresse du 185e bataillon, demandant qu’on relève le blâme qui lui a été infligé par le quartier général [manque].
MELLIET. Si vous voulez me permettre, je vais vous donner connaissance d’un fait beaucoup plus grave que celui qui vous est signalé: il y a eu avant-hier huit jours, le général Wroblewski envoie l’ordre de rassembler toutes les forces de la 13e légion. Le citoyen Blanchet et moi nous sommes allés chez le général. Blanchet a passé devant le quartier général, l’a dépassé et s’en allait au-devant des avant-postes ennemis. J’étais à la tête de la deuxième colonne; elle a passe devant le quartier général qui l’a laissée passer «parce qu’elle suivait la première». J’ai été trouver le général, qui n’avait rien préparé pour recevoir le bataillon. J’ai été obligé, moi, administrateur, de réquisitionner à une mairie suburbaine des logements abandonnés; il n’y avait pas une seule sentinelle et, le lendemain, j’ai encore été obligé de nourrir les hommes. Par cette déclaration, au nom des gardes du 103e, 123e, 184e, 177e, je fais la même déclaration au sujet du général Wroblewski.
CHARLES GÉRARDIN. Je puis dire que tous les grades pénibles ne peuvent être remplis que lorsque les grades intermédiaires le sont aussi. Ainsi, si le général Wroblewski avait à commander 10.000 gardes nationaux, il aurait à donner 10.000 ordres. Je ne comprends pas qu’on attaque les hommes qui nous ont offert généreusement leur concours, qui travaillent jour et nuit; si les forts du sud n’ont pas été surpris, c’est grâce à ces mêmes hommes. Le général Wroblewski a trouvé tous les forts abandonnés; aujourd’hui, ils sont en état. Je ne comprends pas, je le répète, que vous attaquiez des hommes courageux et qui font leur devoir. Voilà ce que j’ai à dire pour le général Wroblewski.
FERRÉ. Vous vous rappelez que 1a Commission exécutive a fait afficher avec une assez grande profusion le rapport de la Commission chargée de faire une enquête relativement à l’assassinat de plusieurs gardes du 185e bataillon. Dans le XVIIIe arrondissement, ce rapport a produit un grand effet, et l’on a chargé la Commission militaire de demander qu’on usât de représailles. Voici la pétition énergique des habitants du XVIIIe arrondissement. Cette pétition est très importante, et nous demandons qu’elle soit adressée à la Commission de la Justice. Elle est accompagnée d’un cahier de signatures et tous les signataires sont membres de la Garde nationale.
RIGAULT. Je demande à tous nos anciens collègues du Comité central de faire activement des démarches afin de réunir les listes de la Garde nationale pour que l’on puisse procéder au tirage des jurés composant le jury d’accusation.
BILLIORAY. C’est très juste.
UN MEMBRE. Je demande la parole pour une affaire très urgente. Le XVIIe arrondissement est en complète révolution. C’est très grave. (Bruit.) Le reste d’un passé avec lequel nous avons eu à lutter s’agite, et l’ordre se trouve compromis. Voici une lettre relative à cet objet.
«Nous avons un comité occulte qui, après avoir volé, pillé la municipalité, détourné les fonds, arrêté arbitrairement…» (Interruptions.) Les membres de la Commission exécutive qui m’interpellent peuvent se rendre au XVIIe arrondissement et se charger d’y rétablir l’ordre; s’ils ne le font point, que la Commune donne à la municipalité de pleins pouvoirs pour faire cesser le désordre.
ANDRIEU demande la parole.
LE PRÉSIDENT. Le sentiment de l’assemblée est que les municipalités ont des pouvoirs suffisants pour réparer de pareils faits; il est inutile que vous preniez la parole à ce sujet. Je vais vous lire plusieurs propositions qui ont été déposées sur mon bureau (Mortier, Clémence, J.-B. Clément).

L’ordre du jour appelle la discussion sur le Comité de salut public.
AMOUROUX. Je demande la parole pour un fait personnel excessivement grave. Il s’agit de savoir si, parmi nous, dans cette assemblée, il se trouve des escamoteurs et des saltimbanques. Or, en lisant le Journal Officiel de ce matin, je vois que dans la séance d’hier j’ai été accusé d’avoir escamoté certaines parties du compte rendu de nos séances. Si, dans quelques cas, je supprime une partie du compte rendu, c’est uniquement dans l’intérêt de la Commune, pour supprimer vos inepties; mais hier, où, seul, j’ai été en jeu, je n’ai rien voulu supprimer, et c’est avec regret que je constate qu’aucun membre de l’assemblée ne s’est élevé pour protester.
JOHANNARD. Pardon! J’ai protesté, et ma protestation se trouve insérée au procès-verbal.
AMOUROUX. Je parle de la séance d’aujourd’hui, où le procès-verbal a été adopté sans qu’il ait été fait mention de l’incident où je me trouve en jeu. Depuis que vous m’avez nommé votre secrétaire, mon ami et collègue Antoine Arnaud se trouvant appelé à d’autres fonctions, j’ai été seul chargé du service, et, dans les volumineux cahiers que je mets sous vos yeux, vous pourrez voir que je ne suis pas resté inactif, et que j’ai bien le droit de me plaindre des propos infâmes tenus contre moi. Quant à ce qui est de l’incident Miot, si je l’ai supprimé, c’est dans l’intérêt de l’assemblée. Je ne pouvais en effet publier en entier une discussion où l’on vit deux membres, Avrial et Miot, lever le poing l’un contre l’autre, et il m’était impossible aussi de publier des parties de la discussion et mettre ce qu’il y avait de bon en écartant ce qu’il y avait de mauvais. Je devais mettre tout ou rien. Nous vous devons la vérité, et la preuve que je n’ai jamais voulu la cacher, c’est que, lorsque même vous vous constituez en Comité secret, le compte rendu analytique est toujours fait pour être recopié sur un livre que je garde avec moi soigneusement pour qu’un jour on puisse établir que, si nous avons eu des Comités secrets, c’était pour des raisons d’opportunité et non pour cacher nos paroles. Nous pourrons ainsi tout faire connaître plus tard. (Approbation.) Voici maintenant une phrase que je trouve ce matin à l’Officiel«Le citoyen Longuet. Que les membres qui m’interrompent, dans mon intérêt, je le reconnais, me permettent de m’expliquer. À l’Officiel, on m’apporte des comptes rendus assez mal faits pour que, de ma propre initiative, je sois obligé de retrancher quelques mots malheureux.»
Eh bien! à cette phrase, je répondrai ceci: si l’on a placé à la tête du Journal Officiel un homme intelligent, c’est évidemment pour qu’il se serve de son intelligence en faisant lui-même une révision dernière. Est-ce que je ne peux rien laisser passer après le travail de séance, qui, commençant à 4 heures se termine très tard, et absorbé que je suis par les travaux à donner à dix ou douze personnes au Secrétariat? Que de son côté le citoyen Longuet, qui est intelligent, fasse une partie du travail qui concerne l’Officiel.
LONGUET. Je le veux bien, mais on m’apporte trop tard la copie pour que je puisse donner des épreuves.
AMOUROUX. À 6 heures du matin, j’ai besoin de faire des envois par quatre chemins de fer à Lyon, à Bruxelles, en Hollande et ces envois ne sont reçus qu’à 1 h. 5 pour dernière réception; les reçus que j’ai entre les mains l’indiquent; il y a quelques jours seulement que je pouvais enyoyer à 2 h. 40. Je maintiens qu’on peut avoir des épreuves à 2 heures du matin, épreuves apportées par des hommes exprès.
B1LLIORAY. Je demande que vos déclarations relatives aux envois en province ne figurent pas au compte rendu.
AMOUROUX. C’est entendu. Dans le même compte rendu de la séance d’hier, le président a déclavé que comme sténographie la séance était très bien faite, mais que c’étaient les secrétaires qui avaient escamoté une partie de la séance dans l’Officiel. En réponse à ces paroles, je pourrais vous lire les comptes rendus analytiques ou du moins quelques passages de ces comptes rendus, et vous seriez étonnés de ce qu’ils contiennent. Vous vous convaincriez, en les lisant, que si j’escamote, comme on l’a dit, c’est dans votre intérêt, dans l’intérêt de votre pudeur. Il est évident maintenant que le citoyen Longuet a pour principale mission, quand il m’échappe quelques paroles, de les supprimer lui-même. Hier encore, à quel travail me suis-je soumis? De ma propre initiative, les bureaux n’étant pas ouverts et hier étant le grand jour des élections municipales, j’ai pris sur moi d’envoyer partout la réponse de la franc-maçonnerie. N’était-il pas important qu’on connût, sur tous les points de la France, cette réponse? (Oui!Très bien!). Je n’ai demamdé conseil à personne pour agir ainsi, parce que j’ai cru qu’il y avait intérêt à le faire. (Oui! Nouvelle adhésion.) Voilà pourquoi je n’ai pu assister à la séance d’hier: c’est la première fois que je m’absente, et il y en a peu parmi nous qui peuvent en dire autant. En ce moment même, je fais préparer une rédaction pour six à sept journaux étrangers, et je suis obligé de faire copier cette rédaction à plusieurs exemplaires, pour chaque journal, afin de prévenir la saisie de l’un des porteurs de chacune d’elles. Après ces explications, je demande que l’assemblée proteste contre les paroles dont l’insertion est au Journal Officiel de ce matin, paroles dirigées contre moi et prononcées en mon absence.
(Oui! Très bien! Interruptions diverses.)
BLANCHET demande la parole pour un fait personnel.
LE PRÉSIDENT. Si quelqu’un avait à demander la parole en ce moment, ce serait le citoyen Longuet, qui est plus particulièrement mis en cause. Je ne puis donc autoriser le citoyen Blanchet à répondre sur un fait qui ne le touche pas. Le citoyen Longuet me remet une proposition ayant pour put de faire désigner deux délégués par la Commune pour aider à la rédaction de l’Officiel. (Oui! oui! appuyé!)
«Il sera nommé deux membres de la Commune pour la rédaction de l’Officiel

L’assemblée consulté désigne les citoyens A. ARNOULD et VERMOREL.
PARISEL. Je viens dire à l’assemblée que je pourrai d’ici quelques jours mettre à la disposition de la Guerre les moyens pour lesquels je travaille. Mais je demande aussi que les ordres nécessaires soient donnés pour que les divers services n’apportent aucune entrave aux demandes que je pourrai faire. Ainsi, il y a des ballons dont on ne se sert pas et que je demanderai que l’on mette à ma disposition. ll y a aussi des produits chimiques dans des locaux, qui ne servent en ce moment à rien et qui me seraient nécessaires. Il importe donc que le Service des subsistances mette à ma disposition tous les engins dont j’ai besoin. J’insiste aussi pour que mes observations figurent à l’Officiel.

La proposition est adoptée.
UN MEMBRE. Je demande à répondre au citoyen Parisel.
(Interruptions.)
LE PRÉSIDENT. Voilà ce que c’est que les protestations pour des faits personnels. Entendez-vous d’abord avec vos collègues, et, si vous n’êtes pas d’accord, vous viendrez alors soumettre vos débats à l’assemblée. Le citoyen Léo Fränckel a fait une proposition que je vais lire à l’assemblée.

L’ordre du jour appelle le vote sur le projet Miot.
UN MEMBRE. Je demande qu’on mette aux voix si la proposition Parisel est acceptée.
LE PRÉSIDENT. Mais il n’y a pas eu de proposition.
PARISEL. Je ne pourrai pas faire ce que je veux, si l’on met des obstacles à mes demandes.
LE PRÉSIDENT. Le citoyen Parisel aurait dû s’entendre d’abord avec ses collègues.
PARISEL. Je me suis entendu avec eux.
PLUSIEURS MEMBRES. L’ordre du jour!
LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet Miot. Je donne lecture de l’ordre du jour.
BESLAY. J’ai une observation à faire: je n’étais pas à la séance d’hier.
LE PRÉSIDENT. C’est un vote de l’assemblée, nous devons l’exécuter. Les secrétaires vont donner lecture de la partie du procès-verbal relative à ce vote, afin que les membres qui n’étaient pas là sachent ce dont il est question. (Bruit, interruptions en sens divers.) Il n’y a pas de parole à accorder en ce moment, puisque le vote est acquis: à moins que vous ne vouliez escamoter un vote; alors, vous ne m’aurez pas comme président.
(Interruptions.)

ARNOULD. Ne recommençons pas les violences d’hier.
LE PRÉSIDENT. C’est le 1er article sur lequel on va voter. Le 2e a été adopté, ainsi que le 3e et le 4e.
RASTOUL. On va voter sur une question où règne la confusion la plus grande.
LE PRÉSIDENT. Ceux qui veulent voter pour le Comité de salut public devront dire: «Salut public» à l’appel de leur nom. Ceux qui veulent le Comité exécutif devront dire: «Exécutif» à l’appel de leur nom.
LEFRANÇAIS. Citoyen président, il est bien entendu que l’on votera ensuite sur l’ensemble du projet.

Adopté.
BESLAY. Il est bien entendu aussi que l’on pourra motiver son vote.
LE PRÉSIDENT. On n’aura qu’à écrire son vote motivé sur un papier que l’on déposera sur le bureau.

Il est procédé au vote. Le citoyen Beslay motive son vote par écrit.
PARISEL vote pour le Comité de salut public et regrette de ne pas trouver un mot assez fort pour effrayer nos ennemis.
JOURDE. Je vote pour l’Exécutif, mais je fais toutes réserves pour les articles à venir.

Le secrétaire donne lecture du résultat du vote et félicite l’assemblée: 62 votants; majorité absolue, 32; 28 Exécutif, 34 Salut public.
Pour la formation d’un Comité de salut public:
Amouroux, Ant. Arnaud, Bergeret, Billioray, Blanchet, Champy, Chardon, E. Clément, J.-B. Clément, Demay, Dupont (Cl.), Durand, Ferré, Fortuné (Henry), Gambon, Géresme, Grousset, Johannard, Ledroit, Lonclas, L. Melliet, Miot, Oudet, Parisel, Pillot, Philippe, F. Pyat, Ranvier, Régère, Rigault, Trinquet, Urbain, Vésinier, Viard.

Pour la formation d’un Comité exécutif:
Andrieu, Arthur Arnould, Avrial, Allix, Babick, Beslay, Clémence, V. Clément, Courbet, Fränckel, Gérardin, Jourde, Langevin, Lefrançais, Longuet, Ostyn, Pindy, Pottier, Rastoul, Serraillier, Sicard, Tridon, Theisz, Vaillant, Vallès, Varlin, Verdure.

LE PRÉSIDENT. L’article premier est adopté dans la teneur donnée par le citoyen Miot.

(Bruit.)
(À suivre.)



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