mercredi 12 décembre 2018

Edito A Contre-Courant Octobre 2010


Prendra ? Ou ne prendra pas ? Octobre 2010


Toutes les cuisinier-ières vous le diront: la mayonnaise est un art difficile, aux résultats aléatoires, dépendant de facteurs aussi volatiles que les humeurs de la cuisinière… ou du cuisinier. Il n’est égalé dans la difficulté que par l’art de la voyance, qu’il s’exerce par l’intermédiaire de la boule de cristal ou du marc de café. Et quand il s’agit de prédire le devenir d’une mayonnaise, on confine à la mission impossible: Madame Irma a toutes les chances de se retrouver dans le pétrin ! C’est pourtant ce dont il est question ici. La mayonnaise dont on scrute le devenir incertain, c’est celle qui cherche à prendre dans le mouvement d’opposition à la loi de «réforme» du régime des retraites. Pour l’instant, après cinq «journées nationales d’action » dont quatre de grève interprofessionnelle, il n’a rien obtenu de significatif d’un gouvernement dont l’intransigeance est d’autant plus absolue que sa marge de manoeuvre, déjà réduite à presque rien par ses commanditaires (le Medef, le FMI, les opérateurs financiers et les agences de notation) a été proprement annulée par le profond discrédit dans lequel les pratiques clientélistes et népotiques de certains de ses membres l’ont fait sombrer. Pourtant, le mouvement a non seulement persisté, mais aussimonté en puissance. Ni le formidable appareilmédiatique de propagande et de désinformation au service du gouvernement, ni la tactique adoptée par les confédérations syndicales, pourtant éprouvée en d’autres temps, consistant à l'épuiser à force de journées d’(in)action espacées, ne l’ont empêché de grossir et de se renforcer. Et différents signes semblent indiquer qu’il est en passe de franchir un nouveau seuil le 12 octobre: des appels à la grève reconductible ont été lancés dans différents secteurs, notamment dans celui stratégique des transports; des grèves ont déjà démarré dans les ports; dans une trentaine de villes de province, quelquefois de taille modeste, les lycées sont entrés dans la danse, manifestant la conscience que cette «réforme» touche toutes les générations, exprimant ainsi la profondeur dumalaise social actuel et les potentialités d'extension des luttes. Pour autant, ne nous faisons pas d’illusion. Le temps n’est plus où l’on pouvait, moyennant quelques journées d’action, espérer s’entendre entre gens «raisonnables» pour qu’il y ait un peumoins d’ «injustice» sociale. Pour faire reculer le gouvernement, le mouvement ne pourra pas faire l’économie d’un affrontement majeur, en élargissant à la fois sa base par le recours à la grève générale et ses objectifs revendicatifs: au-delà de l’abolition de cette «réforme» des retraites, c’est l’évolution du partage de la richesse sociale imposée par trois décennies de politiques néolibérales qui est en question et sur laquelle il s’agit de revenir. Affrontement au cours duquel il se heurtera inévitablement aux appareils des principales organisations syndicales et politiques qui n’ont aucun intérêt à menacer ou à mordre la main qui les nourrit. (9 octobre 2010)

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