mardi 11 décembre 2018

Journal officiel de la Commune


LE PEUPLE EST BON

Il a le droit pour lui, il est la force. Mais longtemps encore, il restera dupe et victime, car, dans ce combat de chaque jour qui est la vie, il se laisse rendre à tous les lacs, va donner, tête baissée, dans tous les pièges. Il est bon jusqu’à la naïveté, jusqu’à l’abnégation, jusqu’à la folie.Son grand coeur bat à l’unisson de tout ce qui émeut et passionne. Pour une phrase bien faite, un mot heureux, un geste fier, il se donnera tout entier, sans compter ni réfléchir.
Vous le savez bien, ô gouvernants !
Chaque fois que, dans ses grands jours de colère et de justice, on lui montre un vieillard moribond, une femme éplorée, un enfant qui sourit, il oublie le crime qu’il venait punir, le sang répandu, l’infamie commise, tout de suite, il s’attendrit et pardonne…
Vous le savez bien, ô royalistes ! vous qui depuis bientôt un siècle, avez fait verser sur Louis XVI, sur l’Autrichienne et le petit Capet tout un déluge de larmes. Pourrissez sans regret et sans mémoire, mitraillés de Nancy, morts glorieux du 10 août, et vous aussi, volontaires de 92, qui accourus à l’appel désespéré de la patrie agonisante, défendîtes son sol sacré. Ce n’est pas vous qui fûtes martyrs, ce n’est pas vous qui fûtes grands, ce n’est pas vous qu’il faut honorer !…
Vous étiez du peuple… et le lot du peuple est de souffrir sans se plaindre, c’est son métier de mourir !
Le peuple est bon !
C’est l’agneau de l’éternel sacrifice. De lui-même il se livre et tend la gorge au couteau du boucher. C’est de sa chair qu’on bâtit, c’est de son sang qu’on cimente ces choses qui dominent et mènent le monde : gloire, richesse, industrie et veut justice, on le fait fusiller par son frère, un soldat qui ne sait pas.
Et c’est pour cette immense bonté que nous t’aimons, ô peuple, éternelle victime, grand immolé ! En te voyant si doux, nous nous sommes donné à toi, corps et âme, dussions-nous rouler ensemble dans l’abîme de la défaite et dans la nuit du tombeau !
HENRI BELLANGER.

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