I.
BUT DE LA LIGUE :
La
Ligue française pour la défense des Droits de l'Homme et du Citoyen
a été constituée, à Paris, le 4 juin 1898. L'action immédiate
que se proposaient ses fondateurs (Ludovic Trarieux, Francis de
Pressensé, Ferdinand Buisson, Gabriel Séailles, etc.), c'était,
avant tout, la révision de l'affaire Dreyfus. Mais, dès leur
premier manifeste, ils affirmèrent : 1° Que la Ligue s'appliquerait
à faire vivre dans les moeurs et à réaliser dans les lois les
principes de la Révolution française ;
2°
Que toute personne dont le droit serait violé trouverait désormais
auprès d'elle assistance et conseil. C'est vers ces deux buts que,
sans arrêt ni défaillance, elle a tendu ses efforts.
II.
L'OEUVRE DE LA LIGUE EN FRANCE :
Depuis
bientôt trente ans, par ses publications, par ses meetings, par ses
interventions auprès des ministres et du Parlement, elle a tenu la
conscience publique en éveil ; elle a combattu les conseils de
guerre, les bagnes d'Afrique, le code militaire, les lois injustes ;
elle a dénoncé les brutalités policières, les mensonges de la
raison d'État, le scandale des instructions sommaires et des
jugements de haine, les attentats à la liberté de pensée ; elle a
défendu la légalité contre l'arbitraire des pouvoirs publics et
contribué à redresser la législation française dans le sens de
l'équité.
On
connaît les campagnes retentissantes qu'elle a menées en France à
l'occasion des affaires Dreyfus, Caillaux, Malvy. Grâce à la Ligue,
Péan, N'Guyen Van Do, soldats innocents, condamnés au bagne, ont
été libérés ; grâce à la Ligue, la mémoire des lieutenants
Herduin, Millant, du sergent Mercey, des soldats Maillet, Loiseau,
Bersot, Santer, Gonsard, des civils Copie, Strimelle, Mertz, fusillés
; du lieutenant Louis Marty mort interné pendant la guerre de 1914 à
1918, a été réhabilitée.
On
connaît moins la série innombrable des petits combats qu'elle livre
tous les jours, dans tous les départements ministériels, en faveur
des plus humbles victimes : étrangers menacés d'expulsion, pour qui
elle obtient des permis de séjour ; fonctionnaires arbitrairement
déplacés ou révoqués, à qui elle fait rendre leur emploi ;
militaires ou civils injustement condamnés, qu'elle fait
réhabiliter. « Redresseuse de torts » inlassable mais impartiale,
elle se place au-dessus des sectes politiques et religieuses. Elle
n'admet comme adhérents que les démocrates attachés aux principes
de la Révolution française ; mais elle intervient pour toutes les
victimes de l'injustice, quels que soient leur parti, leurs
tendances, leurs antécédents.
Elle
est intervenue, naguère, en faveur d'officiers catholiques, frappés
disciplinairement pour être allés à la messe en uniforme ; puis,
pour des pasteurs protestants molestés à Madagascar ; plus
récemment pour des instituteurs et des institutrices brimés à
cause de leurs opinions. Elle est intervenue de même en faveur des
condamnés de droit commun mis au ban de la société. Elle a mené
campagne pour des communistes faussement inculpés de « complots ».
Maintes fois, elle a pris la défense des militants libertaires. On
n'a pas oublié les émouvants plaidoyers de Ferdinand Buisson, de
Victor Basch, d'Henri Guernut, de Maurice Viollette, de Séverine, au
procès de Germaine Berton. Après plusieurs démarches, elle a
obtenu la libération anticipée d'E. Armand, condamné en 1918, par
le conseil de guerre de Grenoble, à 5 ans de prison pour «
complicité de désertion ». On connaît ses interventions en faveur
de Sacco et de Vanzetti, condamnés à mort par la justice des
États-Unis d'Amérique.
La
Ligue, on le voit, par ces quelques exemples, ne fait point acception
de personnes ; quiconque souffre l'injustice, qu'il se nomme Joseph
Caillaux ou le bagnard n° X ... , par cela seul qu'il souffre
l'injustice, est son client.
III.
L'OEUVRE DE LA LIGUE A L'EXTÉRIEUR :
Les
mêmes principes de justice et d'impartialité inspirent l'action de
la Ligue à l'extérieur. Dans ses congrès, dans ses meetings, elle
affirme que les nations, comme les individus, sont des personnes
morales et que chaque peuple a des droits dont le respect s'impose à
tous les autres.
Dès
1916, avant même que le Président Wilson l'eût rappelé dans ses
propositions, la Ligue des Droits de l'Homme avait défendu le Droit
des Peuples et demandé l'organisation d'une Société des Nations,
fondée sur la justice et l'équité. On n'a pas oublié ses
campagnes pour l'Arménie et pour la Finlande. Dès le début de la
guerre, elle revendiqua le droit à l'indépendance pour la Pologne,
pour la Tchécoslovaquie, pour la Yougoslavie, pour toutes les
nationalités opprimées. Éprise d'impartiale justice, elle a
défendu les populations en difficultés avec les Alliés ou avec la
France : Irlande, Égypte, Albanie, Annamites, Indigènes de
l'Afrique du Nord. Elle avait protesté, jadis, contre l'oppression
de la Finlande par le gouvernement des tsars. Elle a protesté,
depuis la révolution russe, contre l'invasion de la Géorgie par le
gouvernement des Soviets.
La
Ligue veut être, par-dessus tout, une Ligue de la Paix. Elle ne peut
admettre qu'un État ait le droit de se faire justice par la force.
Convaincue que la guerre, tout comme le pillage et l'assassinat, est
un crime de droit commun, elle mène campagne depuis plus de vingt
ans pour que les conflits internationaux, comme les différends des
particuliers, soient réglés juridiquement, c'est-à-dire
pacifiquement. Elle demande, pour la Société des Nations, le droit
de poursuivre les manquements au pacte international et le pouvoir
d'en châtier les auteurs. « Point de justice sans réparation des
injustices, a écrit Ferdinand Buisson, président d'honneur de la
Ligue française, point de réparation des injustices sans une juste
sentence des tribunaux autorisés à la rendre ; point de juges et de
jugement possibles sans une Société des Nations qui prête
main-forte à la justice et qui dispose souverainement des sanctions
nécessaires pour faire exécuter ses justes décisions. »
IV.
LA LIGUE INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME :
En
vue d'organiser à l'extérieur l'oeuvre de justice et de paix, la
Ligue française des Droits de l'Homme a créé ou facilité la
fondation, pour les autres nations, de plusieurs Ligues-soeurs. C'est
ainsi que des Ligues des Droits de l'Homme, indépendantes dans leur
action mais animées du même idéal et s'inspirant des mêmes
méthodes, ont été constituées pour les pays suivants : Albanie,
Allemagne, Angleterre, Arménie, Autriche, Belgique, Bulgarie,
Dantzig, Espagne, Géorgie, Grèce, Haïti, Hongrie, Italie,
Luxembourg, Portugal, Pologne, Roumanie, Russie, Tchécoslovaquie.
Une Fédération, dont le siège est à Paris, leur sert d'agent de
liaison sous le nom de « Ligue Internationale des Droits de l'Homme
et du Citoyen ». Mme Ménard-Dorian en est la secrétaire générale.
Le IIIème Congrès de la Ligue Internationale des Droits de l'Homme,
réuni à Bruxelles, les 26 et 27 juin 1926, a étudié plus
spécialement la Constitution des États-Unis d'Europe dans l'esprit
et dans le cadre de la Société des Nations. V. PUBLICATIONS DE LA
LIGUE FRANÇAISE :
Au
cours de ses campagnes, la Ligue française des Droits de l'Homme a
édité une importante bibliothèque formée de nombreux tracts,
brochures, comptes rendus sténographiques de Congrès. Nous en
donnons ci-après un aperçu très sommaire. Depuis 1900, elle publie
régulièrement un Bulletin Officiel, devenu en 1920 une revue
bi-mensuelle de grand format sous le titre : Les Cahiers des
Droits de l'Homme. C'est, à l'usage des militants de la
démocratie française, une source d'informations documentaires et un
organe de combat.
VI.
ADMINISTRATION DE LA LIGUE FRANÇAISE :
La
Ligue française des Droits de l'Homme, dont le siège est à Paris,
10, rue de l'Université (7ème), comprend plus de 130.000 ligueurs,
groupés en 1.800 sections locales et en 81 fédérations
départementales. Elle est administrée par un Comité Central élu
par l'ensemble des ligueurs à la majorité absolue.
Tous
les ans, un Congrès national contrôle l'action du Comité Central
au cours de l'exercice écoulé, précise la doctrine de la Ligue sur
les questions à l'ordre du jour et formule, pour l'année suivante,
les directives que devront suivre ses militants.
Elle
a eu successivement pour présidents : Ludovic Trarieux (1898-1903),
Francis de Pressensé (1903-1914), Ferdinand Buisson (1914-1926),
Victor Basch. Le Bureau du Comité Central pour 1927 est ainsi
composé : MM. Victor Basch, président ; A. Aulard, C. Bouglé,
A.-Ferdinand Hérold, Mme Ménard- Dorian, Paul Langevin,
vice-présidents ; Henri Guernut, secrétaire général ; Alfred
Westphal, trésorier général. M. Victor Basch, élu président le
15 novembre 1926, a rappelé dans les Cahiers du 25 novembre
les buts de la Ligue et défini en ces termes quelle doit être son
action dans l'avenir : « Défendre le droit des individus, à
quelque parti qu'ils appartiennent, à quelque degré de la
hiérarchie sociale qu'ils soient placés, et le défendre avec
d'autant plus d'énergie que ce degré est plus humble ; - faire
rendre au Droit, tel qu'il est inscrit dans la Loi, tout son suc de
justice et travailler incessamment à adapter cette Loi à la réalité
sociale et à la faire plus clémente et plus humaine ; - défendre
le droit des peuples, de tous les peuples » à disposer librement
d'eux mêmes, à se développer librement, à harmoniser leur
développement avec celui des autres peuples, de tous les autres
peuples ; travailler passionnément à la cause sacrée de la paix ;
- défendre inlassablement la démocratie ; défendre, dans cette
démocratie, ce qui est conforme au fond dernier, au fond sacré de
la personne morale et sociale, mais combattre inlassablement aussi la
démagogie, qui n'est que la caricature de la démocratie vraie ; -
défendre les droits de l'enfant et de la femme et prêter plus
d'attention aux problèmes sociaux et donner aux concepts de liberté
et d'égalité toute leur valeur et toute leur portée - voilà la
mission de la Ligue. « Elle est belle, elle est noble, elle est
digne que l'on vive et que l'on agisse pour elle. Pour que nous
puissions l'accomplir dans toute sa pureté, il faut que nous
sauvegardions la Ligue de toute compromission avec la politique. La
Ligue, nous l'avons dit, est à la pointe de la démocratie, elle en
est la gardienne vigilante, la conscience vivante et organisée, une
conscience, nous l'avons dit aussi, qui ne doit pas être inerme, qui
ne doit pas se contenter de déplorer le mal quand il est fait, mais
qui doit le prévenir et, quand il est là, le combattre jusqu'à ce
qu'il soit terrassé. En ce sens, la Ligue fait de la politique et
doit en faire. Mais en ce sens seulement. Tout ce qui touche à la
politique proprement dite, à la lutte des partis, aux batailles
électorales, tout ce qui serait une dérogation à ses principes en
faveur d'un gouvernement même ami, doit lui rester étranger.
Rappelons-nous le suprême conseil qu'à son lit de mort, nous a
donné notre cher Gabriel Séailles : « N'ayons pas peur et ne
faisons pas de concessions ». Rappelons-nous que la Ligue est une
libre association de citoyens qui se préoccupent de la chose
publique et qui surveillent avec vigilance ceux qui ont la charge de
l'administrer. »
VII.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
Voici
les principales questions d'ordre général et les plus célèbres
affaires particulières qui ont motivé les plus retentissantes
interventions de la Ligue française et sur lesquelles des rapports
documentaires ont été publiés, soit en brochures spéciales, soit
dans les Cahiers des Droits de l'Homme :
A)
QUESTIONS GÉNÉRALES :
a)
Liberté individuelle : Tarbouriech, Rapports au Congrès
de 1905 (Bulletin officiel 1905) ; Chenevier : Pour la
liberté individuelle (Cahiers 1922) ; G. Clemenceau : Les
garanties de la liberté individuelle (Cahiers 1922) ; F.
Buisson :
La
résistance à l'oppression (Cahiers 1921) ; C. G. Costaforu :
En Roumanie ; Les crimes de la sûreté (1926) ; U.
Triaca : Le fascisme en Italie (1927). b) Liberté
d'opinion : F. Buisson et E. Glay : Pour la liberté d'opinion
des fonctionnaires (Cahiers 1922) ; F. Buisson : L'affaire
Baylet et Fontanier (Cahiers 1922) ; H. Guernut : Pour les
fonctionnaires (Cahiers 1923) ; F. Buisson : La liberté
d'opinion (Cahiers 1923) ; Pour la suppression des lois
scélérates (Cahiers 1925-1926). c) Droit de propriété :
Tarbouriech : Essai sur la propriété (Bulletin officiel 1904)
; Charles Gide : Le droit de propriété (Cahiers 1921). d)
Objection de conscience : F. Corcos : L'objection de
conscience (Cahiers 1926) ; Pioch : Pour les objecteurs de
conscience (Cahiers 1926) ; Voir délibérations et voeux du
Comité Central (Cahiers 1926). e) Amnistie : F.
Buisson : L'amnistie (Cahiers 1920) ; Albert Chenevier : La
loi d'amnistie (Cahiers 1920) ; Prorogation de la loi du 29
avril 1921 (Cahiers 1923) ; Un projet de loi (Cahiers 1924)
; Les principales dispositions de la loi d'amnistie (Cahiers
1925). f) Droits des travailleurs : Un ligueur : Un projet
de loi sur les assurances sociales (Cahiers 1921) ; Robert
Perdon : Le monde du travail et les assurances sociales (Cahiers
1921) ; R. Picard : Les problèmes généraux de l'assurance
sociale (Cahiers 1925) ; Sicard de Plauzoles : Le droit aux
soins (Cahiers 1923). V. les résolutions du Comité Central
(Cahiers, passim) et les voeux des Congrès. g) Droits des
femmes : Comité Central : Adhésion de la Ligue à la pétition
des femmes françaises (Bulletin officiel 1907) ; Pour
l'électorat et l'éligibilité (Congrès 1909) ; F. de Pressensé :
Lettre en faveur des droits politiques (Bulletin officiel 1910)
; F. Buisson : Le suffrage des femmes et la Ligue (Cahiers 1920)
; Alice La Mazière : Le vote des femmes et le Sénat (Cahiers
1923) ; G. Malaterre- Sellier : Le suffrage des femmes (Cahiers
1924) ; Suzanne Grinberg : L'incapacité des femmes mariées
(Cahiers 1925) ; Sicard de Plauzoles : La réglementation de
la prostitution (Cahiers 1923) ; La situation des femmes
kabyles (Cahiers 1924). h) Droits des enfants : F.
Buisson : L'école démocratique (Cahiers 1921) ; F. Buisson :
Les droits de l'enfant (Cahiers 1921) ; F. Buisson : L'école
démocratique (Cahiers 1922) ; Sicard de Plauzoles : Les
droits de l'enfant (Cahiers 1923). i) Droits des indigènes
: Marius Moutet : Les droits politiques des indigènes algériens
(Bulletin officiel 1917) ; Henri Guernut : La Ligue et les
indigènes (Cahiers 1923) ; G. Bunschvicg : L'arbitraire en
Tunisie (Bulletin officiel 1911) ; Henri Guernut : L'affaire
Bach-Hamfa (Bulletin officiel 1912) ; Congrès de 1924. j)
Justice militaire : Général Sarrail : Plus de conseils de
guerre (Cahiers 1924) ; Général Sarrail : La réforme de
la justice militaire (1926). k) Droits des étrangers :
Moutet, F. de Pressensé, Baylet : La situation des étrangers en
France (Bulletin officiel 1913) ; W. Oualid : Le droit
d'expulsion (Cahiers 1925) ; Les conseils juridiques : Le
droit de l'étranger (Cahiers 1925) ; Roger Picard : Les
étrangers en France (Cahiers 1926). Voir également, sur
toutes ces questions et sur l'action de la Ligue, les résolutions du
Comité Central (Cahiers, passim) et les voeux adoptés par
les Congrès annuels.
B)
AFFAIRES PARTICULIERES :
Théodore
Reinach : Histoire
sommaire de l'affaire Dreyfus (1924)
; A. Chenevier : L'affaire
Abbès-ben-Hammana (1909)
; A. Delmont : L'affaire
Colombini (1914) ; G.
Brunschvicg : L'affaire
Péan (1914) ;
François-Albert : Le
procès Malvy (1919) ;
L'affaire Malvy (Etude
juridique (1918) ; Études
documentaires sur l'affaire Caillaux (1918)
; Les interrogations de
M. Caillaux (1918) ;
F. Buisson : L'affaire Sacco et Vanzetti (Cahiers
1921) ; René-Bloch :
L'affaire Landau (1922)
; P. Loewel : Goldsky
est innocent (1922) ;
F. Corcos : Landau est
innocent (1923) ; R.
Réau : L'affaire Paul Meunier (Cahiers
1923) ; Henri Guernut
: L'affaire Chapelant
(1925) ; H, Guernut :
Mertz et Copie (1926)
; H. Guernut : L'affaire
Platon (1926) ; H.
Guernut : L'affaire
Strimelle (1926),
etc... On trouvera de nombreux détails sur l'action quotidienne de
la Ligue en faveur des victimes de l'injustice et de l'arbitraire,
dans les comptes rendus publiés, à la rubrique : « Nos
interventions », par les Cahiers
des Droits de l'Homme.
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