lundi 2 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 25 avril 1871 (2)




Rastoul. Je suis inspecteur des ambulances et je tiens à conserver mon indépendance absolue vis-à-vis de la Guerre.

ANDRIEU. Je veux uniquement répondre à une phrase prononcée tout à l’heure par le citoyen Fortuné Henry. Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour empêcher l’encombrement des portes de Paris pendant la durée de l’armistice.

DELESCLUZE. On paraît croire qu’il suffit d’être membre de la Commune pour se faire ouvrir les portes à chaque instant. Comment! Vous iriez vous exposer à sacrifier le salut des défenseurs de la patrie pour vous faire ouvrir les portes de la ville!

LEDROIT. Ce n’est pas cela. Vous ne nous avez pas compris. Ce n’est pas ce que nous avons dit.

AVRIAL. Dans une ville assiégée, il n’y a que le Commandant de place qui puisse entrer et sortir comme il le veut; or, fussiez-vous vingt fois membre de la Commune, cela ne vous donne pas le droit de passer sans l’autorisation de la Place.

RASTOUL. Je trouve que la discussion s’égare. Il faut, pour mon service, que je passe partout. Ce n’est pas comme membre de la Commune que je parle, mais comme inspecteur des ambulances. C’est un service public. Je ne reconnais pas à un colonel le droit de m’empêcher de passer. Il faut que mes inspecteurs et moi nous puissions circuler librement; autrement, le service ne serait pas possible, et je serais obligé de donner ma démission.

LANGEVIN. Le moyen que propose Rastoul dépasse le droit. Il n’est pas nécessaire que la Commune fasse un décret pour disposer que ses membres ont le droit de passer partout. Il n’y a qu’à faire une chose: le citoyen Rastoul n’a qu’à se munir de titres qui déterminent sa fonction.

RASTOUL. Je n’ai pas pu passer, je vous le répète.

LE PRÉSIDENT lit de nouveau la lettre de Rastoul.

(Bruit.)

VOIX. L’ordre du jour!

RASTOUL. Je demande qu’on mette mon arrêté aux voix.

RIGAULT. La question me semble singulièrement déplacée en la posant à la Commune. Un inspecteur des ambulances a jusqu’ici, à tort ou raison, dépendu du ministère de la Guerre.

RASTOUL. Non, non, je ne veux pas.

RIGAULT. Il est rationnel que les ambulances dépendent de la Guerre, c’est naturel, il n’en peut être autrement.

RASTOUL. Citoyens, la Guerre a la direction et l’exécution. Si vous mettez dans la même main la direction, l’exécution et l’inspection, il est évident que la Guerre se donnera à elle-même un certificat de satisfaction. Il faut que l’inspection soit en dehors de la direction. Je suis inspecteur des ambulances et je tiens à conserver mon indépendance absolue vis-à-vis de la Guerre. Sans cela, je serais forcé de me démettre.

BERGERET. Il y a là un malentendu tout simplement. Le colonel La Cécilia a été forcé de donner l’ordre de ne laisser sortir personne de Paris en raison de l’évacuation de Neuilly. Le citoyen Henry en vous empêchant de passer n’a fait qu’exécuter l’ordre qui lui avait été donné par son supérieur. Je crois qu’il n’y a là qu’un malentendu.

VERMOREL. Citoyens, nous avons la publicité de nos séances. Eh! bien, cette publicité nous impose des devoirs de dignité. Vous avez nommé des Commissions. C’est devant elle qu’il faut porter toutes les réclamations, et non devant la Commune. Il ne faut pas que le public sache que, pour une foule de questions oiseuses, nous perdons un temps précieux, que nous devrions mieux employer.

RASTOUL. C’est justement une question de dignité que je viens de porter devant la Commune elle-même. Si vous déléguez, un de nos membres à un service, il ne faut pas qu’il se heurte à chaque instant devant des entraves qui l’empêchent de faire son devoir.

(Interruptions diverses.)

RASTOUL. J’ai été nommé par la Commune elle-même. Si vous ne défendez pas votre dignité, je ne pourrai plus faire mon service.

LONGUET. Il ne s’agit pas de subordination ici. J’ai voulu dire qu’il fallait d’abord s’adresser à la Guerre, et si vous n’obteniez pas satisfaction de ce côté, vous pouviez faire connaître le fait à la Commune.

RASTOUL. Je ne dépends pas de la Guerre, mais de la Commune; c’est pourquoi j’ai porté plainte à la Commune.

(À suivre.) 

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