samedi 31 juillet 2021

Par les temps qui courent...





 Un livre qui me semble indispensable à lire pour défendre le droit de ne pas croire, de n'être assujetti à aucune religion, aucun dogme. Mais pas de façon passible, de façon revendicatif, à assumer le choix de ne pas se faire envahir par ses fanatiques durs ou mous, d'ailleurs, étant tous dangereux.

Ce livre est de François Cavanna qui s'intitule: "Lettres aux culs-bénits"

Je vous en livre la préface en guise d'amuse-bouche.


Avant tout

Lecteur, avant tout, je te dois un aveu. Le titre de ce livre est un attrape-couillon. Cette « lettre ouverte » ne s’adresse pas aux culs-bénits. Pas vraiment. Ceux d’entre eux qui ont acheté le livre, croyant, sur la foi de son titre, qu’il leur était destiné, ont été possédés. C’est bien fait.

Mais je suis bien tranquille, ils ne l’ont pas acheté. L’auraient-ils acheté et, par erreur, par curiosité, par masochisme ou par mortification pieuse, lu, ce n’en serait pas moins du papier gaspillé : les culs-bénits sont imperméables, inoxydables, inexpugnables, murés une fois pour toutes dans ce qu’il est convenu d’appeler leur « foi ». Arguments ou sarcasmes, rien ne les atteint, ils ont rencontré Dieu, ils l’ont touché du doigt. Amen. Jetons-les aux lions, ils aiment ça.

Ce n’est donc pas à eux, brebis bêlantes ou sombres fanatiques, que je m’adresse ici, mais bien à vous, mes chers mécréants, si dénigrés, si méprisés en cette merdeuse fin de siècle où le groin de l’imbécillité triomphante envahit tout, où la curaille universelle, quelle que soit sa couleur, quels que soient les salamalecs de son rituel, revient en force partout dans le monde. Ce titre, vous ne vous y êtes pas trompés, vous. Vous l’avez perçu comme un appel, un signe de ralliement, une main qui s’agite au-dessus de l’océan de la connerie montante pour vous faire savoir que vous n’êtes pas seuls, que nous ne sommes pas seuls. Le petit nombre, c’est vrai, et dispersé, c’est vrai, mais conscient et décidé à ne pas hurler avec les loups, à ne pas bêler avec les ouailles.

Ô vous, les mécréants, les athées, les impies, les libres-penseurs, vous les sceptiques sereins qu’écœure l’épaisse ragougnasse de toutes les prêtrailles, vous qui n’avez besoin ni de petit Jésus, ni de père Noël, ni d’Allah au blanc turban, ni de Yahvé au noir sourcil, ni de dalaï-lama si touchant dans son torchon jaune, ni de grotte de Lourdes, ni de messe en rock, vous qui ricanez de l’astrologie crapuleuse comme des sectes « fraternellement » esclavagistes, vous qui savez que le progrès peut exister, qu’il est dans l’usage de notre raison et nulle part ailleurs, vous, mes frères en incroyance fertile, ne soyez pas aussi discrets, aussi timides, aussi résignés !

Ne soyez pas là, bras ballants, navrés, mais sans ressort, à contempler la hideuse résurrection des monstres du vieux marécage qu’on avait bien cru en train de crever de leur belle mort.

Vous qui savez que la question de l’existence d’un dieu et celle de notre raison d’être ici-bas ne sont que les reflets de notre peur de mourir, du refus de notre insignifiance, et ne peuvent susciter que des réponses illusoires, tour à tour consolatrices et terrifiantes,

Vous qui n’admettez pas que des gourous tiarés ou enturbannés imposent leurs conceptions délirantes et, dès qu’ils le peuvent, leur intransigeance tyrannique à des foules fanatisées ou résignées,

Vous qui voyez la laïcité et donc la démocratie reculer d’année en année, victimes tout autant de l’indifférence des foules que du dynamisme conquérant des culs-bénits, À l’heure où les chouans de tout bord redressent arrogamment la crête et brandissent fourches et étendards pour proclamer leur fierté de pratiquer – et d’imposer – la « foi de leurs pères »,

À l’heure du « New-Age » des « ésotérismes » (ravaudage à la mode, puisque venu d’Amérique, des vieilles défroques ultra-éculées de l’occultisme), à l’heure des « guérisseurs par la foi qui sauve », des sorciers, des diseurs de bonne aventure accueillis à bras ouverts sur les petits écrans parce que « faisant de l’audimat », des escrocs éhontés vendeurs de croix « magiques », de talismans et autres gris-gris,

À l’heure où les athées, les libres-penseurs, les agnostiques, n’ont droit qu’à de rares et furtifs passages dans les médias tandis que la télé s’ouvre plein pot aux rites et cérémonies des « grandes religions » (Comme si les fidèles ne pouvaient pas faire à leur dieu bien-aimé le sacrifice d’aller jusqu’à son lieu de culte, au lieu de regarder ça du fond de leur lit !),

À l’heure où fleurit l’obscurantisme né de l’insuffisance ou de la timidité de l’école publique, empêtrée dans une conception trop timorée de la laïcité,

Sachons au moins nous reconnaître entre nous, ne nous laissons pas submerger, écrivons, « causons dans le poste », éduquons nos gosses, saisissons toutes les occasions de sauver de la bêtise et du conformisme ceux qui peuvent être sauvés !

Ces coups de gueule au jour le jour ne prétendent pas à l’exhaustivité. Il y aurait trop à dire ! Ce n’est pas ici un cours de théologie à l’envers (Les fausses sciences ne m’intéressent nullement, pas plus la théologie ou l’apologétique que l’astrologie, les lignes de la main ou la torsion de petites cuillères à distance). Simplement, en cette veille d’un siècle que les ressasseurs de mots d’auteur pour salons et vernissages se plaisent à prédire « mystique », je m’adresse à vous, incroyants, et surtout à vous, enfants d’incroyants élevés à l’écart de ces mômeries et qui ne soupçonnez pas ce que peuvent être le frisson religieux, la tentation de la réponse automatique à tout, le délicieux abandon du doute inconfortable pour la certitude assénée, et, par-dessus tout, le rassurant conformisme.

Dieu est à la mode. Raison de plus pour le laisser aux abrutis qui la suivent.

Un livre aussi « blasphématoire » n’aurait pu être édité ailleurs qu’en France sans risquer de gros ennuis. Les fanatiques ne se trouvent pas tous en Iran. S’ils n’assassinent pas à tous les coups, du moins peuvent-ils traîner l’impie en justice, lui casser la gueule dans un coin noir ou foutre le feu chez lui.

Heureusement, nous sommes en France ! En France, qui est encore un peu (si peu !) la patrie de Voltaire, de Diderot, de Hugo, de Renan. Profitons-en. Tant que ça dure…

Eh, vous !

Vous,

les chrétiens,

les Juifs,

les musulmans,

les bouddhistes,

les hindouistes,

les shintoïstes,

les adventistes,

les panthéistes

les « témoins » de ceci-cela,

les satanistes,

les gourous,

les mages,

les sorciers,

les yogis,

les ardents,

les mous,

les qui coupent la peau de la quéquette aux petits garçons,

les qui cousent le pipi aux petites filles,

les qui prient à genoux,

les qui prient à quatre pattes,

les qui prient sur une jambe,

les qui ne mangent pas ceci-cela,

les qui se signent par la droite,

les qui se signent par la gauche,

les qui se vouent au diable parce que déçus de Dieu,

les qui prient pour que tombe la pluie,

les qui prient pour gagner au Loto,

les qui prient pour que ça ne soit pas le sida,

les qui mangent leur dieu en rondelles,

les qui ne pissent jamais contre le vent,

les qui ont la foi des charbonniers,

les qui ont la foi du patron,

les qui ont la foi parce que c’est plus convenable,

les qui vénèrent les reliques,

les qui se confessent et puis recommencent,

les qui font l’aumône pour gagner le ciel,

les qui lapident le bouc émissaire,

les qui égorgent le mouton,

les qui se figurent survivre en leurs enfants,

les qui se figurent survivre en leurs œuvres,

les qui ne veulent pas descendre du singe,

les qui bénissent les armées,

les qui bénissent les chasses à courre,

les qui brûlent les livres,

les qui commenceront à vivre après la mort…

Vous tous,

qui ne pouvez vivre sans un père Noël et sans un père Fouettard,

vous tous,

qui ne pouvez supporter de n’être rien de plus que des vers de terre avec un cerveau,

vous tous,

qui avez besoin de n’être pas nés pour mourir et qui êtes prêts à avaler tous les mensonges rassurants,

vous tous,

qui vous êtes bricolé un dieu « parfait » et « bon » aussi stupide, aussi mesquin, aussi sanguinaire, aussi jaloux, aussi avide de louanges que le plus stupide, le plus mesquin, le plus sanguinaire, le plus jaloux, le plus avide de louanges d’entre vous,

vous tous, oh, vous tous,

Foutez-nous la paix !

 

Faites vos salamalecs dans le secret de votre gourbi, fermez bien la porte, surtout, et ne corrompez pas nos gosses.

Foutez-nous la paix, chiens !

Inch’ Allah !

Que Dieu existe ou non n’a aucune importance. Il ne s’ensuit aucune influence sur notre conduite.

Dieu, par définition, est inconnaissable. Sa nature et, à plus forte raison, ses desseins, ne nous sont pas accessibles. Si vraiment il existe et nous a voulus tels que nous sommes, c’est-à-dire incapables de le concevoir tout en étant torturés par la question de son existence et par celle de nos fins dernières, laissons-lui le soin de gérer tout cela. Il l’a créé ? Qu’il s’en démerde !

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