lundi 2 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 25 avril 1871 (6)



PROTOT. Je suis disposé à prendre les mesures possibles pour les intérêts de la Commune, mais je suis disposé à faire respecter ses décrets contre les membres de la Commune eux-mêmes, si cela était nécessaire.

 (Suite de la séance du 25 avril 1871.)

MALON. Nous avons arrêté neuf personnes: l’une volait 10.000 francs, l’autre désorganisait la Garde nationale, etc. Ces neuf personnes ont été relâchées; deux sont innocentes, et on les retient, mais on relâche les coupables, qui viennent nous narguer. Ils nous ont dit ceci: «Pour cette nuit, nous voulons bien ne pas abuser de notre force, mais nous viendrons demain avec nos bataillons dévoués.» Il faut absolument que ce Conseil de légion soit arrêté, quoique, de ma nature, je n’aime pas les arrestations. Je déclare que les portes de Clichy, d’Asnières et de Courcelles sont en péril, si vous continuez à agir de la sorte; si la Commune n’intervient pas, vous verrez ce qui arrivera.

VALLÈS. Il faut que les arrestations soient bien faites, dans les formes légales.

PROTOT. C’est avec la plus grande peine que nous sommes arrivés depuis quinze jours à mettre un peu d’ordre dans les arrestations; nous avons fait relâcher des personnes, nous en avons écroué d’autres, mais je dois dire qu’il y a conflit entre la Guerre, la Sûreté et la Justice. La Guerre arrête comme elle veut chez nous; elle saisit des républicains, elle frappe des amis, l’on favorise des hommes qui nous sont hostiles. La Sûreté générale, je tiens à lui rendre justice, fait tout ce qu’elle peut, mais il y a dans la Préfecture de police une déplorable confusion. Des hommes, que l’on ne connaît pas, viennent journellement à la Conciergerie, à Mazas, y faire écrouer ou non des citoyens; les geôliers les retiennent, les relâchent sans ordre, et moi, qui suis chargé de ce service, j’ai toutes les peines du monde à savoir ce qui ce qui se passe. J’ai libéré dernièrement 680 citoyens depuis trois semaines, et la plupart étaient écroués sans motif même apparent! J’ai vu que les haines privées se sont exercées contre un grand nombre de prévenus. Je me suis même refusé à donner un ordre de libération régulier, pour que, plus tard, on ne puisse pas nous reprocher de pareilles arrestations. Pourquoi Malon, lorsqu’il arrête quelqu’un, ne nous envoie-t-il pas de procès-verbal? Nous ne pouvons nous faire complice d’arrestations qui n’ont pas de motifs. Je suis prêt à exercer contre nos ennemis les mesures les plus rigoureuses, mais je veux que, lorsqu’une personne est incarcérée, nous ayons contre elle des motifs sérieux, afin qu’il nous soit facile ensuite de nous défendre contre les attaques du public, trop porté déjà à nous accuser. Je ne veux pas que les municipalités fassent d’arrestations: ce serait une confusion de pouvoir pernicieuse. J’ai vu dernièrement des hommes honorables, des commandants, des capitaines, quelques-uns mes amis; j’ai immédiatement donné l’ordre de les libérer, et j’ai prévenu en même temps le directeur de la prison que, si j’apprenais que des faits semblables à ceux que je viens de rappeler m’étaient encore appris, je le ferais arrêter lui-même en l’accusant de séquestration arbitraire.
(Très bien.)

PROTOT. Je suis disposé à prendre les mesures possibles pour les intérêts de la Commune, mais je suis disposé à faire respecter ses décrets contre les membres de la Commune eux-mêmes, si cela était nécessaire.

CHALAIN. J’ai demandé la parole, parce que je crois que la discussion s’égare. Il faut laisser, à ceux qui ont arrêté, la responsabilité de leurs actes, et cette responsabilité retombe tout entière sur la Guerre. Ce n’est ni la Justice, ni la Sûreté générale, c’est la Guerre. Nous n’avons pas arrêté, nous n’avons pas pouvoir sur la prison du Cherche-Midi. C’est la Guerre qui la tient. Je vais vous donner lecture du rapport qui va vous mettre au courant des choses. C’est toujours le vieux conflit, l’immixtion du Comité central dans la Commune. Nous en sommes toujours là. Vous avez dissous les comités de légion; je ne sais si c’est fait partout, mais je sais que, dans notre arrondissement, il y a un sous-comité qui donne des ordres, qui se moque même du ministère de la Guerre. Eh bien! au lieu de faire respecter son autorité méconnue, le ministère protège le sous-comité de légion.

MALON. Ce n’est pas à Batignolles qu’on a fait les arrestations, mais cette fois nous avons arrêté des gens qui [désorganisaient] notre 17
e légion, qui déclaraient qu’ils n’avaient aucun ordre à recevoir de la Commune. Quand les chefs de bataillon viennent nous dire: «Nous ne savons plus à qui entendre: vous me dites que vous m’envoyez des renforts, le comité m’écrit de ne pas recevoir vos renforts», je demande: que voulez-vous que nous fassions? Nous avons envoyé hier 7 coupables; il y avait, à côté d’eux, deux chefs de bataillon; on arrête ces derniers et on relâche les vrais coupables. Aujourd’hui, ils viennent nous dire: «Nous voulons bien ne pas abuser de notre force, mais demain soir nous viendrons installer ici le chef de légion et son état-major. Nous voulons que tout pouvoir intérimaire cesse, et nous verrons qui l’emportera, du Comité ou de la Commune.»
(Interruption.)

MALON. Je vous demande alors de prendre des mesures ou de nous permettre d’en prendre.

CHALAIN. C’est un pouvoir qui est en cause, et non le 17
e arrondissement. Si vous voulez que je formule une accusation, je le fais immédiatement.

L’orateur lit une déclaration des citoyens du 17e arrondissement.

ARNOULD. Nous faisons ici ce que devrait faire la Commission exécutive.

CHALAIN. Je porte ici une accusation bien grave contre le délégué à la Guerre. Cluseret est de connivence avec les sous-comités. C’est une véritable trahison.

PARISEL. Arrêtez vos coupables, conduisez-les à Mazas et non à la prison du Cherche-Midi.

LE PRÉSIDENT fait observer que ces incidents prennent tout le temps de l’assemblée et demande que l’on y mette fin.

CHALAIN. Je demande formellement la destitution du citoyen Cluseret et je demande aussi la mise à exécution du décret de la Commune portant dissolution des sous-comités et du Comité central.

PARISEL. Que l’on commence par la dissolution des sous-comités.

LE PRÉSIDENT. Je crois que la question est épuisée. L’assemblée veut-elle en envoyer l’examen devant la Commission exécutive?

PLUSIEURS MEMBRES. Qu’on rappelle à l’
Officiel la dissolution des sous-comités.

TRIDON. Nous nous suicidons par notre façon de procéder; nous nous mettons dans un chaos épouvantable.
(Interruptions diverses.)

EUDES. Je tiens à rapporter un mot de Dombrowski à propos de la Cour martiale. Il déclare que, si vous ne prenez pas les mesures nécessaires, tout est perdu; ce n’est pas contre les gardes qu’il faut agir, mais contre les officiers qui ne veulent pas se battre et qui empêchent leurs hommes de se battre.
(L’ordre du jour!)

L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
(À suivre.)


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