Etre femme, c’est vivre constamment en état de guerre. Nous avons répété cette phrase lors de
notre 4ème action internationale en 2015 en expliquant le contexte dans lequel nous vivons, chez
nous, sur nos communautés et territoires. Lors de notre 10ème Rencontre internationale à
Maputo en octobre 2016, nous étions toutes d’accord sur le fait que la violence et le terrorisme
se répandent dans le monde à pas de géants. Partout, l'offensive conservatrice et la
militarisation de la vie quotidienne des femmes sont devenues une tendance habituelle.
Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les femmes subissent les effets et les conséquences de
l’occupation des territoires par les régimes impérialistes coloniaux qui soumettent les peuples à
des conditions infrahumaines, la criminalisation, et pratiquent les assassinats et des
emprisonnements traumatisants que le reste du monde contemple en silence. C’est cela une
guerre.
Nous assistons à la montée de gouvernements d’extrême droite et populistes de droite dans
bien des pays de la planète, qui imposent un recul des droits acquis pendant des dizaines
d’années de luttes populaires pour la justice, la liberté et l’égalité. D’un côté ils appellent à
l’intolérance, la haine et la guerre contre les minorités, les personnes migrantes, les noires, les
indigènes, les anticonformistes. Et de l’autre, ces gouvernements imposent des programmes
néolibéraux bien plus radicaux qui défendent les intérêts des multinationales qui ont soutenu
leurs campagnes électorales.
Nous faisons face à de nouvelles formes de colonialisme, où les gouvernements, de connivence
avec les multinationales, envahissent des pays en Afrique, Asie et Amérique latine au nom des
investissements directs et de l’aide au développement. Ils manipulent les gouvernements
nationaux dont ils ont financé l’élection en utilisant les mécanismes de l’aide et sous les auspices
des Accords de libre échange et des politiques néolibérales. Ils accaparent les terres,
dépouillent et déplacent des familles et communautés entières, les privant de leurs moyens de
gagner leurs vies et de toutes les ressources naturelles nécessaires à la vie. Dans ce contexte,
les communautés ont à endurer une extrême pauvreté, la violence et la peur pour leur présent et
leur futur. Les femmes en paient le prix fort et luttent pour garantir des moyens de subsistance
à leurs familles. Elles sont exploitées dans des travaux non rémunérés et finissent souvent dans
la prostitution, le mariage précoce ou forcé et leur avenir est bouché.
La militarisation de nos vies quotidiennes s’est banalisée dans le monde entier. Les grandes
puissances produisent des armes et les vendent aux pays dans lesquels elles ont des intérêts
économiques solides. Les pays africains sont leurs marchés favoris, en particulier ceux d’Afrique
occidentale et d’autres pays comme la République centrafricaine, la République démocratique du
Congo, la Côte d’ivoire et le Mozambique. Elles créent des dettes en fournissant des armes aux
gouvernements nationaux et aux groupes rebelles, qui à leur tour sèment les guerres civiles et
les attaques terroristes sur tout le territoire.
Pendant que les peuples luttent les uns contre les autres, les multinationales intensifient leurs
opérations d’extraction de matières premières et elles récupèrent le peu d’impôts qu’elles paient
sous forme de remboursement de la dette. Dans cette situation, les gouvernements nationaux
n’ont plus la capacité d’offrir des services de base tels que la santé, l’éducation, l’eau et
l’assainissement, le logement, le transport public, il n’y a plus de place pour la construction
d’espaces démocratiques. Les violations des droits des femmes augmentent ainsi que la
criminalité en général, lorsque les systèmes judiciaires ne défendent et ne protègent que les
intérêts des élites politiques et garantissent l’impunité des multinationales. C’est une forme de
guerre.
La démocratie a été bafouée et n’a pas permis que des élections justes soient organisées. Au
contraire, des gouvernements dictatoriaux restent au pouvoir pendant de longues années. Les
droits constitutionnels et les lois sont manipulées et varient en fonction des intérêts d’élites
minoritaires. Nous avons été témoins d’arrestations et d'assassinats de militant-es politiques, de
la fermeture de leurs organisations en Turquie, au Burundi et dans bien d’autres parties du
monde. Les institutions régionales et mondiales n’ont pas pu assurer de médiation dans les
conflits ni exiger que des comptes soient rendus. Au contraire, elles légitiment ces dictatures.
Ces milliers de personnes se voient obligées d'émigrer. Nous vivons une période historique
marquée par la mobilité des personnes à la recherche d’un endroit sûr pour elles et la vie de leur
famille. L’Afrique est le continent qui reçoit le plus grand nombre de migrants, enfants, femmes
et hommes qui se déplacent des zones rurales vers les villes, d’un pays à l’autre.
Des milliers de migrants africains et du Moyen Orient meurent en mer Méditerranée dans leur
tentative de rejoindre l’Europe pour sauver leurs vies, échapper à la brutalité causée par les
guerres, la faim et les persécutions réalisées par les mêmes forces capitalistes mentionnées
précédemment. Les personnes migrantes vivent dans des conditions très vulnérables et font
face à toutes sortes de discrimination : leur citoyenneté n’est pas reconnue, elles n’ont pas accès
à l’emploi, elles ne peuvent pas vivre avec leurs familles, elles sont exposés à la faim, aux
maladies et bien d’autres fléaux. Ce sont des êtres humains qui ont des savoirs, des cultures,
des valeurs et ont un rôle à jouer dans le processus de construction d’un monde meilleur pour
tous.
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