mercredi 4 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 26 avril 1871 (8)






(Suite de la séance du 26 avril 1871.)
AVRIAL. En vérité, on croirait que nous n’avons absolument rien à faire dans cette assemblée. Chacun vient nous entretenir de ses petites affaires, mais nous ne faisons absolument rien de bon. En vérité, je me demande si la révolution du 18 mars n’a pas eu un but plus sérieux ; je demande qu’on se renferme dans l’ordre du jour pur et simple.
ARNOLD. Il serait bien simple, puisque nous avons un service sténographique, de faire un bulletin portant l’ordre du jour de la séance. La Commune peut décider que, chaque jour, l’ordre de la séance sera communiqué à chaque membre.
LE PRÉSIDENT. Si chaque membre de la Commune venait tous les jours et restait jusqu’à la fin, il connaîtrait l’ordre du jour.
J. MIOT n’accepte pas pour lui le reproche d’inexactitude qui vient d’être fait.
ARNOLD. Je demande que l’on vote, relativement à la proposition que je viens de faire, de mettre à la disposition des membres de la. Commune les feuilles sténographiées contenant l’ordre du jour.
VALLÈS. Je ne puis me rallier aux observations qui ont été faites relativement à l’ordre du jour. Il me semble très naturel que dans ce moment, chacun de nous, recevant de son bataillon, de ses amis ou de tout autre endroit ; des nouvelles d’une grande gravité, il est naturel, dis-je, qu’il en fasse communication à l’assemblée. Je demande que le président et ses assesseurs soient juges s’il y a lieu ou non d’arrêter la discussion. Pour ce qui est de l’ordre du jour, il était ces jours passés à l’Officiel. Il faut qu’il y soit remis ; l’ordre du jour était pour aujourd’hui la discussion sur les monts-de-piété, mais la motion Meillet méritait certainement une sérieuse attention. Je demande donc, en résumé, que, pour les communications, ce soit le président qui juge de l’opportunité de faire cesser la discussion. Que l’on s’occupe ensuite de la proposition Andrieu pour savoir si l’assemblée siégera tous les jours ou seulement trois fois par semaine.
AVRIAL. Je ne suis pas de l’avis de ceux qui disent que nous faisons trop d’ouvrage ; je trouve, au contraire, que nous ne travaillons pas assez, et, au lieu de trois séances par semaine, comme on l’a proposé, je demande que les journées soient consacrées aux travaux des commissions et des municipalités, et les nuits, de 8 heures à minuit, aux séances.
VALLÈS. Le citoyen Avrial m’a mal compris. Quand je disais que nous faisions trop d’ouvrage, je voulais faire entendre que nous le faisions mal, que nous nous y prenions mal. Voilà tout !
(Bruit. Interruptions en sens divers.)
LEDROIT. J’ai demandé la parole pour une motion d’ordre. La Commune avait décidé que nos séances commenceraient à 2 heures, et on commence à 4 heures. Je demande que la Commune mette à exécution ce qu’elle a voté, à savoir que les séances commencent à 2 heures, et qu’à 2 h. 1/2 la feuille de présence soit emportée. Je demande que tous les incidents soient portés à la sténographie, que nous recevions cette sténographie tous les matins, et l’on ne discuterait ces incidents que quand l’ordre du jour ferait défaut.
JOURDE. J’appuie la proposition Andrieu. Si, au lieu de nous réunir tous les jours, nous nous réunissions tous les trois jours, les projets de loi seraient plus étudiés, plus complets ; plus sérieux.
LE PRÉSIDENT. Mais la proposition Andrieu n’est pas en discussion.
ANDRIEU. Je demande que, sous-prétexte de motion d’ordre, on ne vienne pas faire de propositions nouvelles.

LE PRÉSIDENT dit que la discussion sur la proposition Andrieu est remise à demain. Il lit la proposition Arnold.

Elle est mise aux voix et adoptée.

OSTYN. J’ai, comme collègue au XIXe arrondissement, le citoyen Puget ; il a été nommé à la Commune, et, depuis sa nomination, il n’a pas paru deux fois.

PLUSIEURS MEMBRES. Cela regarde les électeurs.

OSTYN. Mais les électeurs ne peuvent pas savoir s’il remplit ou non son mandat : Je demande donc l’application de mesures disciplinaires pour ce fait.

(Mouvements en sens divers.)

LE PRÉSIDENT. Citoyens, je dois vous dire que la séance a été par vous très mal employée, et je demande la suppression du compte rendu.

RASTOUL fait une communication importante. « Le citoyen Gaillard père a été arrêté aujourd’hui. C’est un bon républicain, un bon socialiste. Il a été arrêté par ordre de la délégation de la Guerre. Je demande que l’assemblée nomme de suite une délégation pour aller demander des explications au citoyen Cluseret. »

OSTYN connaît le citoyen Gaillard père et dit qu’il y a bien des réserves à faire sur son compte.

RASTOUL insiste sur sa proposition.

LE PRÉSIDENT fait observer que cela ne regarde pas l’assemblée. Il rappelle un fait analogue qui a été énoncé précédemment et qui, après vérification, s’est trouvé n’avoir aucune valeur.

ARNAUD. Une députation de la franc-maçonnerie a tenu une réunion au Chatelet. Elle a résolu de se rendre, vendredi prochain, sur les remparts, avec ses bannières, et, si une seule de ses bannières est atteinte par les projectiles, elle prendra les armes contre les agresseurs. La députation est là et attend que la Commune vienne la recevoir.

LE PRÉSIDENT. Il faut, avant de lever la séance, voter si le compte rendu sera publié ou non.

LEFRANÇAIS. Pour notre châtiment, je voudrais qu’on publiât le compte rendu, mais, dans l’intérêt de l’assemblée, je demande qu’on s’abstienne de le faire. L’assemblée décide que le compte rendu ne sera pas publié.

La séance est levée à 6 h. 3/4.
Les membres de la Commune se rendent dans la cour d’honneur pour recevoir la députation de la franc-maçonnerie.

 RÉCEPTION DES FRANCS-MAÇONS.
Les membres de la Commune ont reçu, dans la cour d’honneur, une députation de francs-maçons qui venait déclarer qu’ayant épuisé tous les moyens de conciliation avec le gouvernement de Versailles, la franc-maçonnerie avait résolu de planter ses bannières sur les remparts de Paris, et que, si une seule balle les touchait, les F.·. M.·. marcheraient d’un même élan contre l’ennemi commun. Le F.·. Térifoque a déclaré que, depuis le jour où la Commune existe, la franc-maçonnerie a compris qu’elle serait la base de nos réformes sociales.

« C’est, dit-il, la plus grande révolution qu’il ait jamais été donné au monde de contempler.
« Si, au début du mouvement, les francs-maçons n’ont pas voulu agir, c’est qu’ils tenaient à acquérir la preuve que Versailles ne voulait entendre aucune conciliation. Comment supposer en effet que des criminels puissent accepter une conciliation quelconque avec leurs juges ? »

De nombreux cris de : « Vive la Commune ! Vive la franc-maçonnerie ! Vive la république universelle ! » répondent à l’orateur. Un membre de la Commune, le citoyen Jules Vallès, après avoir remercié la députation en quelques mots partis du cœur, donne son écharpe au F.·. Térifoque, qui déclare que cet emblème restera dans les archives de la franc-maçonnerie, en souvenir de ce jour mémorable.

Le citoyen Le français, membre de la Commune, déclare ensuite que depuis longtemps déjà il était de cœur avec la franc-maçonnerie, ayant été reçu dans la loge écossaise n° 139, passant, à cette époque, pour une des plus républicaines ; qu’il s’était depuis longtemps assuré que le but de l’association était le même que celui de la Commune de Paris : la régénération sociale.

Le citoyen Allix, membre de la Commune, ajoute que la Commune de Paris met en pratique, sous une forme nouvelle, ce que la franc-maçonnerie a depuis longtemps affirmé : que la construction du temple fut, certainement, pour l’époque, la réorganisation du travail.

Le F.·. V.·. de la Rose écossaise, dans une chaleureuse improvisation, annonce que la Commune, nouveau temple de Salomon, est l’œuvre que les F.·. M.·. doivent avoir pour but, c’est-a-dire la justice et le travail comme bases de la société.

La députation, composée de plus de deux mille franc-maçons, s’est retirée après avoir enguirlandé sa bannière avec l’écharpe du citoyen J. Vallès, et emporté un drapeau rouge, après deux triples batteries aux rites français et écossais.

Une délégation de la Commune reconduit la députation maçonnique jusqu’à la rue Cadet. Elle est acclamée sur son passage par la population enthousiasmée, et l’on se sépare après une vive et patriotique allocution du citoyen Ranvier, membre de la Commune. Tous les cœurs battent à l’unisson.




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