Prendra ?
Ou ne prendra pas ?      Octobre 2010
Toutes
les cuisinier-ières vous le diront: la mayonnaise est un art
difficile, aux résultats aléatoires, dépendant de facteurs aussi
volatiles que les humeurs de la cuisinière… ou du cuisinier. Il
n’est égalé dans la difficulté que par l’art de la voyance,
qu’il s’exerce par l’intermédiaire de la boule de cristal ou
du marc de café. Et quand il s’agit de prédire le devenir d’une
mayonnaise, on confine à la mission impossible: Madame Irma a toutes
les chances de se retrouver dans le pétrin ! C’est pourtant ce
dont il est question ici. La mayonnaise dont on scrute le devenir
incertain, c’est celle qui cherche à prendre dans le mouvement
d’opposition à la loi de «réforme» du régime des retraites.
Pour l’instant, après cinq «journées nationales d’action »
dont quatre de grève interprofessionnelle, il n’a rien obtenu de
significatif d’un gouvernement dont l’intransigeance est d’autant
plus absolue que sa marge de manoeuvre, déjà réduite à presque
rien par ses commanditaires (le Medef, le FMI, les opérateurs
financiers et les agences de notation) a été proprement annulée
par le profond discrédit dans lequel les pratiques clientélistes et
népotiques de certains de ses membres l’ont fait sombrer.
Pourtant, le mouvement a non seulement persisté, mais aussimonté en
puissance. Ni le formidable appareilmédiatique de propagande et de
désinformation au service du gouvernement,  ni la tactique adoptée
par les confédérations syndicales,   pourtant éprouvée en
d’autres temps, consistant à l'épuiser à force de journées
d’(in)action espacées, ne l’ont empêché de grossir et de se
renforcer. Et différents signes semblent indiquer qu’il est en
passe de franchir un nouveau seuil le 12 octobre: des appels à la
grève reconductible ont été lancés dans différents secteurs,
notamment dans celui stratégique des transports; des grèves ont
déjà démarré dans les ports; dans une trentaine de villes de
province, quelquefois de taille modeste, les lycées sont entrés
dans la danse, manifestant la conscience que cette «réforme»
touche toutes les générations, exprimant ainsi la profondeur
dumalaise social actuel et les potentialités d'extension des luttes.
Pour autant, ne nous faisons pas d’illusion. Le temps n’est plus
où l’on pouvait, moyennant quelques journées d’action, espérer
s’entendre entre gens «raisonnables» pour qu’il y ait un
peumoins d’ «injustice» sociale. Pour faire reculer le
gouvernement, le mouvement ne pourra pas faire l’économie d’un
affrontement majeur, en élargissant à la fois sa base par le
recours à la grève générale et ses objectifs revendicatifs:
au-delà de l’abolition de cette «réforme» des retraites, c’est
l’évolution du partage de la richesse sociale imposée par trois
décennies de politiques néolibérales qui est en question et sur
laquelle il s’agit de revenir. Affrontement au cours duquel il se
heurtera inévitablement aux appareils des principales organisations
syndicales et politiques qui n’ont aucun intérêt à menacer ou à
mordre la main qui les nourrit. (9 octobre 2010)
 
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