mercredi 12 décembre 2018

Edito A Contre-Courant Décembre 2010


Danser sur un volcan

Quel étrange pays que la France ! Il est capable de donner lieu à un mouvement social massif, à des centaines de manifestations de rue jusque dans les plus petites sous-préfectures, au blocage de paralyser l’économie, à la tenue d’assemblées interprofessionnelles élaborant des plates formes revendicatives radicales, le tout esquissant un début de grève générale. Et le dit mouvement ayant échoué face à la détermination du gouvernement et la mollesse complice des centrales syndicales, le voilà qui disparaît apparemment, aussi brusquement qu’il était apparu, pour laisser à nouveau toute sa place au spectacle de formations politiques qui se mettent déjà en ordre de bataille pour des élections qui n’auront pourtant lieu que dans plus d’un an. La chose est compréhensible de la part de ces professionnels de la politique, qu’ils se revendiquent de la vraie droite ou de la fausse gauche, aux yeux desquels le mouvement social n’est qu’un usurpateur. Car ils sont intimement convaincus que la chose publique est leur monopole et que l’activité politique de tout un chacun doit se limiter à son rôle périodique d’électeur et, au mieux, de militant mobilisé le temps d’une campagne électorale. Mais pareille volte-face est plus étonnante et relève même d’un franc reniement de leurs principes affichés de la part de ceux qui, de LO au Front de Gauche en passant par le NPA, se posaient hier encore en fer de lance du mouvement social et poussaient à sa radicalisation. Car, qu’ils le veuillent ou non, en participant ainsi à la reconstitution et la réanimation de la scène politique après des semaines au cours desquelles elle avait été rejetée dans l’ombre et même désertée au profit des éclats du mouvement social, ils contribuent à renforcer l’oubli et le discrédit de ce dernier, consécutifs à sa défaite temporaire. En fait, tous n’espèrent plus qu’une chose : la paix sociale étant revenue, que l’attention du peuple se concentre désormais sur le spectacle qu’ils s’apprêtent, une nouvelle fois, à interpréter. Déjà on les voit faire des tours de pistes sous le chapiteau du cirque électoral, chacun rodant son numéro. Mais tous oublient tout simplement que, pendant toute la durée de la représentation qui débute, la crise socio-économique du capitalisme va aller en s’aggravant, singulièrement en Europe, avec son cortège de spéculations sur les dettes publiques, de dissensions entre les gouvernements, de mesures d’austérité redoublée pour les salariés, de contraction de l’emploi, d’extension de la pauvreté et de la misère… et de nouvelles révoltes, plus amples et radicales que celles de la veille, et qui risquent bien de perturber leur spectacle et même abattre leur chapiteau. Entrez en scène, Mesdames et Messieurs ! Vous vous apprêtez tout simplement à danser au-dessus d’un volcan !

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