Président: GROUSSET.
La séance est ouverte à 4 heures.
LE PRÉSIDENT. Je demande maintenant à l’assemblée si elle veut ouvrir de suite l’assemblée.
(L’assemblée décide que la séance sera ouverte immédiatement.)
JOURDE. Je proteste contre l’ouverture immédiate de la séance, et voici pourquoi. Des mesures importantes ont été prises hier par nous et il y aura un grand nombre d’observations à faire au procès-verbal. Or, peut-on lire un procès-verbal et en proposer l’adoption alors que nous ne sommes que ............................[manque].
COURBET. Je reçois des plaintes de toutes parts. L’on me parle surtout de la Garde nationale, de ses officiers, de leurs galons et de leurs appointements. L’on me fait remarquer qu’il n’y a que 6.000 hommes sur les remparts, sur toute la ligne des fortifications, et que Dombrovski n’a que 1.200 hommes pour répondre aux 40.000 hommes de Versailles. Il me semble que, quand on est sur le point de gagner, on doit prendre des précautions énergiques, faire son possible pour prévenir toutes surprises. L’on ne peut comprendre que l’on n’emploie qu’un pareil nombre d’hommes; c’est déplorable, cela fait frémir, cela fait pitié. Je ferai encore remarquer que ce sont toujours les mêmes qui luttent. Je les vois passer de chez moi. Ils viennent de la Roquette et ils vont lutter à Montrouge! Pourquoi les gardes de Montrouge ne défendent-ils pas Montrouge?
UN MEMBRE. Mais c’est parce qu’ils n’ont rien à défendre à la Roquette.
COURBET. Je voudrais voir si la batterie du Trocadéro existe toujours.
PLUSIEURS MEMBRES. Non! Non!
COURBET. Tant mieux! Jamais un boulet de cette batterie n’a atteint le bas du Mont-Valérien.
ARNOULD. Et cependant l’on a dit qu’il existait au Mont-Valérien une brèche visible à l’œil nu.
COURBET. C’est le général Rossel qui avait établi cette batterie au Trocadéro.
BILLIORAY. Pour moi, le citoyen Courbet a fait un très bel éloge de la Garde nationale en disant qu’avec 6.000 hommes seulement, elle tient contre 40.000. Il a dit qu’on envoyait à Montrouge des hommes de la Roquette; il n’y a là rien que de très naturel puisque c’est à Montrouge et à Neuilly que la lutte a lieu. J’ajoute qu’en thèse générale, il serait bon d’envoyer toujours, ou du moins autant que possible, les gardes
se battre à une assez grande distance de leur domicile; on les tiendrait plus facilement à leur poste. Quant à l’envoi de citoyens en province, il faudrait qu’on s’entendît préalablement relativement aux dépenses avec le délégué aux Finances.
LEFRANÇAIS. Je voulais dire ce que vient de vous déclarer Billioray. Les Finances ne pourront accorder de crédits que sur l’autorisation du Comité de salut public.
BESLAY lit une lettre du général La Cecilia [manque].
BESLAY. Effectivement, dans mon arrondissement il y a des gens qui ne se gênent pas du tout dans leurs paroles. Je les ferai arrêter aussitôt que le fait sera constaté.
LE PRÉSIDENT. On pourrait reporter à un autre moment de la séance la lecture du procès-verbal et mettre en discussion de suite plusieurs projets de décrets dont l’exécution prompte est réclamée par divers délégués, notamment le projet de décret présenté par le délégué à la Guerre, qui voudrait que les arrondissements fussent immédiatement organisés par quartiers ayant chacun un sous-délégué. (C’est cela!) Eh bien! la lecture du procès-verbal est remise à un autre moment et je donne lecture du projet de décret dont je viens de parler:
«La Commune de Paris décrète:
«Chaque municipalité organisera dans son arrondissement autant de sous-délégations que l’arrondissement comprend de quartiers.
«Ces sous-délégations auront pour mission de procéder à un recensement exact des habitants, de distribuer des cartes d’identité, de signaler et de poursuivre les réfractaires, de dresser l’état des chevaux existant dans le quartier et celui des appartements vacants, de présider à la recherche des armes et des munitions, indication des abris en cas de bombardement.
«Ces sous-délégations seront immédiatement désignées par les municipalités; elles entreront en fonction dans les vingt-quatre heures et recevront directement les instructions de la Commission exécutive.»
BILLIORAY. Je demande que, lorsque la discussion s’ouvrira sur cette question, nous nous constituions en Comité secret.
ARNOULD. Je demande que cette discussion soit mise à l’ordre du jour pour une prochaine séance.
LE PRÉSIDENT. Si le citoyen Arnould n’insiste pas pour l’urgence, je demande que nous mettions la question à l’ordre du jour de demain.
COURBET. En effet, il y a trop de clubs, il faut mettre ordre à cela ............................[manque].
OSTYN. Je ferai observer que cette organisation existe déjà dans mon arrondissement.
LE PRÉSIDENT. Il est possible que cela existe dans certains arrondissements; mais cela n’existe pas dans d’autres. Voulez-vous discuter d’urgence le projet de décret dont je viens de vous donner la lecture?
ARNOULD. Je trouve, citoyens, que, dans la circonstance, un décret est inutile. Nous devons laisser aux municipalités le choix des moyens. Il suffirait d’une circulaire aux municipalités pour réglementer cette affaire. De plus, je vous ferai observer que ce décret paraît être en contradiction avec un des décrets précédemment rendus, et qui ordonne la constitution d’une commission de sept membres, chargée de veiller à l’exécution des ordres relatifs à la réorganisation de la Garde nationale.
RASTOUL. À mon sens, le premier décret n’était pas aussi vaste, aussi général que celui d’aujourd’hui. Il était relatif aux armes des réfractaires, celui-ci s’applique à l’âge, à la demeure, et donne le signalement particulier des réfractaires. Toutes les mairies doivent être invitées à délivrer des cartes d’identité dont chacun sera porteur. Tout citoyen qui· n’aura pas cette carte sera incorporé dans un bataillon du quartier qu’il habite. Ce décret demande le nombre des habitants et celui des appartements vacants. Pour moi, je crois de toute utilité de voter d’urgence ce décret qui corrobore le premier.
PILLOT. Je suis complètement de l’avis du citoyen Rastoul. Il est vrai que nous avons déjà nommé des commissions tout à fait militaires, dont, entre parenthèses, les membres nous demandent des émoluments, ce qui me paraît raisonnable. Je voudrais que la Commune déterminât la limite de nos moyens vis-à-vis de ces citoyens. Il faudrait étendre le pouvoir de ces commissions militaires et leur distribuer chaque arrondissement par quartier: au lieu de sept en mettre huit par exemple.
SICARD. Je ne crois pas qu’il soit utile de faire un décret. Une simple circulaire, bien détaillée, adressée aux municipalités, suffirait.
OSTYN. Je fais la même observation. Quant à l’allocation et aux émoluments dont parlait le citoyen Pillot, je ferai remarquer que tout travail doit être rémunéré. C’est là le véritable principe de démocratie. Tout travail qui nous est offert et donné doit être rémunéré.
LE PRÉSIDENT. Voici quelle était la pensée du délégué à la Guerre: il demandait à la Commune une organisation de la ville par quartiers, afin de donner plus facilement la connaissance de chaque maison et de l’abri qu’elle peut offrir. Le citoyen Rossel demande donc qu’on établisse par quartiers des sous-délégations de la mairie, qui seraient affectées à ce travail de recherches.
OSTYN. C’est une organisation que je n’approuve pas.
ARNOULD. Ce sont alors des sous-mairies que vous nous demandez à établir.
SICARD. Laissez toute latitude à la mairie d’établir des bureaux là où elle le jugera convenable.
OSTYN. Après les sous-délégations par quartier, vous aurez à les établir par rue, et puis par maison.
RÉGÈRE. Voici comment, nous, nous agissons dans notre municipalité: c’est le conseil de légion qui agit pour nous, et la besogne est parfaitement faite et ne coûte à la municipalité et à la Garde nationale qu’une somme tout à fait insignifiante. Je voudrais voir les autres arrondissements suivre notre exemple.
DESCAMPS. Chaque municipalité devrait avoir un Conseil de vigilance, divisé en plusieurs commissions. Ces conseils, composés d’hommes connus, peuvent donner un concours des plus efficaces.
LEDROIT. Pour moi, la carte d’identité est extrêmement utile, car l’on rencontre dans les rues des jeunes gens qui n’appartiennent à aucun bataillon et se moquent de ceux qui font le service. Il est donc indispensable de généraliser la mesure dans tous les arrondissements, afin que ceux qui sont chargés de faire le recensement puissent s’assurer facilement des jeunes gens qui se promènent tranquillement sans songer le moins du monde à remplir leurs devoirs de citoyens. Quant à ce qui est de faire un décret spécial, ce n’est pas mon avis; je crois aussi qu’une simple circulaire suffirait.
TRINQUET. Je m’oppose aussi à ce qu’il soit fait un décret: que l’on se borne à nommer quatre commissions par arrondissement, et qu’elles puissent, au besoin, requérir l’emploi de la force publique.
DEREURE. À ce sujet, je tiens à déclarer que je ne comprends pas comment dans tous les arrondissements on n’a pas imité ce qui s’est fait dans le XVIIIe arrondissement. Depuis le 17, il y a été organisé par nous une commission chargée du recensement de tous les habitants, et d’indiquer ceux qui ne faisaient pas partie de la Garde nationale. Ce travail pourra servir aussi pour l’établissement des listes électorales. J’avais déjà proposé une fois cette mesure; on n’en a pas tenu compte, et je vois qu’aujourd’hui vous êtes obligés d’y revenir. Les membres de la municipalité du XVIIIe arrondissement pourront du reste donner tous les renseignements nécessaires sur cette organisation à ceux qui le désireraient.
AVRIAL. Nous tournons dans un cercle vicieux. Le premier acte de la Commune aurait dû être de réorganiser les municipalités. Si vous aviez voulu discuter au début le projet de décret du citoyen Vaillant, vous ne seriez pas obligés maintenant de chercher un remède au mal. Aujourd’hui, quand vous votez des décrets, vous n’avez aucun moyen de les faire exécuter. Les attributions des municipalités ne sont pas définies, on se renvoie réciproquement la responsabilité, et on ne fait rien de bon. II faudrait une organisation plus sérieuse; c’est à cela que nous devons viser si nous voulons constituer la Commune.
CLOVIS DUPONT. Je croyais que, comme délégués aux municipalités, nous étions tous aussi responsables de nos actes que comme membres de la Commune; quant à moi, j’accepte cette responsabilité et je proteste contre les paroles qui tendraient à la repousser. II a été sage, selon moi, de ne pas constituer de pouvoir à côté des nôtres dans les municipalités; en créer d’autres, c’eût été créer en même temps de graves embarras, et l’on nous aurait dit: « Vous voyez, vous faites des municipalités des agents du pouvoir, comme faisait Jules Favre!» Je me déclare responsable, je le répète, de mes actes dans le IIIe arrondissement.
AVRIAL. Sans vouloir attaquer les membres des municipalités, j’ai dit, qu’il nous était matériellement impossible de faire tout; nous ne pouvions être à l’armée, aux séances, aux municipalités, aux délégations; il faut que nous arrivions à la division des pouvoirs si nous voulons constituer solidement la Commune; nous aurions, sans cela, trop à faire, vous le sentez bien vous-mêmes, citoyens, et quand on est surchargé par le travail, on ne fait rien de bon.
ARNOLD. Dans le projet de décret présenté par le citoyen Rossel, il y a plus de détails que d’ensemble. L’exemple cité par le citoyen Dereure me paraît excellent. Il faudrait que chaque municipalité eût un bureau militaire pour rechercher les réfractaires et s’occuper de toutes les questions qui se rattachent à l’organisation des forces militaires.
PLUSIEURS MEMBRES. Cela existe déjà dans les divers arrondissements.
LE PRÉSIDENT. Si le délégué à la Guerre a fait la proposition dont nous nous occupons, c’est qu’il aura reconnu la nécessité de s’occuper de l’organisation par quartiers, et non par arrondissements.
ARNOLD. Il est évident qu’il peut y avoir quelque chose de vicieux dans l’organisation de certaines municipalités, mais je ne crois pas qu’un décret spécial soit nécessaire. Il serait besoin tout au plus d’une circulaire rappelant l’arrêté précédemment pris, tout en veillant pour s’assurer que ce décret est mis à exécution. Mais je crois qu’il y a dans ce décret tous les éléments de poursuites voulus. Ainsi, au XVIIIe arrondissement, la municipalité est au courant de tous les hommes réfractaires, dans mon bataillon, j’ai reçu une quantité de citoyens poursuivis que j’ai fait incorporer immédiatement. Nous n’avons donc plus qu’une chose à faire, c’est d’inviter le citoyen Rossel à adresser une circulaire aux municipalités, les invitant à s’en tenir à la lettre du décret dont la date sera visée dans cette circulaire.
PUGET. Je ne suis pas de l’avis du citoyen Arnold. Voici, d’après moi, les moyens pratiques. Il y a des municipalités qui ont nommé une commission de sept membres. Elle est inutile, elle ne peut pas suffire. Il y a quatre quartiers qui comprennent quatre bataillons par quartier; il serait utile qu’un délégué par bataillon, ce qui vous en donnerait quatre, fût nommé; on arriverait alors bien vite à trouver ces réfractaires. Ces sous-délégations seraient formées de quatre membres qui feraient leur rapport à la commission de sept membres, à la municipalité. Il n’y a que la question de carte d’identité que nous avons adoptée; et il faut que cette mesure soit générale, que tous les arrondissements l’adoptent.
RASTOUL. Le décret qu’on vous propose contient quatre choses: le recensement de la population tout entière, le recensement des absents, des fuyards et puis les armes et les munitions des réfractaires. Quelques arrondissements ont fait le recensement des armes, d’autres celui des chevaux; oui, mais il n’y a pas d’ensemble. Par une circulaire, vous n’aboutirez pas, vous savez ce qu’on en fait. Nous ferions bien de voter une mesure générale, afin que les renseignements dont le délégué à la Guerre a besoin puissent lui arriver de suite. Le Comité de salut public doit faire exécuter nos décrets taillons-lui de la besogne.
ARNOLD. Le citoyen Puget n’est pas d’accord avec moi. Un bureau de cinq membres serait insuffisant. Dans le décret, on disait que les Conseils de légion devaient donner leur concours aux municipalités; l’on est, en effet, certain qu’elles peuvent être d’un grand secours. Je ne sais si le projet du citoyen Rossel n’a pas l’étendue que lui attribue le citoyen Rastoul...
PLUSIEURS MEMBRES. Oui! Oui!
UNE VOIX. Il devrait être présenté dans une autre forme.
OSTYN. Et non, par la délégation de la Guerre.
LE PRÉSIDENT. La Guerre indique simplement ce qui serait utile.
JOHANNARD. Citoyens, je viens d’entendre la lecture du projet. Dans notre arrondissement, c’est exactement ce qui se passe. Dès le premier jour, nous avons fait le recensement, nous avons poursuivi les réfractaires, fait saisir les armes en double. Si on nous donne une nouvelle organisation aujourd’hui, une autre dans huit jours, nous arriverons à une désorganisation complète; je demande donc qu’on n’ait plus que trois ou quatre séances par semaine, et qu’on nous laisse plus de temps à consacrer à nos municipalités, et surtout qu’on nous laisse dans l’état où nous sommes. Nous avons fait plus en huit jours que l’on ne faisait sous l’Empire en deux ans.
LE PRÉSIDENT. Je crois que l’intention de l’assemblée est d’employer une circulaire au lieu d’un décret.
(Assentiment.)
ALLIX. Les délégations qu’on vous propose existent, fonctionnent; c’est par elles que nous avons pu obtenir les renseignements dont nous avions besoin; il n’est donc pas utile de faire un décret qui aurait pour résultat de diviser la responsabilité, ce qui serait une chose fort fâcheuse, et d’atteindre l’organisation actuelle des municipalités qui, à l’heure qu’il est, est à peu près complète. Des délégations pour l’objet que l’on a indiqué peuvent être magnifiques sur le papier, mais je ne les trouve point pratiques.
(La clôture!)
LE PRÉSIDENT. Ainsi donc, tout le monde demande que cette question soit vidée par une circulaire et non par un décret?
BILLIORAY. Je crois qu’il serait bon que chaque municipalité eût une certaine latitude sur ce qu’elle doit faire à ce sujet. Toutes les municipalités de Paris ne se ressemblent pas: les unes sont plus nombreuses que les autres; il faut absolument que les municipalités agissent à peu près comme bon leur semblera. Je suis d’avis que l’on se borne à faire une circulaire.
LE PRÉSIDENT. Qui sera charge d’envoyer cette circulaire?
LEFRANÇAIS. C’est l’affaire du Comité de salut public.
ARNOLD. Je ne crois pas que ce soit le Comité de salut public qui doive être charge de·cela; il n’a pas assisté à la séance et, d’ailleurs, le projet émane de la Guerre et, quand un projet n’est pas accepté, il est d’usage qu’il soit présenté par celui qui l’a proposé.
Après quelques observations des citoyens RASTOUL et ARNOLD, il est décidé qu’une circulaire sera faite à ce sujet par le secrétaire de la Commune.
JOHANNARD. Je demande l’ordre du jour pur et simple. Si vous renvoyez ce décret à la Guerre, il arrivera que la circulaire ne sera pas exécutée, et, si nous nous opposons à son exécution, il est inutile de l’envoyer à la Guerre.
(Interruption.)
La séance est ouverte à 4 heures.
LE PRÉSIDENT. Je demande maintenant à l’assemblée si elle veut ouvrir de suite l’assemblée.
(L’assemblée décide que la séance sera ouverte immédiatement.)
JOURDE. Je proteste contre l’ouverture immédiate de la séance, et voici pourquoi. Des mesures importantes ont été prises hier par nous et il y aura un grand nombre d’observations à faire au procès-verbal. Or, peut-on lire un procès-verbal et en proposer l’adoption alors que nous ne sommes que ............................[manque].
COURBET. Je reçois des plaintes de toutes parts. L’on me parle surtout de la Garde nationale, de ses officiers, de leurs galons et de leurs appointements. L’on me fait remarquer qu’il n’y a que 6.000 hommes sur les remparts, sur toute la ligne des fortifications, et que Dombrovski n’a que 1.200 hommes pour répondre aux 40.000 hommes de Versailles. Il me semble que, quand on est sur le point de gagner, on doit prendre des précautions énergiques, faire son possible pour prévenir toutes surprises. L’on ne peut comprendre que l’on n’emploie qu’un pareil nombre d’hommes; c’est déplorable, cela fait frémir, cela fait pitié. Je ferai encore remarquer que ce sont toujours les mêmes qui luttent. Je les vois passer de chez moi. Ils viennent de la Roquette et ils vont lutter à Montrouge! Pourquoi les gardes de Montrouge ne défendent-ils pas Montrouge?
UN MEMBRE. Mais c’est parce qu’ils n’ont rien à défendre à la Roquette.
COURBET. Je voudrais voir si la batterie du Trocadéro existe toujours.
PLUSIEURS MEMBRES. Non! Non!
COURBET. Tant mieux! Jamais un boulet de cette batterie n’a atteint le bas du Mont-Valérien.
ARNOULD. Et cependant l’on a dit qu’il existait au Mont-Valérien une brèche visible à l’œil nu.
COURBET. C’est le général Rossel qui avait établi cette batterie au Trocadéro.
BILLIORAY. Pour moi, le citoyen Courbet a fait un très bel éloge de la Garde nationale en disant qu’avec 6.000 hommes seulement, elle tient contre 40.000. Il a dit qu’on envoyait à Montrouge des hommes de la Roquette; il n’y a là rien que de très naturel puisque c’est à Montrouge et à Neuilly que la lutte a lieu. J’ajoute qu’en thèse générale, il serait bon d’envoyer toujours, ou du moins autant que possible, les gardes
se battre à une assez grande distance de leur domicile; on les tiendrait plus facilement à leur poste. Quant à l’envoi de citoyens en province, il faudrait qu’on s’entendît préalablement relativement aux dépenses avec le délégué aux Finances.
LEFRANÇAIS. Je voulais dire ce que vient de vous déclarer Billioray. Les Finances ne pourront accorder de crédits que sur l’autorisation du Comité de salut public.
BESLAY lit une lettre du général La Cecilia [manque].
BESLAY. Effectivement, dans mon arrondissement il y a des gens qui ne se gênent pas du tout dans leurs paroles. Je les ferai arrêter aussitôt que le fait sera constaté.
LE PRÉSIDENT. On pourrait reporter à un autre moment de la séance la lecture du procès-verbal et mettre en discussion de suite plusieurs projets de décrets dont l’exécution prompte est réclamée par divers délégués, notamment le projet de décret présenté par le délégué à la Guerre, qui voudrait que les arrondissements fussent immédiatement organisés par quartiers ayant chacun un sous-délégué. (C’est cela!) Eh bien! la lecture du procès-verbal est remise à un autre moment et je donne lecture du projet de décret dont je viens de parler:
«La Commune de Paris décrète:
«Chaque municipalité organisera dans son arrondissement autant de sous-délégations que l’arrondissement comprend de quartiers.
«Ces sous-délégations auront pour mission de procéder à un recensement exact des habitants, de distribuer des cartes d’identité, de signaler et de poursuivre les réfractaires, de dresser l’état des chevaux existant dans le quartier et celui des appartements vacants, de présider à la recherche des armes et des munitions, indication des abris en cas de bombardement.
«Ces sous-délégations seront immédiatement désignées par les municipalités; elles entreront en fonction dans les vingt-quatre heures et recevront directement les instructions de la Commission exécutive.»
BILLIORAY. Je demande que, lorsque la discussion s’ouvrira sur cette question, nous nous constituions en Comité secret.
ARNOULD. Je demande que cette discussion soit mise à l’ordre du jour pour une prochaine séance.
LE PRÉSIDENT. Si le citoyen Arnould n’insiste pas pour l’urgence, je demande que nous mettions la question à l’ordre du jour de demain.
COURBET. En effet, il y a trop de clubs, il faut mettre ordre à cela ............................[manque].
OSTYN. Je ferai observer que cette organisation existe déjà dans mon arrondissement.
LE PRÉSIDENT. Il est possible que cela existe dans certains arrondissements; mais cela n’existe pas dans d’autres. Voulez-vous discuter d’urgence le projet de décret dont je viens de vous donner la lecture?
ARNOULD. Je trouve, citoyens, que, dans la circonstance, un décret est inutile. Nous devons laisser aux municipalités le choix des moyens. Il suffirait d’une circulaire aux municipalités pour réglementer cette affaire. De plus, je vous ferai observer que ce décret paraît être en contradiction avec un des décrets précédemment rendus, et qui ordonne la constitution d’une commission de sept membres, chargée de veiller à l’exécution des ordres relatifs à la réorganisation de la Garde nationale.
RASTOUL. À mon sens, le premier décret n’était pas aussi vaste, aussi général que celui d’aujourd’hui. Il était relatif aux armes des réfractaires, celui-ci s’applique à l’âge, à la demeure, et donne le signalement particulier des réfractaires. Toutes les mairies doivent être invitées à délivrer des cartes d’identité dont chacun sera porteur. Tout citoyen qui· n’aura pas cette carte sera incorporé dans un bataillon du quartier qu’il habite. Ce décret demande le nombre des habitants et celui des appartements vacants. Pour moi, je crois de toute utilité de voter d’urgence ce décret qui corrobore le premier.
PILLOT. Je suis complètement de l’avis du citoyen Rastoul. Il est vrai que nous avons déjà nommé des commissions tout à fait militaires, dont, entre parenthèses, les membres nous demandent des émoluments, ce qui me paraît raisonnable. Je voudrais que la Commune déterminât la limite de nos moyens vis-à-vis de ces citoyens. Il faudrait étendre le pouvoir de ces commissions militaires et leur distribuer chaque arrondissement par quartier: au lieu de sept en mettre huit par exemple.
SICARD. Je ne crois pas qu’il soit utile de faire un décret. Une simple circulaire, bien détaillée, adressée aux municipalités, suffirait.
OSTYN. Je fais la même observation. Quant à l’allocation et aux émoluments dont parlait le citoyen Pillot, je ferai remarquer que tout travail doit être rémunéré. C’est là le véritable principe de démocratie. Tout travail qui nous est offert et donné doit être rémunéré.
LE PRÉSIDENT. Voici quelle était la pensée du délégué à la Guerre: il demandait à la Commune une organisation de la ville par quartiers, afin de donner plus facilement la connaissance de chaque maison et de l’abri qu’elle peut offrir. Le citoyen Rossel demande donc qu’on établisse par quartiers des sous-délégations de la mairie, qui seraient affectées à ce travail de recherches.
OSTYN. C’est une organisation que je n’approuve pas.
ARNOULD. Ce sont alors des sous-mairies que vous nous demandez à établir.
SICARD. Laissez toute latitude à la mairie d’établir des bureaux là où elle le jugera convenable.
OSTYN. Après les sous-délégations par quartier, vous aurez à les établir par rue, et puis par maison.
RÉGÈRE. Voici comment, nous, nous agissons dans notre municipalité: c’est le conseil de légion qui agit pour nous, et la besogne est parfaitement faite et ne coûte à la municipalité et à la Garde nationale qu’une somme tout à fait insignifiante. Je voudrais voir les autres arrondissements suivre notre exemple.
DESCAMPS. Chaque municipalité devrait avoir un Conseil de vigilance, divisé en plusieurs commissions. Ces conseils, composés d’hommes connus, peuvent donner un concours des plus efficaces.
LEDROIT. Pour moi, la carte d’identité est extrêmement utile, car l’on rencontre dans les rues des jeunes gens qui n’appartiennent à aucun bataillon et se moquent de ceux qui font le service. Il est donc indispensable de généraliser la mesure dans tous les arrondissements, afin que ceux qui sont chargés de faire le recensement puissent s’assurer facilement des jeunes gens qui se promènent tranquillement sans songer le moins du monde à remplir leurs devoirs de citoyens. Quant à ce qui est de faire un décret spécial, ce n’est pas mon avis; je crois aussi qu’une simple circulaire suffirait.
TRINQUET. Je m’oppose aussi à ce qu’il soit fait un décret: que l’on se borne à nommer quatre commissions par arrondissement, et qu’elles puissent, au besoin, requérir l’emploi de la force publique.
DEREURE. À ce sujet, je tiens à déclarer que je ne comprends pas comment dans tous les arrondissements on n’a pas imité ce qui s’est fait dans le XVIIIe arrondissement. Depuis le 17, il y a été organisé par nous une commission chargée du recensement de tous les habitants, et d’indiquer ceux qui ne faisaient pas partie de la Garde nationale. Ce travail pourra servir aussi pour l’établissement des listes électorales. J’avais déjà proposé une fois cette mesure; on n’en a pas tenu compte, et je vois qu’aujourd’hui vous êtes obligés d’y revenir. Les membres de la municipalité du XVIIIe arrondissement pourront du reste donner tous les renseignements nécessaires sur cette organisation à ceux qui le désireraient.
AVRIAL. Nous tournons dans un cercle vicieux. Le premier acte de la Commune aurait dû être de réorganiser les municipalités. Si vous aviez voulu discuter au début le projet de décret du citoyen Vaillant, vous ne seriez pas obligés maintenant de chercher un remède au mal. Aujourd’hui, quand vous votez des décrets, vous n’avez aucun moyen de les faire exécuter. Les attributions des municipalités ne sont pas définies, on se renvoie réciproquement la responsabilité, et on ne fait rien de bon. II faudrait une organisation plus sérieuse; c’est à cela que nous devons viser si nous voulons constituer la Commune.
CLOVIS DUPONT. Je croyais que, comme délégués aux municipalités, nous étions tous aussi responsables de nos actes que comme membres de la Commune; quant à moi, j’accepte cette responsabilité et je proteste contre les paroles qui tendraient à la repousser. II a été sage, selon moi, de ne pas constituer de pouvoir à côté des nôtres dans les municipalités; en créer d’autres, c’eût été créer en même temps de graves embarras, et l’on nous aurait dit: « Vous voyez, vous faites des municipalités des agents du pouvoir, comme faisait Jules Favre!» Je me déclare responsable, je le répète, de mes actes dans le IIIe arrondissement.
AVRIAL. Sans vouloir attaquer les membres des municipalités, j’ai dit, qu’il nous était matériellement impossible de faire tout; nous ne pouvions être à l’armée, aux séances, aux municipalités, aux délégations; il faut que nous arrivions à la division des pouvoirs si nous voulons constituer solidement la Commune; nous aurions, sans cela, trop à faire, vous le sentez bien vous-mêmes, citoyens, et quand on est surchargé par le travail, on ne fait rien de bon.
ARNOLD. Dans le projet de décret présenté par le citoyen Rossel, il y a plus de détails que d’ensemble. L’exemple cité par le citoyen Dereure me paraît excellent. Il faudrait que chaque municipalité eût un bureau militaire pour rechercher les réfractaires et s’occuper de toutes les questions qui se rattachent à l’organisation des forces militaires.
PLUSIEURS MEMBRES. Cela existe déjà dans les divers arrondissements.
LE PRÉSIDENT. Si le délégué à la Guerre a fait la proposition dont nous nous occupons, c’est qu’il aura reconnu la nécessité de s’occuper de l’organisation par quartiers, et non par arrondissements.
ARNOLD. Il est évident qu’il peut y avoir quelque chose de vicieux dans l’organisation de certaines municipalités, mais je ne crois pas qu’un décret spécial soit nécessaire. Il serait besoin tout au plus d’une circulaire rappelant l’arrêté précédemment pris, tout en veillant pour s’assurer que ce décret est mis à exécution. Mais je crois qu’il y a dans ce décret tous les éléments de poursuites voulus. Ainsi, au XVIIIe arrondissement, la municipalité est au courant de tous les hommes réfractaires, dans mon bataillon, j’ai reçu une quantité de citoyens poursuivis que j’ai fait incorporer immédiatement. Nous n’avons donc plus qu’une chose à faire, c’est d’inviter le citoyen Rossel à adresser une circulaire aux municipalités, les invitant à s’en tenir à la lettre du décret dont la date sera visée dans cette circulaire.
PUGET. Je ne suis pas de l’avis du citoyen Arnold. Voici, d’après moi, les moyens pratiques. Il y a des municipalités qui ont nommé une commission de sept membres. Elle est inutile, elle ne peut pas suffire. Il y a quatre quartiers qui comprennent quatre bataillons par quartier; il serait utile qu’un délégué par bataillon, ce qui vous en donnerait quatre, fût nommé; on arriverait alors bien vite à trouver ces réfractaires. Ces sous-délégations seraient formées de quatre membres qui feraient leur rapport à la commission de sept membres, à la municipalité. Il n’y a que la question de carte d’identité que nous avons adoptée; et il faut que cette mesure soit générale, que tous les arrondissements l’adoptent.
RASTOUL. Le décret qu’on vous propose contient quatre choses: le recensement de la population tout entière, le recensement des absents, des fuyards et puis les armes et les munitions des réfractaires. Quelques arrondissements ont fait le recensement des armes, d’autres celui des chevaux; oui, mais il n’y a pas d’ensemble. Par une circulaire, vous n’aboutirez pas, vous savez ce qu’on en fait. Nous ferions bien de voter une mesure générale, afin que les renseignements dont le délégué à la Guerre a besoin puissent lui arriver de suite. Le Comité de salut public doit faire exécuter nos décrets taillons-lui de la besogne.
ARNOLD. Le citoyen Puget n’est pas d’accord avec moi. Un bureau de cinq membres serait insuffisant. Dans le décret, on disait que les Conseils de légion devaient donner leur concours aux municipalités; l’on est, en effet, certain qu’elles peuvent être d’un grand secours. Je ne sais si le projet du citoyen Rossel n’a pas l’étendue que lui attribue le citoyen Rastoul...
PLUSIEURS MEMBRES. Oui! Oui!
UNE VOIX. Il devrait être présenté dans une autre forme.
OSTYN. Et non, par la délégation de la Guerre.
LE PRÉSIDENT. La Guerre indique simplement ce qui serait utile.
JOHANNARD. Citoyens, je viens d’entendre la lecture du projet. Dans notre arrondissement, c’est exactement ce qui se passe. Dès le premier jour, nous avons fait le recensement, nous avons poursuivi les réfractaires, fait saisir les armes en double. Si on nous donne une nouvelle organisation aujourd’hui, une autre dans huit jours, nous arriverons à une désorganisation complète; je demande donc qu’on n’ait plus que trois ou quatre séances par semaine, et qu’on nous laisse plus de temps à consacrer à nos municipalités, et surtout qu’on nous laisse dans l’état où nous sommes. Nous avons fait plus en huit jours que l’on ne faisait sous l’Empire en deux ans.
LE PRÉSIDENT. Je crois que l’intention de l’assemblée est d’employer une circulaire au lieu d’un décret.
(Assentiment.)
ALLIX. Les délégations qu’on vous propose existent, fonctionnent; c’est par elles que nous avons pu obtenir les renseignements dont nous avions besoin; il n’est donc pas utile de faire un décret qui aurait pour résultat de diviser la responsabilité, ce qui serait une chose fort fâcheuse, et d’atteindre l’organisation actuelle des municipalités qui, à l’heure qu’il est, est à peu près complète. Des délégations pour l’objet que l’on a indiqué peuvent être magnifiques sur le papier, mais je ne les trouve point pratiques.
(La clôture!)
LE PRÉSIDENT. Ainsi donc, tout le monde demande que cette question soit vidée par une circulaire et non par un décret?
BILLIORAY. Je crois qu’il serait bon que chaque municipalité eût une certaine latitude sur ce qu’elle doit faire à ce sujet. Toutes les municipalités de Paris ne se ressemblent pas: les unes sont plus nombreuses que les autres; il faut absolument que les municipalités agissent à peu près comme bon leur semblera. Je suis d’avis que l’on se borne à faire une circulaire.
LE PRÉSIDENT. Qui sera charge d’envoyer cette circulaire?
LEFRANÇAIS. C’est l’affaire du Comité de salut public.
ARNOLD. Je ne crois pas que ce soit le Comité de salut public qui doive être charge de·cela; il n’a pas assisté à la séance et, d’ailleurs, le projet émane de la Guerre et, quand un projet n’est pas accepté, il est d’usage qu’il soit présenté par celui qui l’a proposé.
Après quelques observations des citoyens RASTOUL et ARNOLD, il est décidé qu’une circulaire sera faite à ce sujet par le secrétaire de la Commune.
JOHANNARD. Je demande l’ordre du jour pur et simple. Si vous renvoyez ce décret à la Guerre, il arrivera que la circulaire ne sera pas exécutée, et, si nous nous opposons à son exécution, il est inutile de l’envoyer à la Guerre.
(Interruption.)
(À
suivre.)
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