dimanche 9 décembre 2018

DOGME n. m. (du grec doghma, formé de dokéo, je pense) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Dans son acception commune, ce mot signifie une opinion imposée par une autorité en dehors et au-dessus de toute critique et de tout examen. Dans la religion chrétienne, le dogme est une vérité révélée par Dieu, et directement imposée, par l'Eglise, à la croyance des fidèles. La révélation est la source du dogme, et son caractère fondamental est l'intangibilité. Le dogmatisme catholique est l'ensemble des dogmes préparés, définis et développés par les Pères de l'Eglise, par les Conciles et par les Papes. Les trois dogmes fondamentaux sont: Jésus, l’homme et Dieu ; Dieu, en une et en trois personnes ; l'homme, tombé à cause du péché, et racheté moyennant la grâce. Le dogme a été la base de l'intolérance religieuse, puisque toute vérité philosophique ou scientifique trouva dans le dogme intangible sa pierre d'achoppement. La vérité étant unique, aucune autre vérité n'est admise. Donc, l'Eglise dit : « Je suis en possession de la vérité, qui n'est pas avec moi est dans l'erreur ». Combien de bûchers allumés, combien de sang a fait verser la présomption de l'Eglise, qui, en définitive, n'était que la présomption des prêtres installés sur les dogmes pour guetter toute lumière de vérité nouvelle, afin de l'éteindre! Au dogmatisme ecclésiastique s'unit le dogmatisme scientifique pendant des siècles. A tel point que saint Thomas, les Conciles, le Pape, infaillibles, eurent comme complice involontaire Aristote, dont les oeuvres étaient considérées comme les colonnes d'Hercule du savoir et de la pensée. Avec la réforme de la méthode scientifique, avec l'hérésie religieuse et la critique philosophique, le dogmatisme se confina dans l'Eglise. Puis vint à s'affaiblir l'éclat de l'anathème, qui pendant des siècles avait été la foudre de Rome. Le positivisme en philosophie, l'expérimentalisme en science ont affranchi la pensée des dogmes religieux et scientifiques. Aujourd'hui, l'homme cultivé ne veut plus croire en aveugle, il demande des explications et il cherche des preuves. Le modernisme est entré dans le corps de l'Eglise, cheval de Troie du rationalisrne. L'histoire de la pensée est l'histoire du dogme et du libre examen en lutte. Et l'histoire nous montre combien de fois le premier étouffa le second en retardant la civilisation. A près Kant, le dogmatisme a perdu sa bataille. Allons-nous vers le triomphe de la raison? Certains courants philosophiques fatigués et les restaurations cléricales imposées par les gouvernements réactionnaires en certaines nations nous laisseraient redouter un nouveau Moyen-âge, s'il n'y avait pas des courants de pensée vifs et riches dans les pays libres, et s'il n'y avait pas beaucoup d'hommes qui ne cessent de lutter contre la tyrannie. Mais s'il est naturel d'espérer en demain, certains que le patrimoine de la pensée ne peut subir les catastrophes des systèmes politiques, nous ne devons pas ignorer combien il est nécessaire d'intensifier la lutte contre le dogmatisme. Le bolchevisme en Russie, la tyrannie jésuitique fasciste en Italie, la dictature clérico-militaire en Espagne sont la preuve que la civilisation ne va pas du même pas que le progrès. Le dogme est là, protéiforme et tenace. Il est là, mais il est en nous aussi.
- C. B.

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