Danser
sur un volcan
Quel
étrange pays que la France ! Il est capable de donner lieu à un
mouvement social massif, à des centaines de manifestations de rue
jusque dans les plus petites sous-préfectures, au blocage de
paralyser l’économie, à la tenue d’assemblées
interprofessionnelles élaborant des plates formes revendicatives
radicales, le tout esquissant un début de grève générale. Et le
dit mouvement ayant échoué face à la détermination du
gouvernement et la mollesse complice des centrales syndicales, le
voilà qui disparaît apparemment, aussi brusquement qu’il était
apparu, pour laisser à nouveau toute sa place au spectacle de
formations politiques qui se mettent déjà en ordre de bataille pour
des élections qui n’auront pourtant lieu que dans plus d’un an.
La chose est compréhensible de la part de ces professionnels de la
politique, qu’ils se revendiquent de la vraie droite ou de la
fausse gauche, aux yeux desquels le mouvement social n’est qu’un
usurpateur. Car ils sont intimement convaincus que la chose publique
est leur monopole et que l’activité politique de tout un chacun
doit se limiter à son rôle périodique d’électeur et, au mieux,
de militant mobilisé le temps d’une campagne électorale. Mais
pareille volte-face est plus étonnante et relève même d’un franc
reniement de leurs principes affichés de la part de ceux qui, de LO
au Front de Gauche en passant par le NPA, se posaient hier encore en
fer de lance du mouvement social et poussaient à sa radicalisation.
Car, qu’ils le veuillent ou non, en participant ainsi à la
reconstitution et la réanimation de la scène politique après des
semaines au cours desquelles elle avait été rejetée dans l’ombre
et même désertée au profit des éclats du mouvement social, ils
contribuent à renforcer l’oubli et le discrédit de ce dernier,
consécutifs à sa défaite temporaire. En fait, tous n’espèrent
plus qu’une chose : la paix sociale étant revenue, que l’attention
du peuple se concentre désormais sur le spectacle qu’ils
s’apprêtent, une nouvelle fois, à interpréter. Déjà on les
voit faire des tours de pistes sous le chapiteau du cirque électoral,
chacun rodant son numéro. Mais tous oublient tout simplement que,
pendant toute la durée de la représentation qui débute, la crise
socio-économique du capitalisme va aller en s’aggravant,
singulièrement en Europe, avec son cortège de spéculations sur les
dettes publiques, de dissensions entre les gouvernements, de mesures
d’austérité redoublée pour les salariés, de contraction de
l’emploi, d’extension de la pauvreté et de la misère… et de
nouvelles révoltes, plus amples et radicales que celles de la
veille, et qui risquent bien de perturber leur spectacle et même
abattre leur chapiteau. Entrez en scène, Mesdames et Messieurs !
Vous vous apprêtez tout simplement à danser au-dessus d’un volcan
!
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