adj. et subs. (du latin mamma, mamelle et ferre, porter : qui porte des mamelles)
Les mammifères nous
intéressent tout particulièrement parce qu'ils forment la classe animale à
laquelle nous appartenons nous-mêmes et que leur étude nous permet de
comprendre l'évolution de l'homme depuis des temps considérables et qu'elle
nous permet également d'entre-voir les grandes lois biologiques qui se
manifestent dans l'évolution de la vie à la surface du globe. Cette
connaissance peut nous guider pour éviter certaines erreurs et nous permettre
de construire plus sûrement notre édifice social. Les mammifères se
caractérisent principalement par une température constante : 39° pour la
plupart d'entre eux, 37,5° pour l'homme (oiseaux 42° à 44°) ; un épiderme
souple, adipeux, couvert de poils ; le développement embryonnaire effectué dans
l'organisme matériel et enfin la nutrition des petits par une sécrétion fournie
par des glandes cutanées appelées mamelles. L'origine des mammifères n'est pas
exactement déterminée, comme d'ailleurs la plupart des origines concernant
l'apparition des diverses classes animales et même celles concernant la
formation des grands embranchements du règne animal. Que le transformisme
s'impose actuellement à tout esprit débarrassé de mysticisme, cela ne fait
aucun doute pour qui exige de ses propres représentations mentales des
processus intellectuels cohérents, coordonnés, liés dans l'espace et dans le
temps, conformes aux données objectives de l'expérience et de l'observation. La
démonstration de l'évolution d'un humain depuis l'œuf jusqu'à la sénilité est
l'argument sans réplique par quoi le déterministe triomphera toujours des
explications spiritualistes. Mais s'il est encore possible de suivre
ontogéniquement l'évolution d'un être il est bien difficile de retrouver toutes
les formes phylogéniques ayant précédé cet être depuis les premières ébauches
de la vie à la surface de la terre jusqu'à sa forme actuelle. Trois études
différentes permettent néanmoins de jeter un peu de lumière sur les ténèbres du
passé et de retrouver, dans ses grandes lignes, l'évolution compliquée des
êtres organisés. Ce sont : la morphologie et l'anatomie comparée, qui étudient
la conformation intérieure et extérieure des êtres vivants ; la Paléontologie
qui s'intéresse aux restes fossilisés des animaux disparus ; l'embryologie, qui
observe les différentes transformations de l'être vivant depuis la simple
cellule initiale jusqu'à la forme parfaite de l'adulte. Ces trois études se
basent sur la ressemblance des caractères observés, sur le rapprochement
évident des formes ; sur des comparaisons favorables à des ramifications, des
descendances, des parentés plus ou moins voisin es ou éloignées. La Morphologie
et surtout l'Anatomie comparée groupent les mammifères actuels en une douzaine
d'ordres renfermant des différences assez grandes soit comme aspect, soit comme
mœurs. Alors que la classe des oiseaux présente une certaine fixité, des types
assez voisins les uns des autres, les mammifères, par leur facilité
d'adaptation à des milieux très variés, se sont diversifiés considérablement au
point de ne plus même se ressembler morphologiquement, tels les chauve-souris,
les baleines ou les chevaux. Au bas de l'échelle des mammifères, les
Monotrèmes, qui vivent seulement en Australie (l'Ornithorynque, au bec de
canard et l'Échidné, couvert de piquants) pondent des œufs qu'ils couvent
ensuite. Leur température varie entre 25° et 28° et les petits sont allaités
par la mère. Les Marsupiaux (Kanguroo d'Australie, Sarigue d'Amérique) mettent
au monde un embryon à peine formé, lequel placé par la mère dans une poche
placée sous son ventre où se trouvent les mamelles, termine ainsi sa
croissance. Ces deux groupes d'animaux, par leur constitution, rappellent
certains caractères des reptiles et des oiseaux et nous montrent quelques types
intermédiaires entre les ovipares et les vivipares. Les Insectivores (Taupe,
Hérisson, Musaraigne, etc.) beaucoup plus répandus à la surface des continents,
sont des mammifères nettement caractérisés, à température constante élevée et à
développement placentaire. Les Chiroptères (Chauves-souris, Vampire, etc.) sont
des insectivores adaptés au vol. Leurs formes sont assez particulières et
constituent un des aspects curieux des possibilités de variations des
mammifères. Les Carnivores sont trop connus pour en parler ici. Il en est de
même des Rongeurs dont quelques-uns, tels le lapin et surtout le rat disputent
à l'homme, parfois avec succès, le droit à la vie. Les Pinèdes (Phoques,
Otaries, Morses) se sont adaptés à la vie marine, ainsi que les Siréniens
(Lamantin, Dugong) et les grands Cétacés (Dauphin, Cachalot, Baleine). Ces
animaux marins ne paraissent point avoir la même origine. Il est possible que
les cétacés dérivent de quelques reptiles nageurs du secondaire, tandis que les
Siréniens, descendraient plutôt des protongulés du tertiaire inférieur. Les
Édentés (Fourmiliers, Tatous, Paresseux), ne sont pas classés nettement et leur
ascendance reste problématique. Les Proboscidiens se réduisent aux seuls
Éléphants d'Afrique et d'Asie. Les Ongulés présentent plus de variétés et le
Rhinocéros, le Cheval, le Bison, le Chameau, le Cerf, la Girafe sont assez
différents les uns des autres ainsi que l'Hippopotame, le Gnou et le Sanglier.
Les Primates se divisent en trois sous-ordres : les Lémuriens, vivant surtout à
Madagascar ; les Simiens, répandus dans toute la zone tropicale, s'écartent peu
des régions chaudes. Quelques formes sont intermédiaires entre les Lémuriens et
les Singes comme les Ouistitis et possèdent des griffes. D'autres Singes
(Platyrrhiniens) ont le pouce peu séparé de la main, les narines écartées, la
queue prenante. Tels sont les Alouates, les Sapajous, les Sakis de l'Amérique
du Sud. Les Catarrhiniens comprenant les Babouins, Mandrills, Macaque, Magot et
enfin les anthropoïdes dont l'Orang-Outang des îles de la Sonde, les Gibbons de
l'Inde, le Chimpanzé et le Gorille d'Afrique. Le dernier sous-ordre des
Primates est uniquement constitué par les Hominiens peu différents,
anatomiquement, des anthropoïdes. La Paléontologie retrouve des traces de
Mammifères dès le début du Secondaire, dans le Triasique. C'étaient de tout
petits animaux, probablement insectivores, vivant sur les arbres. Leurs
ancêtres probables doivent être cherchés parmi les Théréodontes (sous-ordres
des Théromorphes), sortes d'intermédiaires entre les reptiles nettement
caractérisés et les Mammifères du Secondaire. Les Théréodontes descendaient
probablement eux-mêmes des Rhynocéphales, lesquels provenaient sans doute des
Stégocéphales vivant à l'époque Pesmienne dans le Primaire. Ces sortes
d'animaux mi-reptiles, mi-batraciens, de formes assez diverses (serpent,
lézard) ont précédé les grands Reptiles du Secondaire, contemporains des petits
mammifères arboricoles. Remarquons ici que l'on trouve des traces d'Insectes du
genre Blatte, ainsi que des Scorpions dans le Silurien, ce qui montre
l'ancienneté prodigieuse des animaux à respiration trachéenne. Remarquons
également que, tandis que les Mammifères comptent tout au plus 3.000 espèces
environ sur les 272.000 espèces animales connues à ce jour les arthropodes en
comptent 209.000, et les insectes 180.000 à eux seuls. On voit qu'au cours des
siècles la variation ne s'est point effectué de la même manière, ni dans le
même temps, chez les différents animaux. Les oiseaux sont postérieurs aux
Mammifères car leur ancêtre possible l'Archéoptéryx, de la taille d'un gros
corbeau, ne se rencontre que dans le Jurassique supérieur. C'était un animal
étrange avec un squelette de Reptile, une queue de Lézard emplumée, des
mâchoires dentées, et des plumes nettement formées jusque sur les jambes
terminées par des pattes griffues. À cette époque le Jurassique contenait déjà
plus de 25 espèces de Mammifères de la taille du Rat et du Glouton et se
rapprochant des Monotrèmes actuels. C'était l'époque des Reptiles gigantesques,
maîtres incontestés de tous les continents, dont quelques-uns, tel
I'Atlantosaurus des Montagnes Rocheuses, atteignaient les dimensions colossales
de 36 mètres. Jusqu'alors la température paraît avoir été à peu près égale sur
la surface terrestre mais à partir du Crétacé les saisons commencent à se
former et l'évolution se précise alors en faveur des Mammifères. Par leur
température interne régulière et élevée ces derniers purent se maintenir et
s'adapter à des températures extérieures très diverses tandis que la faune
reptilienne disparaissait et ne se maintenait désormais que sous les tropiques
avec des dimensions bien réduites. Un autre facteur de triomphe des Mammifères
fut le développement exceptionnel de leur cerveau, particulièrement du cerveau
antérieur le télencéphale. Cette écorce cérébrale est constituée par deux
régions assez indépendantes l'une de l'autre : le rhinencéphale et le
néopallium. La première centralise toute l'activité olfactive de l'animal, la
deuxième centralise la sensibilité visuelle, auditive et tactile. Alors que
chez les Poissons le néopallium est excessivement réduit, chez les Reptiles il
augmente d'importance, tandis que chez les Mammifères il se développe
considérablement en proportion de la régression du rhinencéphale. Si, pendant
l'énorme durée du Secondaire (plus de 400 millions d'années d'après Carl
Stœrmer), les Mammifères se sont peu différenciés ; si, dans le Crétacé, une
certaine homogénéité existait encore, dans l'Éocène ancien diverses variations
importantes commencent à se préciser, variations déterminées par le genre de
vie, principalement l'alimentation. Déjà les Créodontes, ancêtres des
Carnassiers, les Condylarthres, ancêtres des Ongulés et peut-être des
Siréniens, les Pachylémuriens dont le nom indique les descendances ultérieures,
offraient des différences appréciables et très marquées. Chaque ordre s'écarte
considérablement de sa forme primitive. La vie marine, terrestre, arboricole,
aérienne, modifie la morphologie des Mammifères. En plein Crétacé un petit
groupe d'insectivores s'était déjà séparé des autres Mammifères tout en
conservant les caractères primitifs des Marsupiaux et se rapprochant des
Créodontes. C'étaient les Ménotyphlas, actuellement vaguement représentés par
les tupaïas vivant d'insectes et de fruits dans les arbres de la Malaisie et se
rapprochant des Lémuriens. Dans le Paléocène de l'Amérique Centrale on trouve
les restes des deux branches de Primates : les Lémuriens et les Tarsoïdés déjà
différenciés. Ils ont ensuite émigré en d'autres régions et les Lémuroïdés,
aujourd'hui localisés principalement à Madagascar, dans le sud de l'Inde et
dans l'Afrique Orientale, ont peu évolué depuis ces époques lointaines. Les
Tarsoïdés, réduits actuellement aux Tarsiers de la Malaisie étaient représentés
à cette époque par six genres dont l'un : Anaptomorphus Homonculus, a été
regardé par Cope comme l'ancêtre commun à tous les singes. Rémy Perrier admet
que c'est dans l'Amérique Centrale que s'est effectuée la séparation des singes
en Platyrrhiniens et en Catarrhiniens, lesquels ont émigré dans l'ancien monde
et ont continué leur évolution en diverses directions. Il est assez difficile
de suivre cette évolution et cette migration mais dans le gisement des
Siwaliks, au pied de l'Himalaya, on trouve déjà des types très nettement
différenciés d'anthropoïdes dont le fameux Dryopithécus, duquel descendait le
genre Palœosimia d'où proviendrait l'orang-outang ; le genre Palœopithhécus
ayant abouti au Gorille et le genre Sivatherium ancêtre possible des Hominiens.
Les découvertes de la Préhistoire diminuent chaque jour l'écart entre l'homme
et ses ancêtres arboricoles. Les hommes de Mauer, de Néanderthal, de la
Madeleine nous montrent l'évolution et les transformations progressives de la
morphologie hominienne vers les types humains actuels. Si l'on compare les
résultats des liaisons établies par la paléontologie entre les divers échelons
de l'animalité mammalogique du crétacé jusqu'à l'homme actuel ; si l'on tient
compte de l'insignifiance des recherches souvent accidentelles et nullement en
rapport avec l'immensité des espaces non encore fouillés ; si l'on tient
également compte des causes nombreuses de disparition des fossiles et des
bouleversements géologiques (effondrements de continents, éruptions
volcaniques, incendies, etc.) détruisant toute possibilité de recherches, il
faut véritablement reconnaître que la paléontologie, malgré ses nombreuses
lacunes, a tracé une généalogie fort satisfaisante des Mammifères et de
l'Humanité. Quelques points restent encore bien obscurs, tels le, ou les lieux
d'origine du genre humain et son unité ou sa pluralité originelle. Le premier
point ne peut encore se résoudre par une affirmation basée sur quelques
certitudes. On trouve des restes d'Hommes fossiles en différents endroits
situés en Afrique, en Europe et en Asie, englobant une vaste région presque
circulaire encore inexplorée. La majorité des naturistes paraît pencher pour
l'origine asiatique de l'Humanité, mais il est également possible qu'elle ait
eu lieu ailleurs et peut-être en plusieurs endroits différents ce qui soulève la
question de l'origine monophylétique ou polyphylétique du genre humain.
L'Anatomie comparée nous montre une certaine unité dans les races humaines peu
compatibles avec les ascendances diverses ayant engendré les anthropoïdes
actuels : Gorilles, Chimpanzés, Orang-Outangs, etc. Peut-être les hominiens,
descendant d'un anthropoïde très répandu, très migrateur, voisin des
Dryopithécus, se sont-ils formés en diverses régions de la Terre. Ce sont là,
au fond des questions secondaires dont les diverses solutions paraissent peu
susceptibles d'ébranler l'origine animale de l'homme. L'Embryologie nous montre
les processus évolutifs des mammifères non seulement très voisins les uns des
autres mais encore très semblables aux premiers stades de développement des
diverses classes de vertébrés. On sait que l'Ontogénie d'un être vivant répète,
très brièvement, la phylogénie de ses ascendants. Edmond Perrier a donné à ces
faits le nom de Loi de Patrogonie. Cette évolution ne saurait d'ailleurs être
totalement comparable à celle de ses ancêtres, car nous voyons les germes
d'animaux inférieurs se suffire immédiatement dans la lutte pour la vie alors
qu'aucun embryon de Mammifère ne pourrait y parvenir. Si donc cet embryon passe
par des formes rappelant quelque peu celles d'animaux beaucoup plus primitifs,
si des organes apparaissent et disparaissent dans cette évolution accélérée
(par exemple les fentes branchiales, l'appendice caudal de l'embryon humain) il
ne peut en un temps aussi réduit repasser par toutes les formes apparues
successivement pendant la colossale durée des temps géologiques. La Tachygenèse
elle-même, ou accélération embryogénique, ne pourrait expliquer la rapidité de
cette évolution et la suppression de la plupart des formes phylogéniques intermédiaires.
Il faut plutôt admettre que la cellule germinative des Mammifères actuels
diffère chimiquement des cellules germinales primitives des vertébrés et des
invertébrés et que, soustraite aux influences primitives, elle se développe
dans des conditions différentes, produisant alors des formes différentes. Le
développement embryogénique ne reproduit donc nullement la forme adulte des
ascendants, mais reproduit leurs ébauches embryonnaires très voisines les unes
des autres correspondant à des conditions analogues de leur évolution.
L'Embryologie comparée permet de rapprocher tous les vertébrés entre eux
beaucoup plus que de tout autre embranchement du règne animal ; de suivre leur
évolution embryonnaire et de reconnaître chez les Mammifère placentaires trois
dispositions particulières les répartissant en trois séries comprenant,
premièrement, les Rongeurs, les Insectivores et les Chiroptères ; deuxièmement,
tous les autres groupes sauf les Lémuriens ; troisièmement, les Lémuriens et
les Primates. Ce qui confirme, en somme, toutes les autres données concernant
l'origine et la parenté de l'Homme. Cette évolution remarquable aboutissant
finalement à l'épanouissement de l'intelligence humaine peut paraître plus ou
moins surprenante. On ne manquera pas de faire remarquer que les mêmes causes
extérieures ont agi sur les mêmes animaux et que leurs profondes divergences
restent bien mystérieuses. On peut trouver en effet que les Oiseaux, par
exemple, ont également une température élevée et mènent une vie arboricole et
aérienne favorable au développement du néopallium. On peut objecter encore que
les autres Mammifères et principalement les Anthropoïdes ont une existence
arboricole, possèdent des mains et se rapprochent considérablement des
hominiens sans atteindre leur évolution intellectuelle. On pourrait tout aussi
bien comparer l'évolution si intéressante des insectes, pourtant très éloignée
de la nôtre, et rechercher les causes des divergences aussi profondes chez les
différentes espèces animales. On ne peut, ici, rechercher ce qu'il y a, au
fond, de commun entre tous les êtres vivants malgré leurs grandes différences
apparentes ; ni préciser l'unité de l'intelligence (qui n'est qu'une fonction
de la vie) dans tout le règne animal. Ce qui a favorisé l'Homme, c'est
précisément un ensemble de faits réalisés partiellement par d'autres animaux
mais réunis circonstanciellement en son espèce. C'est ainsi que la vie
arboricole développa, nous l'avons vu, des facultés visuelles, auditives et
tactiles. Les bruits de la forêt éveillèrent l'attention ; les difficultés des
déplacements développèrent l'agilité, l'adresse, la précision. La mémoire plus
fertile permit des représentations plus étendues et des associations de
sensations beaucoup plus compliquées. La curiosité s'accrut en proportion de
l'extension des possibilités d'adaptations nouvelles. La station verticale
accéléra cette évolution ; elle détermina le perfectionnement de la main,
laquelle suppléant de plus en plus à la mâchoire, dans de multiples actes
vitaux, libéra les muscles faciaux de maints efforts violents. La station
verticale nécessitant beaucoup moins d'efforts des muscles soutenant ta tête,
le crâne moins comprimé atteignit un développement plus grand. Enfin la vie
sociale engendra la nécessité de l'échange des impressions et facilita
l'apparition et le fonctionnement du langage articulé. Il est aussi probable
que la formation intra[1]utérine
des jeunes êtres favorisa peut-être le développement anormal de certains
organes (le cerveau entre autres) aux dépens des autres. C'est ici qu'il
convient de remettre au point le fameux concept : la fonction crée l'organe. La
fonction étant essentiellement le jeu vital d'un organe (son effet) il semble
paradoxal d'affirmer qu'un effet puisse exister avant sa cause. Or, ce n'est
pas ainsi qu'il faut entendre les choses. Quelle que soit la manière dont nous
cherchions à nous expliquer l'origine de la vie, il faut admettre qu'elle a
débuté par une forme infiniment plus simple que toutes celles que nous
connaissons actuellement. Cette « forme », ce mouvement, cet organe de vie,
issu du fonctionnement universel, créa par ses réactions immédiates avec le
milieu, la fonction vitale. Chaque mouvement vital, conquérant le milieu
extérieur, a bien constitué ainsi la fonction vitale, mais toute variation de
ce milieu se présentant avec des particularités nouvelles a déterminé dans
l'organisme ancien (donc sans organe nouveau) une réaction nouvelle (donc une
fonction nouvelle exécutée tant bien que mal par un organisme ancien) laquelle
modifiait alors cet organisme ancien. Si la modification persistait il y avait
apparition de réactions nouvelles, création d'organes nouveaux agissant hors de
l'influence objective. On peut dire que la fonction est une réaction de la
substance vivante contre le milieu, déterminée tantôt par le milieu lui-même
(apparition de la fonction ou réaction avant l'organe) tantôt par la substance
vivante (l'organe existe alors avant la fonction). Les biologistes mécanistes
tels que Lœb et Bohn ont démontré que les réactions de la matière vivante
s'effectuaient très souvent sans finalisme aucun, que parmi ces multiples
réactions ainsi créées, seules celles qui favorisaient la conservation de
l'être pouvaient aboutir, par la sélection, à la formation d'organes nouveaux. Cela
permet de relier correctement le Darwinisme au Lamarckisme ; de libérer
celui-ci de sa tendance finaliste et de donner un sens intelligible à la
sélection naturelle qui, sans cela, explique très bien la disparition des
organes mais nullement leur apparition. Ce rapide exposé de l'évolution des
Mammifères peut nous aider grandement dans l'établissement de nos concepts
philosophiques et sociaux. L'origine animale de l'homme, les causes de son
évolution physique et intellectuelle, ses luttes ancestrales, ses lentes
acquisitions morales, sa formation sociale, ses multiples hérédités forment
autant de repères nous permettant de comprendre les difficultés des
transformations rapides que nous voudrions réaliser. Mais loin de nous mener
vers un pessimisme inhibiteur le spectacle de cette évolution prodigieuse
d'animaux mi-batraciens, mi-reptiles aboutissant à l'homme sensible, généreux,
curieux et inventif est au contraire fort satisfaisant. La rencontre d'humains
de proie ou de types grégaires, mystiques ou primitifs ne doit point nous
étonner outre-mesure, car nous savons que la vie grégaire fut nécessaire à
l'éclosion de l'Humanité ; que l'ignorance et la peur furent à son point de
départ et qu'elle ne dût son triomphe dans la lutte pour la vie qu'à son audace
et son esprit conquérant. Son évolution animale nous montre des causes
d'apparence insignifiante engendrant des conséquences très importantes. C'est
ainsi que si les Mammifères étaient restés dans la plaine ils n'auraient point
acquis leurs facultés intellectuelles, mais d'autre part s'ils n'avaient point
ensuite vécu dans la Savane ils n'auraient point dépassé le niveau des
anthropoïdes actuels. Cela nous montre l'utilité de certaines formes sociales
passées mais nous indique également la non moins grande utilité de changer
d'habitudes, de mœurs, de milieu si nous voulons nous transformer et évoluer
dans d'autres directions. Les grandes différenciations des Mammifères nous
indiquent également les dangers de toute spécialisation exclusive déformant les
êtres, les modifiant en types distincts et séparés, presque étrangers les uns
aux autres. Enfin l'unité anatomique et embryogénique des Hominiens nous fait
entrevoir des possibilités d'entente, de compréhension et peut-être d'harmonie
entre les hommes sur le plan intellectuel et moral. Connaissant les
possibilités de transformation des êtres vivants nous pouvons agir sur notre
milieu, l'orienter vers notre concept social plus équitable, mieux équilibré,
plus rationnel, plus avantageux pour l'ensemble des humains. Le Mammifère du
Crétacé évolue et doit encore évoluer vers l'Age de Raison et c'est notre
intérêt de l'y aider. ‒
IXIGREC.
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