dimanche 8 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 30 avril 1871 (2)





MEILLET, président.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition, faite par le citoyen Miot, d’un Comité de salut public.
RÉGÈRE se déclare pour le Comité de salut public. Loin d’accuser d’incurie les délégués aux différents ministères, il reconnaît qu’ils ont fait tout leur possible, mais ils sont absorbés par les détails, et les décrets de la Commune ne sont point exécutés. Ce qui manque, c’est une permanence de membres, donnant à la défense plus de coordination.
VIARD demande, si l’on forme ce comité, que l’on procède avec beaucoup de soin au choix des membres qui le composeront.
ARNOLD voudrait que l’on formulât d’une façon précise le programme de ce comité.
JOHANNARD insiste pour qu’on délimite les attributions du comité et qu’on ne fasse entrer dans ce comité que des membres jeunes et énergiques.
ALLIX fait remarquer que, dans l’idée de la Commune, la nouvelle Commission exécutive était un véritable Comité de salut public. Il craint qu’on ne se laisse entraîner par des mots; ce Comité de salut public cache la dictature.
CHARDON croit que l’on peut former ce comité sans toucher aux droits de la Commune.
OSTYN repousse absolument tout Comité de salut public: c’est la royauté déguisée. Si on le forme, qu’on délimite bien ses pouvoirs.
VÉSINIER dit que ce Comité de salut public serait en réalité un comité exécutif, au-dessus des commissions actuelles, on peut le créer sans toucher à ce qui existe. Le travail administratif absorbe tout le temps et les forces des membres et des délégués des commissions; le comité donnerait la direction politique. Peut-il être un danger? Non, s’il n’a pas auprès de lui un tribunal suprême ayant le droit d’arrêter les membres de la Commune. Si cette juridiction n’est pas créée, l’écueil de la dictature sera évité et un double but atteint: inviolabilité de la Commune, et direction puissante donnée aux affaires.
CHALAIN croit que, si le mot de Comité de salut public effraye, on peut appeler ce comité: comité directeur. (Obligé de se retirer, le citoyen Chalain laisse son vote au président.)
ANDRIEU déclare mauvais tout vote venant après une nouvelle à sensation. Le nom de Comité de salut public lui importe peu, c’est la chose qu’il redoute. Il demande qu’on discute seulement aujourd’hui le principe de la proposition du citoyen Miot.
BILLIORAY démontre que la proposition ne s’est nullement faite à la suite des nouvelles d’Issy. Le Comité de Salut public, ou plutôt de direction, aurait pour mission de faire exécuter les décrets de la Commune et de contrôler les délégués.
BABICK est contre le Comité de Salut public, qui est un retour aux errements monarchiques.
DUPONT ne voit aucun danger dans la création d’un comité qui aurait pour seul mandat de poursuivre et de punir les traîtres.
RASTOUL demande trois membres absolument libres et responsables de leurs actes.
LANGEVIN veut que les attributions de cette nouvelle commission soient nettement définies.
PILLOT croit qu’il faut concentrer toutes les volontés. Parfois, trop souvent, les décrets de la Commune demeurent lettres mortes. Il se forme dans le public des groupes qui tendent, sous couleur de républicanisme, à étouffer la Commune et à la remplacer par une sorte de République dans le genre de celle de 48.
VAILLANT demande qu’on ne fasse pas de pastiche révolutionnaire. L’important serait de transformer la Commune elle-même, d’en faire ce qu’était la première Commune de Paris, une assemblée de commissions travaillant ensemble, et non un parlement où chacun tient à dire son mot.
TRIDON craint que le comité directeur ne soit qu’un comité d’empêchement. Ce n’est pas une commission isolée qui peut exécuter les décrets, c’est la Commune tout entière. De plus, il ne voit pas les hommes à mettre dans ce comité.
ARNOLD voudrait que ce comité fût simplement une commission d’exécution des décrets.
MIOT fait observer qu’il n’a pas attendu les nouvelles fâcheuses qui sont venues d’Issy pour faire sa proposition. Il insiste pour que la Commune forme un Comité de salut public, et non un Comité directeur. On accuse généralement la Commune de mollesse, d’inactivité; il faut un comité qui donne une impulsion nouvelle à la défense et ait le courage, s’il le faut, de faire tomber les têtes des traîtres.
PYAT se déclare pour le principe du nouveau comité. La formation de la nouvelle Commission exécutive est vicieuse; c’est le cumul des fonctions, c’est la confusion des pouvoirs, c’est la réaction.
La clôture de la discussion générale est prononcée.
LE PRÉSIDENT donne lecture de la proposition du citoyen Miot.
ARNOLD et LONGUET font la proposition suivante:
«La Commune de Paris,
«Considérant qu’il importe absolument que les décrets de la Commune soient tous et immédiatement exécutés;
«Considérant qu’à ce point de vue, il est indispensable de constituer une commission, dont la mission exclusive et absolue sera de veiller à l’exécution de tous les actes émanant de la Commune;
«Décrète:
«Art. 1er. Il est institué un comité qui prendra le nom de comité exécutif.
«Art. 2. Il sera composé de cinq membres, et sera exclusivement chargé de faire exécuter tous les décrets de la Commune.»
La Commune décide de discuter, article par article, la proposition du citoyen Miot.
Les considérants sont écartés.
Le premier article de la proposition du citoyen Miot est mis en discussion.
VALLÈS, tout en se ralliant à la proposition du citoyen Miot, demande qu’on donne au comité un autre nom que celui de Comité de salut public; il propose celui de Comité de contrôle central.
URBAIN ne comprend pas qu’on redoute un nom; il demande que celui de Comité de salut public soit conservé.
MALON propose l’amendement suivant:
«Art. 1er. Il est nommé un comité directeur.»
On propose le vote nominal sur cet article.
Ont voté pour que le nom soit «Comité de Salut public»: les citoyens Amouroux, Arnaud (Antoine), Blanchet, Champy, Chardon, Clément (Émile), J.-B. Clément, Clovis Dupont. Dupont, Durand, Ferré, Fortuné (Henri), Gambon, E. Gérardin, Grousset, Johannard, Ledroit, Meillet, Miot, Oudet, Pillot, Pottier, Pyat, Régère, Urbain, Vésinier.
Ont voté pour que le nom soit de« Comité exécutif» : les citoyens Andrieux, Arnold, Arthur Arnould, Avrial, Allix, Babick, Billioray, Courbet, Demay, Dereure, Fränckel, Langevin, Lefrançais, Longuet, Malon, Mortier, Ostyn, Pindy, Protot, Rastoul, Serailler, Theisz, Vaillant, Vallès, Varlin, Verdure.
26 voix contre 26.
Il est décidé que le vote de l’article sera renvoyé à demain.
Sur l’art. 2, RASTOUL propose l’amendement suivant:
«Il sera nommé une Commission de trois membres, avec pleins pouvoirs pour la haute direction des affaires et leur exécution prompte, immédiate, effective, puissante. Toutes les commissions existantes se mettront à la complète disposition de ces trois membres, en vue d’une action extérieure et intérieure, énergique, radicale, efficace, complète. Cette commission sera responsable devant la Commune, qui remplira vis-à-vis d’elle le rôle de comité souverain, de surveillance et d’inspection, de vigilance, mais sans avoir une action directe dans son administration et son exécution, mais qui pourra la briser, la révoquer, s’il y a lieu.»
Cet amendement est rejeté.
L’art. 2, mis aux voix, est adopté à l’unanimité.
À l’article 3, PYAT demande qu’il soit ajouté : «Délégations et Commissions».
Cet amendement, étant accepté par l’auteur du projet, il n’y a pas lieu de le voter.
LONGUET propose à son tour l’amendement suivant: «Il y aura un pouvoir de contrôle et de surveillance.»
L’art. étant mis aux voix, est adopté sans l’amendement par 33 voix contre 16.
Un article additionnel, ainsi conçu, présenté par le citoyen VÉSINIER, est également adopté : «Art. 4. Les membres de la Commune ne pourront être traduits devant aucune autre juridiction que la sienne.»
Sur l’ensemble du projet, la Commune, après avoir entendu POTTIER, URBAIN, J.-B. CLÉMENT, LANGEVIN, LEFRANÇAIS, SERAILLER, décide le renvoi du vote au lendemain.
La séance est levée à neuf heures et demie.

Aucun commentaire: