dimanche 16 décembre 2018

DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN (Ligue française pour la défense des) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




I. BUT DE LA LIGUE :
La Ligue française pour la défense des Droits de l'Homme et du Citoyen a été constituée, à Paris, le 4 juin 1898. L'action immédiate que se proposaient ses fondateurs (Ludovic Trarieux, Francis de Pressensé, Ferdinand Buisson, Gabriel Séailles, etc.), c'était, avant tout, la révision de l'affaire Dreyfus. Mais, dès leur premier manifeste, ils affirmèrent : 1° Que la Ligue s'appliquerait à faire vivre dans les moeurs et à réaliser dans les lois les principes de la Révolution française ;
2° Que toute personne dont le droit serait violé trouverait désormais auprès d'elle assistance et conseil. C'est vers ces deux buts que, sans arrêt ni défaillance, elle a tendu ses efforts.
II. L'OEUVRE DE LA LIGUE EN FRANCE :
Depuis bientôt trente ans, par ses publications, par ses meetings, par ses interventions auprès des ministres et du Parlement, elle a tenu la conscience publique en éveil ; elle a combattu les conseils de guerre, les bagnes d'Afrique, le code militaire, les lois injustes ; elle a dénoncé les brutalités policières, les mensonges de la raison d'État, le scandale des instructions sommaires et des jugements de haine, les attentats à la liberté de pensée ; elle a défendu la légalité contre l'arbitraire des pouvoirs publics et contribué à redresser la législation française dans le sens de l'équité.
On connaît les campagnes retentissantes qu'elle a menées en France à l'occasion des affaires Dreyfus, Caillaux, Malvy. Grâce à la Ligue, Péan, N'Guyen Van Do, soldats innocents, condamnés au bagne, ont été libérés ; grâce à la Ligue, la mémoire des lieutenants Herduin, Millant, du sergent Mercey, des soldats Maillet, Loiseau, Bersot, Santer, Gonsard, des civils Copie, Strimelle, Mertz, fusillés ; du lieutenant Louis Marty mort interné pendant la guerre de 1914 à 1918, a été réhabilitée.
On connaît moins la série innombrable des petits combats qu'elle livre tous les jours, dans tous les départements ministériels, en faveur des plus humbles victimes : étrangers menacés d'expulsion, pour qui elle obtient des permis de séjour ; fonctionnaires arbitrairement déplacés ou révoqués, à qui elle fait rendre leur emploi ; militaires ou civils injustement condamnés, qu'elle fait réhabiliter. « Redresseuse de torts » inlassable mais impartiale, elle se place au-dessus des sectes politiques et religieuses. Elle n'admet comme adhérents que les démocrates attachés aux principes de la Révolution française ; mais elle intervient pour toutes les victimes de l'injustice, quels que soient leur parti, leurs tendances, leurs antécédents.
Elle est intervenue, naguère, en faveur d'officiers catholiques, frappés disciplinairement pour être allés à la messe en uniforme ; puis, pour des pasteurs protestants molestés à Madagascar ; plus récemment pour des instituteurs et des institutrices brimés à cause de leurs opinions. Elle est intervenue de même en faveur des condamnés de droit commun mis au ban de la société. Elle a mené campagne pour des communistes faussement inculpés de « complots ». Maintes fois, elle a pris la défense des militants libertaires. On n'a pas oublié les émouvants plaidoyers de Ferdinand Buisson, de Victor Basch, d'Henri Guernut, de Maurice Viollette, de Séverine, au procès de Germaine Berton. Après plusieurs démarches, elle a obtenu la libération anticipée d'E. Armand, condamné en 1918, par le conseil de guerre de Grenoble, à 5 ans de prison pour « complicité de désertion ». On connaît ses interventions en faveur de Sacco et de Vanzetti, condamnés à mort par la justice des États-Unis d'Amérique.
La Ligue, on le voit, par ces quelques exemples, ne fait point acception de personnes ; quiconque souffre l'injustice, qu'il se nomme Joseph Caillaux ou le bagnard n° X ... , par cela seul qu'il souffre l'injustice, est son client.
III. L'OEUVRE DE LA LIGUE A L'EXTÉRIEUR :
Les mêmes principes de justice et d'impartialité inspirent l'action de la Ligue à l'extérieur. Dans ses congrès, dans ses meetings, elle affirme que les nations, comme les individus, sont des personnes morales et que chaque peuple a des droits dont le respect s'impose à tous les autres.
Dès 1916, avant même que le Président Wilson l'eût rappelé dans ses propositions, la Ligue des Droits de l'Homme avait défendu le Droit des Peuples et demandé l'organisation d'une Société des Nations, fondée sur la justice et l'équité. On n'a pas oublié ses campagnes pour l'Arménie et pour la Finlande. Dès le début de la guerre, elle revendiqua le droit à l'indépendance pour la Pologne, pour la Tchécoslovaquie, pour la Yougoslavie, pour toutes les nationalités opprimées. Éprise d'impartiale justice, elle a défendu les populations en difficultés avec les Alliés ou avec la France : Irlande, Égypte, Albanie, Annamites, Indigènes de l'Afrique du Nord. Elle avait protesté, jadis, contre l'oppression de la Finlande par le gouvernement des tsars. Elle a protesté, depuis la révolution russe, contre l'invasion de la Géorgie par le gouvernement des Soviets.
La Ligue veut être, par-dessus tout, une Ligue de la Paix. Elle ne peut admettre qu'un État ait le droit de se faire justice par la force. Convaincue que la guerre, tout comme le pillage et l'assassinat, est un crime de droit commun, elle mène campagne depuis plus de vingt ans pour que les conflits internationaux, comme les différends des particuliers, soient réglés juridiquement, c'est-à-dire pacifiquement. Elle demande, pour la Société des Nations, le droit de poursuivre les manquements au pacte international et le pouvoir d'en châtier les auteurs. « Point de justice sans réparation des injustices, a écrit Ferdinand Buisson, président d'honneur de la Ligue française, point de réparation des injustices sans une juste sentence des tribunaux autorisés à la rendre ; point de juges et de jugement possibles sans une Société des Nations qui prête main-forte à la justice et qui dispose souverainement des sanctions nécessaires pour faire exécuter ses justes décisions. »
IV. LA LIGUE INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME :
En vue d'organiser à l'extérieur l'oeuvre de justice et de paix, la Ligue française des Droits de l'Homme a créé ou facilité la fondation, pour les autres nations, de plusieurs Ligues-soeurs. C'est ainsi que des Ligues des Droits de l'Homme, indépendantes dans leur action mais animées du même idéal et s'inspirant des mêmes méthodes, ont été constituées pour les pays suivants : Albanie, Allemagne, Angleterre, Arménie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Dantzig, Espagne, Géorgie, Grèce, Haïti, Hongrie, Italie, Luxembourg, Portugal, Pologne, Roumanie, Russie, Tchécoslovaquie. Une Fédération, dont le siège est à Paris, leur sert d'agent de liaison sous le nom de « Ligue Internationale des Droits de l'Homme et du Citoyen ». Mme Ménard-Dorian en est la secrétaire générale. Le IIIème Congrès de la Ligue Internationale des Droits de l'Homme, réuni à Bruxelles, les 26 et 27 juin 1926, a étudié plus spécialement la Constitution des États-Unis d'Europe dans l'esprit et dans le cadre de la Société des Nations. V. PUBLICATIONS DE LA LIGUE FRANÇAISE :
Au cours de ses campagnes, la Ligue française des Droits de l'Homme a édité une importante bibliothèque formée de nombreux tracts, brochures, comptes rendus sténographiques de Congrès. Nous en donnons ci-après un aperçu très sommaire. Depuis 1900, elle publie régulièrement un Bulletin Officiel, devenu en 1920 une revue bi-mensuelle de grand format sous le titre : Les Cahiers des Droits de l'Homme. C'est, à l'usage des militants de la démocratie française, une source d'informations documentaires et un organe de combat.
VI. ADMINISTRATION DE LA LIGUE FRANÇAISE :
La Ligue française des Droits de l'Homme, dont le siège est à Paris, 10, rue de l'Université (7ème), comprend plus de 130.000 ligueurs, groupés en 1.800 sections locales et en 81 fédérations départementales. Elle est administrée par un Comité Central élu par l'ensemble des ligueurs à la majorité absolue.
Tous les ans, un Congrès national contrôle l'action du Comité Central au cours de l'exercice écoulé, précise la doctrine de la Ligue sur les questions à l'ordre du jour et formule, pour l'année suivante, les directives que devront suivre ses militants.
Elle a eu successivement pour présidents : Ludovic Trarieux (1898-1903), Francis de Pressensé (1903-1914), Ferdinand Buisson (1914-1926), Victor Basch. Le Bureau du Comité Central pour 1927 est ainsi composé : MM. Victor Basch, président ; A. Aulard, C. Bouglé, A.-Ferdinand Hérold, Mme Ménard- Dorian, Paul Langevin, vice-présidents ; Henri Guernut, secrétaire général ; Alfred Westphal, trésorier général. M. Victor Basch, élu président le 15 novembre 1926, a rappelé dans les Cahiers du 25 novembre les buts de la Ligue et défini en ces termes quelle doit être son action dans l'avenir : « Défendre le droit des individus, à quelque parti qu'ils appartiennent, à quelque degré de la hiérarchie sociale qu'ils soient placés, et le défendre avec d'autant plus d'énergie que ce degré est plus humble ; - faire rendre au Droit, tel qu'il est inscrit dans la Loi, tout son suc de justice et travailler incessamment à adapter cette Loi à la réalité sociale et à la faire plus clémente et plus humaine ; - défendre le droit des peuples, de tous les peuples » à disposer librement d'eux mêmes, à se développer librement, à harmoniser leur développement avec celui des autres peuples, de tous les autres peuples ; travailler passionnément à la cause sacrée de la paix ; - défendre inlassablement la démocratie ; défendre, dans cette démocratie, ce qui est conforme au fond dernier, au fond sacré de la personne morale et sociale, mais combattre inlassablement aussi la démagogie, qui n'est que la caricature de la démocratie vraie ; - défendre les droits de l'enfant et de la femme et prêter plus d'attention aux problèmes sociaux et donner aux concepts de liberté et d'égalité toute leur valeur et toute leur portée - voilà la mission de la Ligue. « Elle est belle, elle est noble, elle est digne que l'on vive et que l'on agisse pour elle. Pour que nous puissions l'accomplir dans toute sa pureté, il faut que nous sauvegardions la Ligue de toute compromission avec la politique. La Ligue, nous l'avons dit, est à la pointe de la démocratie, elle en est la gardienne vigilante, la conscience vivante et organisée, une conscience, nous l'avons dit aussi, qui ne doit pas être inerme, qui ne doit pas se contenter de déplorer le mal quand il est fait, mais qui doit le prévenir et, quand il est là, le combattre jusqu'à ce qu'il soit terrassé. En ce sens, la Ligue fait de la politique et doit en faire. Mais en ce sens seulement. Tout ce qui touche à la politique proprement dite, à la lutte des partis, aux batailles électorales, tout ce qui serait une dérogation à ses principes en faveur d'un gouvernement même ami, doit lui rester étranger. Rappelons-nous le suprême conseil qu'à son lit de mort, nous a donné notre cher Gabriel Séailles : « N'ayons pas peur et ne faisons pas de concessions ». Rappelons-nous que la Ligue est une libre association de citoyens qui se préoccupent de la chose publique et qui surveillent avec vigilance ceux qui ont la charge de l'administrer. »
VII. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
Voici les principales questions d'ordre général et les plus célèbres affaires particulières qui ont motivé les plus retentissantes interventions de la Ligue française et sur lesquelles des rapports documentaires ont été publiés, soit en brochures spéciales, soit dans les Cahiers des Droits de l'Homme :
A) QUESTIONS GÉNÉRALES :
a) Liberté individuelle : Tarbouriech, Rapports au Congrès de 1905 (Bulletin officiel 1905) ; Chenevier : Pour la liberté individuelle (Cahiers 1922) ; G. Clemenceau : Les garanties de la liberté individuelle (Cahiers 1922) ; F. Buisson :
La résistance à l'oppression (Cahiers 1921) ; C. G. Costaforu : En Roumanie ; Les crimes de la sûreté (1926) ; U. Triaca : Le fascisme en Italie (1927). b) Liberté d'opinion : F. Buisson et E. Glay : Pour la liberté d'opinion des fonctionnaires (Cahiers 1922) ; F. Buisson : L'affaire Baylet et Fontanier (Cahiers 1922) ; H. Guernut : Pour les fonctionnaires (Cahiers 1923) ; F. Buisson : La liberté d'opinion (Cahiers 1923) ; Pour la suppression des lois scélérates (Cahiers 1925-1926). c) Droit de propriété : Tarbouriech : Essai sur la propriété (Bulletin officiel 1904) ; Charles Gide : Le droit de propriété (Cahiers 1921). d) Objection de conscience : F. Corcos : L'objection de conscience (Cahiers 1926) ; Pioch : Pour les objecteurs de conscience (Cahiers 1926) ; Voir délibérations et voeux du Comité Central (Cahiers 1926). e) Amnistie : F. Buisson : L'amnistie (Cahiers 1920) ; Albert Chenevier : La loi d'amnistie (Cahiers 1920) ; Prorogation de la loi du 29 avril 1921 (Cahiers 1923) ; Un projet de loi (Cahiers 1924) ; Les principales dispositions de la loi d'amnistie (Cahiers 1925). f) Droits des travailleurs : Un ligueur : Un projet de loi sur les assurances sociales (Cahiers 1921) ; Robert Perdon : Le monde du travail et les assurances sociales (Cahiers 1921) ; R. Picard : Les problèmes généraux de l'assurance sociale (Cahiers 1925) ; Sicard de Plauzoles : Le droit aux soins (Cahiers 1923). V. les résolutions du Comité Central (Cahiers, passim) et les voeux des Congrès. g) Droits des femmes : Comité Central : Adhésion de la Ligue à la pétition des femmes françaises (Bulletin officiel 1907) ; Pour l'électorat et l'éligibilité (Congrès 1909) ; F. de Pressensé : Lettre en faveur des droits politiques (Bulletin officiel 1910) ; F. Buisson : Le suffrage des femmes et la Ligue (Cahiers 1920) ; Alice La Mazière : Le vote des femmes et le Sénat (Cahiers 1923) ; G. Malaterre- Sellier : Le suffrage des femmes (Cahiers 1924) ; Suzanne Grinberg : L'incapacité des femmes mariées (Cahiers 1925) ; Sicard de Plauzoles : La réglementation de la prostitution (Cahiers 1923) ; La situation des femmes kabyles (Cahiers 1924). h) Droits des enfants : F. Buisson : L'école démocratique (Cahiers 1921) ; F. Buisson : Les droits de l'enfant (Cahiers 1921) ; F. Buisson : L'école démocratique (Cahiers 1922) ; Sicard de Plauzoles : Les droits de l'enfant (Cahiers 1923). i) Droits des indigènes : Marius Moutet : Les droits politiques des indigènes algériens (Bulletin officiel 1917) ; Henri Guernut : La Ligue et les indigènes (Cahiers 1923) ; G. Bunschvicg : L'arbitraire en Tunisie (Bulletin officiel 1911) ; Henri Guernut : L'affaire Bach-Hamfa (Bulletin officiel 1912) ; Congrès de 1924. j) Justice militaire : Général Sarrail : Plus de conseils de guerre (Cahiers 1924) ; Général Sarrail : La réforme de la justice militaire (1926). k) Droits des étrangers : Moutet, F. de Pressensé, Baylet : La situation des étrangers en France (Bulletin officiel 1913) ; W. Oualid : Le droit d'expulsion (Cahiers 1925) ; Les conseils juridiques : Le droit de l'étranger (Cahiers 1925) ; Roger Picard : Les étrangers en France (Cahiers 1926). Voir également, sur toutes ces questions et sur l'action de la Ligue, les résolutions du Comité Central (Cahiers, passim) et les voeux adoptés par les Congrès annuels.
B) AFFAIRES PARTICULIERES :
Théodore Reinach : Histoire sommaire de l'affaire Dreyfus (1924) ; A. Chenevier : L'affaire Abbès-ben-Hammana (1909) ; A. Delmont : L'affaire Colombini (1914) ; G. Brunschvicg : L'affaire Péan (1914) ; François-Albert : Le procès Malvy (1919) ; L'affaire Malvy (Etude juridique (1918) ; Études documentaires sur l'affaire Caillaux (1918) ; Les interrogations de M. Caillaux (1918) ; F. Buisson : L'affaire Sacco et Vanzetti (Cahiers 1921) ; René-Bloch : L'affaire Landau (1922) ; P. Loewel : Goldsky est innocent (1922) ; F. Corcos : Landau est innocent (1923) ; R. Réau : L'affaire Paul Meunier (Cahiers 1923) ; Henri Guernut : L'affaire Chapelant (1925) ; H, Guernut : Mertz et Copie (1926) ; H. Guernut : L'affaire Platon (1926) ; H. Guernut : L'affaire Strimelle (1926), etc... On trouvera de nombreux détails sur l'action quotidienne de la Ligue en faveur des victimes de l'injustice et de l'arbitraire, dans les comptes rendus publiés, à la rubrique : « Nos interventions », par les Cahiers des Droits de l'Homme.

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