(Suite
de la séance du 5 mai 1871.)
LE PRÉSIDENT. Citoyen Régère, vous n’avez pas le droit de passionner ce débat d’une façon aussi excessive. Personne n’a le droit de dire que quelques membres de cette assemblée tendent à sa dissolution.
RÉGÈRE. C’est mon opinion, et je demande formellement que mes paroles soient insérées au procès-verbal.
VÉSINIER. Je suis d’avis qu’on ne publie pas le procès-verbal, mais, si on le publie, au moins qu’on ne publie pas les dépêches militaires. (Approbation.) Dans la question qui nous occupe, mettons la plus grande modération. Nous sommes appelés à être demain des juges.
LEFRANÇAIS. Moi, citoyens, qui ai été l’adversaire du Comité de salut public, je dis qu’il est nécessaire, sous peine de ridicule pour la Commune, de publier les débats, quand on saura que ces cinq membres que vous avez constitués vont être changés, parce que ces cinq membres n’ont pas été à la hauteur de la mission qui leur avait été confiée. (Violentes protestations.) J’exprime mon opinion; je n’ai pas l’habitude de parler au nom de personne ici. Je dis que, parce qu’on va changer ces cinq membres, qui, à mon avis, n’ont pas rempli la mission qui leur avait été confiée, je dis que cela ne compromet en rien la Commune et l’institution que vous avez établie. Et si on ne publiait pas la discussion, vous pourriez porter une atteinte mortelle à cette institution qu’à mon grand regret vous avez créée.
LE PRÉSIDENT. J’ai une proposition écrite: il faut que je la lise:
«Je demande que l’ordre du jour de demain soit inséré à l’Officiel, afin que personne ne manque à la séance.»
(Appuyé.)
LE PRÉSIDENT. Autre proposition:
«Considérant qu’un pouvoir n’a de force que s’il est délimité… [manque]
«Signé: ANDRIEU, THIEZ, JOURDE, VAILLANT, ARNOLD.»
J’ajoute que mon opinion est que ce projet de décret soit envoyé à l’ordre du jour de demain.
LANGEVIN. Le citoyen Lefrançais vient de dire qu’il était nécessaire de conserver l’autorité morale dont le Comité de salut public a besoin. Mais je crois qu’il y a quelque chose de plus nécessaire, c’est de conserver l’autorité à la Commune, et je crois que la publicité la lui enlèverait. On a fait une proposition qui me semble très bonne, c’est d’ajourner toute espèce de publication jusqu’à la fin de tout débat.
LE PRÉSIDENT. Vous savez que Varlin a été nommé intendant général à la Manutention; il a demandé à être remplacé aux subsistances. Veuillez lui désigner un successeur.
VARLIN. Je regrette que le président n’ait pas lu les notes déposées sur son bureau. Depuis trois jours, je suis à l’Intendance générale, je ne puis pas m’occuper des subsistances et je demande à faire partie de la Commission de la Guerre .
LE PRÉSIDENT lit la lettre du citoyen Varlin:
«Le citoyen Varlin, délégué provisoirement à l’Intendance, demande à passer de la Commission des subsistances à la Commission de la Guerre.
«5 mai 1871.
«E. VARLIN.»
PLUSIEURS MEMBRES. Approuvé.
FORTUNÉ [HENRY]. Je demande à l’ex-Commission exécutive ce qu’elle a fait de Cluseret, où elle l’a fait enfermer. Les membres de la Commune qui ont à communiquer avec lui ne peuvent le voir. Nous nous sommes adressés à la Sûreté publique, qui n’a pas pu nous répondre.
PLUSIEURS MEMBRES. Il est à Mazas.
JOURDE. Comme membre de la Commission exécutive, je suis extrêmement surpris de cette question. Cluseret a été arrêté dimanche à 4 heures. Il faut s’adresser au Comité de salut public pour savoir ce qu’est devenu Cluseret. Une commission d’enquête avait été formée pour statuer sur le sort de Cluseret et
sur le fait du fort d’Issy.
UN MEMBRE. C’est la Commission exécutive qui a arrêté Cluseret, elle doit savoir où elle l’a mis.
UNE VOIX. Elle l’a arrêté ici.
AUTRE VOIX. C’est le Comité de salut public qui doit savoir où il est. (Bruit.) En accusant Cluseret, la Commission exécutive a fait une grande maladresse.
AVRIAL. Citoyens, la demande de Fortuné est pleine de bon sens; il faut se préoccuper un peu plus de l’honneur et de la vie des membres de la Commune. On l’a arrêté: sous quelle inculpation? Tout le monde sait qu’il a été arrêté et tout le monde désire savoir ce qui lui est reproché. Il faut procéder immédiatement à une instruction; s’il est coupable, qu’il soit puni et, s’il est innocent, qu’il reprenne sa place parmi nous.
(Assentiment.)
LONGUET. Il est incontestable que la Commission exécutive a dit où était Cluseret. Aujourd’hui, la question que l’on a posée ne regarde plus que le Comité de salut public. Il serait incroyable qu’au bout de cinq jours, le Comité de salut public n’ait rien fait à l’égard de Cluseret. Je sais que la Commission exécutive devait faire une enquête sur les faits qui se sont passés à Issy, mais je ne sais point si le Comité de salut public s’est occupé de cette affaire.
PYAT. La Commission exécutive a fait arrêter Cluseret; ce n’est que comme membres de la Commune que nous l’avons appris. Nommés membres du Comité de salut public, nous devions être saisis du fait de l’arrestation du général Cluseret, et être informés du lieu où il était déposé; la Commission exécutive ne nous a même pas vus; elle a déserté son poste en nous disant, en quelque sorte: «Tirez-vous de là comme vous pourrez.» Je ne sais pas où est Cluseret. Je ne connais rien de la Commission d’enquête; je n’ai vu personnellement aucun membre de la Commission exécutive; pour moi, Cluseret, c’est une muscade qui a disparu sous le gobelet des prestidigitateurs de la Commission exécutive.
ANDRIEU. La Commission exécutive n’est comptable de Cluseret que tant qu’elle a existé. Que, au moment où le Comité de salut public est né, la Commission exécutive n’existe plus.
VOIX NOMBREUSES. Il fallait rendre vos comptes.
ANDRIEU. Cluseret a été arrêté à l’Hôtel de Ville et, de là, conduit à Mazas. Depuis, il a couché au moins une nuit, paraît-il, à l’Hôtel de Ville et, aujourd’hui, je ne sais où il est. Ce que je vous dis, je l’ai appris comme citoyen, mais non officiellement. C’était au Comité de salut public de nous demander des comptes.
PYAT. Il faudra bien que vous les rendiez, les comptes!
(Bruit prolongé.)
FERRÉ. Si vous m’aviez laissé parler; tout ce débat regrettable n’aurait pas existé. Cluseret est à Mazas. Quand le citoyen Fortuné voudra le voir, il n’aura qu’à y venir. Je demande qu’on lève la séance, et j’ajoute que, du moment qu’on attaque le Comité de salut public, j’attaquerai la Commission exécutive.
VAILLANT. Je désire dire un mot. La Commission exécutive a été attaquée, je demande à répondre tout de suite.
PLUSIEURS MEMBRES. Non! À demain!
LE PRÉSIDENT. La discussion est renvoyée à demain.
RIGAULT. Vous vous rappelez qu’il a été convenu que, quand il aurait été procédé à l’arrestation d’un collègue, on ferait un rapport à la Commune; je le fais aujourd’hui, non pas dans les vingt-quatre heures, mais dans les deux heures. Aujourd’hui nous avons appelé devant vous le citoyen Blanchet. Depuis longtemps nous étions prévenus que ce nom n’était pas le sien; que sous un autre nom il avait exercé des fonctions et subi une condamnation qui ne lui permettaient pas de rester parmi nous. Quoi qu’il ait toujours voté avec La majorité et le Comité de sûreté générale, à cause de cela surtout, je n’ai pas gardé de ménagements.
(Approbation.)
RIGAULT. C’est le citoyen Ferré qui a fait l’enquête. Le citoyen Blanchet s’est présenté devant nous; je ne crois pouvoir faire mieux que de vous lire le procès-verbal que nous avons dressé de cette entrevue.
«L’an mil huit cent soixante et onze, le cinq mai.
«Devant nous, délégué à la Sûreté générale et membres dudit comité, est comparu le membre de la Commune connu sous le nom de Blanchet.
«Lequel, interpellé par le citoyen Ferré, a déclaré qu’il ne s’appelait pas Blanchet, mais bien Pourille (Stanislas).
«Sur la seconde interpellation, Pourille déclare qu’il a bien été secrétaire de commissaire de police à Lyon, qu’il est entré, à Brest, dans un couvent de capucins en qualité de novice vers 1860, qu’il y est resté huit ou neuf mois.
«Je partis, ajoute-t-il, en Savoie, où je rentrai dans un second couvent de capucins, à La Roche. Ceci se passait en 1862.
«Revenu à Lyon, je donnai des leçons en ville. On me proposa d’être traducteur-interprète au Palais de Justice, j’acceptai.
«On me dit après qu’une place de secrétaire dans un commissariat était vacante; j’acceptai également et je suis entré dans ce commissariat vers 1865, et j’y suis resté environ deux ans.
«Au bout de ce temps, quand je demandai de l’avancement, quand je demandai à être commissaire spécial aux chemins de fer, ma demande étant restée sans réponse, j’offris ma démission, qui fût acceptée. C’est après ces événements que je vins à Paris.
«J’ai été condamné à six jours de prison pour banqueroute, à Lyon. J’ai changé de nom parce qu’il y avait une loi disant qu’on ne pouvait signer son nom dans un journal lorsqu’on a été mis en faillite.
«Nous, délégués de la Sûreté générale, et membres dudit Comité, envoyons à Mazas le sieur Pourille.
«GOURNET, TH. FERRÉ, A. VERMOREL, RAOUL RIGAULT, A. DUPONT, TRINQUET.»
RIGAULT. Voici les faits. Je n’insisterai pas beaucoup sur les détails, à moins que l’assemblée ne le demande. (Oui! Oui!) Alors, puisque vous le voulez, j’insiste. Il y a quelque temps, deux citoyens, qui étaient près de la porte d’entrée, voyant sortir Blanchet, me dirent: «Connaissez-vous ce citoyen? Nous sommes de Lyon, et nous croyons qu’il a été secrétaire du commissaire de police de Lyon.» Nous nous livrâmes à une investigation, et nous avons reconnu qu’il y avait concordance parfaite comme âge, comme signalement, etc. entre le nommé Blanchet et le nommé Pourille. L’identité établie par le témoignage de ces deux citoyens que je ne connaissais pas, mais dont nous avons les noms, nous avons continué l’enquête. D’autres rapports sont venus nous démontrer que ce Blanchet avait été chez les capucins, qu’il avait embrassé la vie monastique avec tout ce qu’elle comporte. Hier, nous nous sommes fait délivrer un extrait du casier judiciaire, qui relatait que le nommé Blanchet avait été condamné à six jours de prison pour banqueroute frauduleuse, en 1868, par le tribunal de Lyon. Nous l’avons appelé devant nous; nous étions tous présents, et nous avons été d’accord qu’il fallait d’abord lui demander sa démission, que je dépose sur le bureau du président. Puis, persuadé que sous ce nom de Blanchet, il pouvait avoir commis des faux, j’ai cru qu’il fallait l’envoyer à Mazas; c’est d.onc sous cette inculpation que je l’ai fait arrêter. Il a reconnu tous ces faits; je ne lui ai pas demandé de signer, mais nous étions présents tous les six, et c’est devant nous qu’il a avoué ce que je viens de vous lire. Par conséquent, je vous demanderai de vouloir bien confirmer son arrestation et d’accepter sa démission.
LE PRÉSIDENT lit la démission du citoyen Blanchet.
«Je, soussigné, député à la Commune sous le nom de Blanchet, déclare donner ma démission de membre de la Commune.»
«POURILLE, DIT BLANCHET.»
LONGUET. L’élection était nulle.
La séance est levée à 8 heures moins 1/4.
LE PRÉSIDENT. Citoyen Régère, vous n’avez pas le droit de passionner ce débat d’une façon aussi excessive. Personne n’a le droit de dire que quelques membres de cette assemblée tendent à sa dissolution.
RÉGÈRE. C’est mon opinion, et je demande formellement que mes paroles soient insérées au procès-verbal.
VÉSINIER. Je suis d’avis qu’on ne publie pas le procès-verbal, mais, si on le publie, au moins qu’on ne publie pas les dépêches militaires. (Approbation.) Dans la question qui nous occupe, mettons la plus grande modération. Nous sommes appelés à être demain des juges.
LEFRANÇAIS. Moi, citoyens, qui ai été l’adversaire du Comité de salut public, je dis qu’il est nécessaire, sous peine de ridicule pour la Commune, de publier les débats, quand on saura que ces cinq membres que vous avez constitués vont être changés, parce que ces cinq membres n’ont pas été à la hauteur de la mission qui leur avait été confiée. (Violentes protestations.) J’exprime mon opinion; je n’ai pas l’habitude de parler au nom de personne ici. Je dis que, parce qu’on va changer ces cinq membres, qui, à mon avis, n’ont pas rempli la mission qui leur avait été confiée, je dis que cela ne compromet en rien la Commune et l’institution que vous avez établie. Et si on ne publiait pas la discussion, vous pourriez porter une atteinte mortelle à cette institution qu’à mon grand regret vous avez créée.
LE PRÉSIDENT. J’ai une proposition écrite: il faut que je la lise:
«Je demande que l’ordre du jour de demain soit inséré à l’Officiel, afin que personne ne manque à la séance.»
(Appuyé.)
LE PRÉSIDENT. Autre proposition:
«Considérant qu’un pouvoir n’a de force que s’il est délimité… [manque]
«Signé: ANDRIEU, THIEZ, JOURDE, VAILLANT, ARNOLD.»
J’ajoute que mon opinion est que ce projet de décret soit envoyé à l’ordre du jour de demain.
LANGEVIN. Le citoyen Lefrançais vient de dire qu’il était nécessaire de conserver l’autorité morale dont le Comité de salut public a besoin. Mais je crois qu’il y a quelque chose de plus nécessaire, c’est de conserver l’autorité à la Commune, et je crois que la publicité la lui enlèverait. On a fait une proposition qui me semble très bonne, c’est d’ajourner toute espèce de publication jusqu’à la fin de tout débat.
LE PRÉSIDENT. Vous savez que Varlin a été nommé intendant général à la Manutention; il a demandé à être remplacé aux subsistances. Veuillez lui désigner un successeur.
VARLIN. Je regrette que le président n’ait pas lu les notes déposées sur son bureau. Depuis trois jours, je suis à l’Intendance générale, je ne puis pas m’occuper des subsistances et je demande à faire partie de la Commission de la Guerre .
LE PRÉSIDENT lit la lettre du citoyen Varlin:
«Le citoyen Varlin, délégué provisoirement à l’Intendance, demande à passer de la Commission des subsistances à la Commission de la Guerre.
«5 mai 1871.
«E. VARLIN.»
PLUSIEURS MEMBRES. Approuvé.
FORTUNÉ [HENRY]. Je demande à l’ex-Commission exécutive ce qu’elle a fait de Cluseret, où elle l’a fait enfermer. Les membres de la Commune qui ont à communiquer avec lui ne peuvent le voir. Nous nous sommes adressés à la Sûreté publique, qui n’a pas pu nous répondre.
PLUSIEURS MEMBRES. Il est à Mazas.
JOURDE. Comme membre de la Commission exécutive, je suis extrêmement surpris de cette question. Cluseret a été arrêté dimanche à 4 heures. Il faut s’adresser au Comité de salut public pour savoir ce qu’est devenu Cluseret. Une commission d’enquête avait été formée pour statuer sur le sort de Cluseret et
sur le fait du fort d’Issy.
UN MEMBRE. C’est la Commission exécutive qui a arrêté Cluseret, elle doit savoir où elle l’a mis.
UNE VOIX. Elle l’a arrêté ici.
AUTRE VOIX. C’est le Comité de salut public qui doit savoir où il est. (Bruit.) En accusant Cluseret, la Commission exécutive a fait une grande maladresse.
AVRIAL. Citoyens, la demande de Fortuné est pleine de bon sens; il faut se préoccuper un peu plus de l’honneur et de la vie des membres de la Commune. On l’a arrêté: sous quelle inculpation? Tout le monde sait qu’il a été arrêté et tout le monde désire savoir ce qui lui est reproché. Il faut procéder immédiatement à une instruction; s’il est coupable, qu’il soit puni et, s’il est innocent, qu’il reprenne sa place parmi nous.
(Assentiment.)
LONGUET. Il est incontestable que la Commission exécutive a dit où était Cluseret. Aujourd’hui, la question que l’on a posée ne regarde plus que le Comité de salut public. Il serait incroyable qu’au bout de cinq jours, le Comité de salut public n’ait rien fait à l’égard de Cluseret. Je sais que la Commission exécutive devait faire une enquête sur les faits qui se sont passés à Issy, mais je ne sais point si le Comité de salut public s’est occupé de cette affaire.
PYAT. La Commission exécutive a fait arrêter Cluseret; ce n’est que comme membres de la Commune que nous l’avons appris. Nommés membres du Comité de salut public, nous devions être saisis du fait de l’arrestation du général Cluseret, et être informés du lieu où il était déposé; la Commission exécutive ne nous a même pas vus; elle a déserté son poste en nous disant, en quelque sorte: «Tirez-vous de là comme vous pourrez.» Je ne sais pas où est Cluseret. Je ne connais rien de la Commission d’enquête; je n’ai vu personnellement aucun membre de la Commission exécutive; pour moi, Cluseret, c’est une muscade qui a disparu sous le gobelet des prestidigitateurs de la Commission exécutive.
ANDRIEU. La Commission exécutive n’est comptable de Cluseret que tant qu’elle a existé. Que, au moment où le Comité de salut public est né, la Commission exécutive n’existe plus.
VOIX NOMBREUSES. Il fallait rendre vos comptes.
ANDRIEU. Cluseret a été arrêté à l’Hôtel de Ville et, de là, conduit à Mazas. Depuis, il a couché au moins une nuit, paraît-il, à l’Hôtel de Ville et, aujourd’hui, je ne sais où il est. Ce que je vous dis, je l’ai appris comme citoyen, mais non officiellement. C’était au Comité de salut public de nous demander des comptes.
PYAT. Il faudra bien que vous les rendiez, les comptes!
(Bruit prolongé.)
FERRÉ. Si vous m’aviez laissé parler; tout ce débat regrettable n’aurait pas existé. Cluseret est à Mazas. Quand le citoyen Fortuné voudra le voir, il n’aura qu’à y venir. Je demande qu’on lève la séance, et j’ajoute que, du moment qu’on attaque le Comité de salut public, j’attaquerai la Commission exécutive.
VAILLANT. Je désire dire un mot. La Commission exécutive a été attaquée, je demande à répondre tout de suite.
PLUSIEURS MEMBRES. Non! À demain!
LE PRÉSIDENT. La discussion est renvoyée à demain.
RIGAULT. Vous vous rappelez qu’il a été convenu que, quand il aurait été procédé à l’arrestation d’un collègue, on ferait un rapport à la Commune; je le fais aujourd’hui, non pas dans les vingt-quatre heures, mais dans les deux heures. Aujourd’hui nous avons appelé devant vous le citoyen Blanchet. Depuis longtemps nous étions prévenus que ce nom n’était pas le sien; que sous un autre nom il avait exercé des fonctions et subi une condamnation qui ne lui permettaient pas de rester parmi nous. Quoi qu’il ait toujours voté avec La majorité et le Comité de sûreté générale, à cause de cela surtout, je n’ai pas gardé de ménagements.
(Approbation.)
RIGAULT. C’est le citoyen Ferré qui a fait l’enquête. Le citoyen Blanchet s’est présenté devant nous; je ne crois pouvoir faire mieux que de vous lire le procès-verbal que nous avons dressé de cette entrevue.
«L’an mil huit cent soixante et onze, le cinq mai.
«Devant nous, délégué à la Sûreté générale et membres dudit comité, est comparu le membre de la Commune connu sous le nom de Blanchet.
«Lequel, interpellé par le citoyen Ferré, a déclaré qu’il ne s’appelait pas Blanchet, mais bien Pourille (Stanislas).
«Sur la seconde interpellation, Pourille déclare qu’il a bien été secrétaire de commissaire de police à Lyon, qu’il est entré, à Brest, dans un couvent de capucins en qualité de novice vers 1860, qu’il y est resté huit ou neuf mois.
«Je partis, ajoute-t-il, en Savoie, où je rentrai dans un second couvent de capucins, à La Roche. Ceci se passait en 1862.
«Revenu à Lyon, je donnai des leçons en ville. On me proposa d’être traducteur-interprète au Palais de Justice, j’acceptai.
«On me dit après qu’une place de secrétaire dans un commissariat était vacante; j’acceptai également et je suis entré dans ce commissariat vers 1865, et j’y suis resté environ deux ans.
«Au bout de ce temps, quand je demandai de l’avancement, quand je demandai à être commissaire spécial aux chemins de fer, ma demande étant restée sans réponse, j’offris ma démission, qui fût acceptée. C’est après ces événements que je vins à Paris.
«J’ai été condamné à six jours de prison pour banqueroute, à Lyon. J’ai changé de nom parce qu’il y avait une loi disant qu’on ne pouvait signer son nom dans un journal lorsqu’on a été mis en faillite.
«Nous, délégués de la Sûreté générale, et membres dudit Comité, envoyons à Mazas le sieur Pourille.
«GOURNET, TH. FERRÉ, A. VERMOREL, RAOUL RIGAULT, A. DUPONT, TRINQUET.»
RIGAULT. Voici les faits. Je n’insisterai pas beaucoup sur les détails, à moins que l’assemblée ne le demande. (Oui! Oui!) Alors, puisque vous le voulez, j’insiste. Il y a quelque temps, deux citoyens, qui étaient près de la porte d’entrée, voyant sortir Blanchet, me dirent: «Connaissez-vous ce citoyen? Nous sommes de Lyon, et nous croyons qu’il a été secrétaire du commissaire de police de Lyon.» Nous nous livrâmes à une investigation, et nous avons reconnu qu’il y avait concordance parfaite comme âge, comme signalement, etc. entre le nommé Blanchet et le nommé Pourille. L’identité établie par le témoignage de ces deux citoyens que je ne connaissais pas, mais dont nous avons les noms, nous avons continué l’enquête. D’autres rapports sont venus nous démontrer que ce Blanchet avait été chez les capucins, qu’il avait embrassé la vie monastique avec tout ce qu’elle comporte. Hier, nous nous sommes fait délivrer un extrait du casier judiciaire, qui relatait que le nommé Blanchet avait été condamné à six jours de prison pour banqueroute frauduleuse, en 1868, par le tribunal de Lyon. Nous l’avons appelé devant nous; nous étions tous présents, et nous avons été d’accord qu’il fallait d’abord lui demander sa démission, que je dépose sur le bureau du président. Puis, persuadé que sous ce nom de Blanchet, il pouvait avoir commis des faux, j’ai cru qu’il fallait l’envoyer à Mazas; c’est d.onc sous cette inculpation que je l’ai fait arrêter. Il a reconnu tous ces faits; je ne lui ai pas demandé de signer, mais nous étions présents tous les six, et c’est devant nous qu’il a avoué ce que je viens de vous lire. Par conséquent, je vous demanderai de vouloir bien confirmer son arrestation et d’accepter sa démission.
LE PRÉSIDENT lit la démission du citoyen Blanchet.
«Je, soussigné, député à la Commune sous le nom de Blanchet, déclare donner ma démission de membre de la Commune.»
«POURILLE, DIT BLANCHET.»
LONGUET. L’élection était nulle.
La séance est levée à 8 heures moins 1/4.
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