jeudi 5 octobre 2017

Emile Pouget (1860-1931) dossier 2


Honnêtement, je vous conseille de lire ces quelques lignes et osez me dire ensuite qu'elles ne sont pas actuelles. Dites moi que ce n'est pas ce que nous vivons encore aujourd'hui, au 21°siècle. N'avons-nous pas l'impression de revenir à un temps ancien où ils avaient l'excuse de tout découvrir alors que nous , nous aurions du prendre leçon de notre passé.

« Le 1°mai est une occasion qui peut tourner bien. Il suffirait pour cela que nos frangins, les troubades, lèvent la crosse en l'air comme en février 1848, comme au 18 mars 1871, et ça ne serait pas long du coup ».

A propos de la grève générale, bien avant les autres en 1889 :

« Oui, nom de Dieu, y a plus que ça aujourd'hui : la grève générale !
Voyez-vous ce qui arriverait si dans quinze jours y avait plus de charbon. Les usines s'arrêteraient, les grandes villes n'auraient plus de gaz, les chemins de fer roupilleraient.
Du coup, le populo presque tout entier se reposerait. Ça lui donnerait le temps de réfléchir ; il comprendrait qu'il est salement volé par les patrons, et dame, il se pourrait bien qu' il leur secoue les puces dare-dare ! »

« Donc une fois que les mineurs seraient tous en l'air, que laz grève serait quasi générale, faudrait, nom de dieu, qu'ils se foutent à turbiner pour leur propre compte ; la mine est à eux, elle leur a été volée par les richards ; qu'ils reprennent leur bien, mille bombes. Et le jour où, assez marioles, y aura une tripotée de bons bougres qui commenceront le chabanais dans ce sens, eh bien ! Foi de Père Peinard, le commencement de la fin sera arrivé ».

« Les accapareurs » article de son journal « Le Père Peinard »

« Gouvernants, bouffe-galette et financiers, c'est fripouille et cie. Comme aujourd'hui, l'on a décidé une enquête. Je préfère le système de 89, c'était mieux. Ainsi au mois de juillet de 89, Berthier de Sauvigny était accroché à un réverbère, et un autre de ses copains, Foullon, était massacré. Quand donc nous foutrons-nous à appliquer à nouveau ce système, pour faire passer le goût du pain à toute la clique des Rothschild et des Schneider? »

L'agitation à l'étranger expliquée avec les mots de Pouget :

« En plus des gars d'Allemagne qui se trémoussent gaillardement, les Macaronis cassent la margoulette à leurs grands proprios, les paysans serbes et bulgares, qualifiés de brigands par nos salopiots de journaleux,tapent sur les grosses légumes...Y a pas jusqu'aux Angliches qui, malgré leur flegme et leur air gnangnan, y sont allés de leur petit grève ».

Sur les élections :

« C'est dimanche qu'elles ont lieu ces sacrées élections ! Turellement c'est pas les candidats qui manquent : y en a pour tous les goûts et de toutes les couleurs : une truie n'y trouverait pas ses petits. Mais, nom de dieu, si la couleur et l'étiquette des candidats changent, y a une chose qui ne varie pas : les boniments ! Réacs, républicains, boulangeards , socialos, etc...tous promettent au populo de se faire mourir de fatigue ! »

qu'est ce qu'un syndicat pour Emile Pouget :

« Cependant, quelle que soit la forme préférée par les militants ou imposée par les circonstances, soit que l'agglomérat syndical se limite au « métier » ou s'étende à « l'industrie » ; l'identité du but se dégage toujours. Elle est :
1° Tenir constamment tête à exploiteur ; le forcer à respecter les améliorations conquises ; enrayer toute tentative de régression ; puis, aussi, tendre à atténuer l'exploitation en exigeant des améliorations fragmentaires, telles que : diminution des heures de travail, accroissement des salaires, meilleure hygiène, etc... modifications qui, quoiqu’elles ne portent que sur des détails, n'en sont pas moins des atteintes efficaces aux privilèges capitalistes, dont elles sont une atténuation ;

2° Le syndicat tend à préparer une coordination grandissante des rapports de solidarité, de manière à rendre possible, dans le plus bref délai qu'il soit, l'expropriation capitaliste, seule base pouvant servir de point de départ ç une transformation intégrale de la société. Ce n'est qu'après cette légitime restitution sociale que pourra être annihilée toute possibilité de parasitisme. Alors seulement, nul n'étant plus astreint à travailler au service d'un autre, le salariat étant aboli, la production deviendra sociale dans sa destination comme elle l'est dans sa source : à ce moment, la vie économique étant un réel amalgame d'efforts réciproques, toute exploitation sera, non seulement abolie, mais devenue impossible ».

l'autonomie syndicale

« Pour si supérieur à toute autre forme de groupement que soit le syndicat, il ne s'ensuit pas qu'il ait une vie intrinsèque et indépendante de celle que lui communiquent ses adhérents. C'est pourquoi ceux-ci, pour acte de syndiqués conscients, se doivent de participer à l’œuvre du syndicat. Et ce serait, de leur part, n'avoir pas la moindre notion de ce qui fait la force de ce groupement que de supposer s'être affirmés parfaits syndiqués en se mettant financièrement en règle avec le syndicat.

Certes, il est bon de verser régulièrement ses cotisations, mais ce n'est que la plus mince part de ce que se doit à lui-même, et par conséquent au syndicat, un militant convaincu : il doit, en effet, savoir que la valeur du syndicat est moins le résultat de son encaisse monétaire que la multiplication de l'énergie cohérente de ses adhérents.

L'individu est la cellule constitutive du syndicat. Seulement, il ne se produit pas pour le syndicat le phénomène dépressif qui se manifeste dans les milieux démocratique où, le suffrage universel étant en honneur, la tendance est à la compression et à la diminution de la personnalité humaine. Dans un milieu démocratique, l'électeur ne peut user de sa volonté que pour un acte d'abdication : il est appelé à « donner » sa « voix » au candidat qu'il souhaite avoir pour « représentant ».

L'adhésion au syndicat n'implique rien de semblable et le plus pointilleux n'y pourrait découvrir la moindre atteinte à la personnalité humaine : après comme avant, le syndiqué est ce qu'il était, après, comme avant, autonome il était, autonome il reste.

En entrant dans un syndicat, le travailleur se borne à passer un contrat, toujours révocable, avec des camarades qui sont ses égaux, en vouloir et en pouvoir et, à aucun moment, les avis qu'il pourra être amené à émettre, les actes auxquels il lui adviendra de participer, n'auront les caractères suspensifs ou abdicatifs de la personnalité qui distinguent et qualifient les votes politiques.

Au syndicat, par exemple, s'agit-il de nommer un conseil syndical, ayant charge de la besogne administratif, il n'y a pas à comparer cette « sélection » avec une « élection », le mode de votation, habituellement employé en de telle circonstance, n'est qu'un procédé pour aboutir à la division du travail et il ne s'accompagne d'aucune délégation d'autorité. Les fonctions du conseil syndical, strictement délimités, ne sont qu'administratives. Le conseil fait la besogne qui lui incombe, sans jamais neutraliser ses mandants, sans se substituer à eux, ni agir pour eux.

Autant peut s'en dire de toutes les décisions prises au syndicat ; toutes se restreignent à un acte défini et particulier, tandis que, dans le domaine démocratique, l'élection implique que l'élu a reçu de son électeur un blanc-seing qui lui permet de décider et d'agir à saguise, sur tout et pour tout, sans même être entravé par la volonté possiblement contraire de ses mandants, dont, en ce cas, l'opposition, si caractérisée qu'elle soit, est inefficace, tant que court le mandat de leur élu.

Il n'y a donc pas de parallèle possible, et encore moins de confusion, entre l'action syndicale et la participation aux décevantes besognes de la politique ».

Le syndicat , école de la volonté :

Le « connais-toi toi-même ! » de Socrate est, au syndicat, complété par la maxime : »Fais tes affaires toi-même ».
Ainsi le syndicat s'érige comme une école de volonté : son rôle prépondérant résulte du vouloir de ses membres et, s'il est la forme supérieure d'association, c'est parce qu'il est la condensation des forces ouvrières, rendues efficaces par leur action directe, forme sublime de l'activité consciente des volontés de la classe prolétarienne.
La bourgeoisie a manœuvré pour prêcher la résignation et la patience au peuple en lui faisant espérer que le progrès s'accomplirait par miracle, sans effort de sa part, grâce à l'intervention extérieure de l'état. Ce n'était que la perpétuation, sous une forme moins niaise, des croyances millénaires et religiosâtres. Or, tandis que les dirigeants tentaient de substituer cette illusion décevante au non moins décevant mirage religieux, les travailleurs réalisaient dans l'ombre, avec une ténacité indomptable et jamais rebutée, l'organisme d'émancipation qu'est le syndicat. »

« Les groupements de charité n'ont jamais porté ombrage à la bourgeoisie, qui sait fort bien qu'étant de simples calmants ils ne peuvent, à aucun titre, constituer un remède au mal de misère. L'espoir en la charité est un cataplasme somnifère tout juste bon à empêcher les exploités de réfléchir sur leur triste sort et d’y chercher une solution. C'est pourquoi les associations mutualistes ont toujours été tolérées, sinon encouragées par les dirigeants ».

L'oeuvre présente

« Les politiciens, qui ne vivent que de la confusion des idées et que chagrine la répulsion croissante qu'ont les syndicats pour leurs personnalités et leur dangereuse intervention, ont essayé de transporter dans les milieux économiques les querelles de mots avec lesquels ils bernent les électeurs. Ils ont cherché à créer des zizanies et à couper les syndicats en deux camps, en classifiant les travailleurs en réformistes et en révolutionnaires. Pour mieux discréditer ces derniers, ils les ont baptisés « les partisans du tout ou rien » et les ont mensongèrement prétendus adversaires des améliorations actuelles possibles.

Ces niaiseries n'ont de supérieur que leur stupidité. Il n'est pas un travailleur, quelle que soit sa mentalité ou ses aspirations, qui , par principe ou par tactique, voudrait s'entêter à travailler 10 heures au compte d'un patron, au lieu de 8, tout en gagnant six francs au lieu de 7 ».

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