Il
n'est pas nécessaire de définir l'école, mais il est utile de
montrer les défauts les plus graves des écoles que fréquentent
tous les jeunes enfants et d'indiquer ce qui devrait être fait pour
rendre ces écoles meilleures. Il n'est pas indispensable non plus
d'étudier comment les écoles se sont différenciées ; mais il est
bon de montrer que la différenciation qui a pour but de séparer les
enfants des riches des enfants du prolétariat est combattue
aujourd'hui par les partisans de l'école unique. Il nous faut
signaler aussi l'influence de l'individualisme sur la différenciation
des écoles, comment l'on se propose aujourd'hui de tenir mieux
compte des intérêts et des capacités des enfants, pour aider ces
enfants à devenir des hommes plutôt que pour en faire des croyants
ou' des citoyens.
*
* *
Nul
mieux que Roorda n'a su exposer d'une façon claire, et souvent
caustique, les défauts des écoles d'aujourd'hui. « Il y a, dit le
pédagogue suisse, deux écoles : 10 L'école proprement dite…, où
tous les enfants vont pour commencer ; 20 L'école spéciale ou
professionnelle, où l'on entre plus tard, et où tous les élèves
font un même apprentissage déterminé. Cette école spéciale sera,
par exemple, une école de médecine, ou une école d'horlogerie, ou
une école de droit, ou une école de commerce, ou une école de
dessin, ou une école dentaire.
On
comprend que dans une telle école tous les élèves se livrent au
même entraînement méthodique ; qu'on propose à tous les mêmes
travaux et que, finalement, on exige de tous les mêmes connaissances
techniques et un même minimum d'habileté : les uns exécuteront
plus facilement que les autres les exercices réglementaires ; mais
les exigences du maître ne varieront pas avec leurs aptitudes
respectives. En somme, c'est sa science de spécialiste, ce sont ses
propres talents, ses propres tours de mains qu'il s'efforce de
communiquer à tous ses élèves indifféremment. Si les goûts de
l'un de ceux-ci sont trop fortement contrariés par cette discipline
uniforme, qu'il s'en aille. Car il y a des règles concernant la
résistance des matériaux que doivent connaître tous les futurs
constructeurs de ponts. Il faut exiger aussi de tous les élèves
d'une école d'horlogerie, qu'en dépit de marchant d'accord. Et je
trouve bon que l'on interdise aux jeunes gens qui étudient l'art
dentaire une originalité excessive dans la manière d'arracher les
dents. Mais c'est de la première école que je veux parler, de celle
que j'appellerai simplement l'Ecole, et dont on oublie trop souvent
l'un des caractères essentiels. Dans cette Ecole-là, le maître
s'adresse à des enfants qui exerceront par la suite les professions
les plus diverses... L'Ecole doit donc se demander : « Est-ce que la
science que j'enseigne a une valeur générale?... » Donc, ici, nous
ne sommes plus à l'école professionnelle. Ici, en face de son
maître, l'écolier n'est plus celui des deux qui doit comprendre
l'autre. Il ne s'agit plus d'enseigner à tous les élèves les mêmes
procédés et les mêmes formules. Il faut fournir à chacun d'eux
l'occasion d'améliorer ce que la nature lui a donné de bon. Car
chacun d'eux, en qualité d'être humain, a des aptitudes précieuses
dont on pourrait favoriser le développement. Or, tous les enfants ne
se développent pas de la même façon ; ils ne peuvent pas
progresser tous de la même allure. …il est admissible que, dans
certaines leçons, tous les écoliers fassent la même chose. Mais, à
côté de ce domaine où l'instruction peut être obligatoire et
uniforme, n'y en a-t-il pas un autre où la diversité et la liberté
doivent être admises? ...Il existe beaucoup d'écoles où les jeunes
gens peuvent se spécialiser. Mais nous n'avons pas encore celle où
l'enfant pourra s'épanouir ».
*
* *
Certes,
la plupart des écoles méritent encore les reproches que Roorda
adresse à l'Ecole. On en comprendra la raison lorsque l'on saura que
l'Ecole est née de l'Université et non l'Université de l'Ecole.
Par routine, l'Ecole est restée mieux adaptée à la préparation à
des études plus complètes qu'à la préparation à la vie. De plus
en plus cependant, l'idée se répand que l'Ecole est faite pour les
écoliers, si divers en leurs aptitudes et en leurs intérêts, et
que tous les écoliers doivent profiter de l'enseignement d'une
école. Sans doute parmi les défenseurs d'une meilleure et plus
juste adaptation des écoles aux, écoliers, il en est un certain
nombre qui se placent uniquement ou presque uniquement au point de
vue social : pour qui les écoles spéciales pour arriérés ont pour
but de déterminer les charges sociales, les écoles pour surnormaux
de tirer le maximum de profit des élites, l'école unique - pas
encore réalisée en France - de recruter toutes les élites. Mais
que le but soit ou ne soit pas le progrès social, il n'en est pas
moins vrai que les moyens envisagés se résument à peu près tous
en une meilleure adaptation de l'enseignement aux individualités
enfantines. Le progrès individuel et, partant, l'individualisation
de l'enseignement sont les moyens du progrès social. Le besoin de
différencier l'enseignement par la création d'écoles différentes
s'est surtout fait sentir à propos des enfants trop différents des
autres pour pouvoir profiter de l'enseignement collectif. La première
école pour sourds muets fut créée à Paris en 1760 ; en 1784, à
Paris également, on créait la première école pour aveugles ;
cependant, l'écriture Braille, la plus usitée aujourd'hui pour les
aveugles, ne fut inventée que vers 1829. L'enseignement pour les
enfants infirmes et estropiés est encore aujourd'hui trop négligé,
sauf peut-être au Danemark et aux Etats-Unis. A New-York, en 1921,
près de 2.000 enfants estropiés étaient transportés journellement
à des écoles spéciales par deux autobus municipaux et plusieurs
véhicules loués ; plus de 500 étaient hospitalisés et 172, non
transportables, instruits à domicile par 12 instituteurs
volontaires. Cependant, l'intérêt des enfants n'est pas toujours
seul en cause, celui des instituteurs a également influé sur la
différenciation des écoles. On comprend que les enfants arriérés,
anormaux, vicieux, aient été une gêne pour leurs maîtres. On
devine que les élèves particulièrement bien doués n'aient pas été
dans le même cas et que les maîtres soient heureux de conserver de
tels élèves dans leurs classes. Aussi, alors que la première école
spéciale pour arriérés était créée en Allemagne dès 1867, ce
n'est qu'en 1905 que des écoles pour surnormaux furent créés aux
Etats-Unis. Aujourd'hui encore, l'Ecole unique n'est désirée par la
plupart des instituteurs qu'à la condition qu'ils n'y perdront pas
leurs bons élèves. Pour que chaque enfant profite au maximum du
temps passé par lui à l'école et du travail qu'il y fait, il faut
que l'école tienne compte de la diversité des aptitudes et des
intérêts. Parmi les solutions qui ont été proposées pour
satisfaire à cette condition, l'une consiste à différencier les
écoles et les groupes d'une même école, chaque groupe homogène
pouvant ainsi recevoir un enseignement collectif profitable ; l'autre
à différencier les travaux dans la même école, à individualiser
l'enseignement et à assurer le contrôle, soit directement par le
maître, soit indirectement. Il est, enfin, des écoles qui
s'efforcent de combiner les deux solutions précédentes. Nous
remettons à plus tard un exposé des méthodes employées pour la
sélection des groupes ou pour l'enseignement individualisé. La
première de ces solutions est employée dans quelques grandes
villes, la seconde convient aux petites écoles.
Un
modèle de différenciation du premier genre nous est offert à
Jackson (Etats-Unis) où, en 1921, on comptait :
1°
Des ungraded schools pour enfants déficients ;
2°
Des lower auxiliary schools pour jeunes arriérés ;
3°
Des upper auxiliary schools pour arriérés plus âgés;
4°
Des opportunity schools pour les arriérés qui vont quitter l'école
;
5°
Des speed schools, écoles rapides pour mieux doués ;
6°
Des open air schools pour prétuberculeux et anémiés ;
7°
Des schools for deaf pour sourds ou durs d'ouïe :
8°
Des schools for the blind or sight saving scheel pour aveugles ou
vues faibles ;
9°
Des maîtres-répétiteurs (spécial help) pour des enfants normaux
mais retardés en quelque matière. Parmi les autres typés d'écoles
spéciales, dont nous n'avons pas encore parlé, nous devons citer
celles pour enfants vicieux, vagabonds, délinquants, qui se sont
surtout développés en Angleterre et aux Etats-Unis. Ajoutons encore
les écoles destinées aux tout-petits et, parmi elles, les jardins
d'enfants de Fröbel, créés en Allemagne dès 1837, les écoles
maternelles françaises organisées tout d'abord par Mme Pape
Carpentier et la maison des enfants (Case deï Bambini), de Mme
Montessori, apparue en Italie, en 1907. Ainsi, peu à peu, en se
différenciant, l'Ecole tient de plus en plus compte des aptitudes
diverses des enfants. En est-il de même en ce qui concerne les
intérêts enfantins? Certainement oui, mais si cet autre progrès
peut être constaté dans les divers types d'écoles dont nous venons
de parler, elle est surtout évidente dans ce qu'on a appelé les
Ecoles nouvelles et les Ecoles du travail (Arbeitsschule). Claparède
fait naître les premières en Angleterre en 1889 et sur le Continent
en 1898, et les secondes aux Etats-Unis en 1896 et en Allemagne en
1907, mais il est certain que l'origine des méthodes mises en
application dans ces écoles est bien plus lointaine. Ecoles
nouvelles et Ecoles du travail sont aujourd'hui désignées le plus
souvent sous le nom d'Ecoles actives. En résumé, l'Ecole a
progressé, soit qu'elle s'efforce de tenir mieux compte du
développement mental (Ecoles pour arriérés, sur mesure, de plein
air, pour surnormaux) soit qu'elle veuille s'adapter aux intérêts
et, en particulier, au besoin d'activité des enfants (Ecole active).
Enfin, le souci de sélectionner l'élite, celui de mettre de l'ordre
dans l'organisation scolaire et une palissée démocratique visent
aujourd'hui le problème de l'Ecole unique. Bien que ces formes du
progrès soient inséparables en réalité, que, par exemple l'Ecole
active se préoccupe également de la diversité des aptitudes, nous
adopterons cet ordre et cette division pour la suite de cette étude
que nous terminerons en indiquant ce que doivent être l'Ecole et les
Ecoles, selon nous.
*
* *
Ecoles
pour anormaux et arriérés. Dans les villes comme dans les
campagnes, on trouve un nombre considérable d'enfants anormaux et
arriérés. Certains de ces enfants qui doivent leurs tares à des
parents alcooliques, syphilitiques, ou tarés de toute autre façon,
n'ont pas seulement le malheur d'être atteints de quelque infirmité
ou d'être simples d'esprit, ils sont par dessus le marché les
souffre-douleurs de leurs parents et de leur entourage. D'autres
trouvent leur plaisir dans le vagabondage, la brutalité, les farces
stupides ; ils donnent de mauvais exemples à leurs frères et
soeurs, dans la famille, à tous les enfants dans la rue et dans
l'école où ils sont une source de trouble. Ils gênent l'évolution
des autres enfants, l'activité professionnelle de leurs parents et
causent
à ceux-ci mille tracas. Les uns coûtent à la société parce
qu'ils sont incapables de se suffire, les autres coûtent également
parce que nuisibles. Il est certain que l'injustice sociale, avec ses
taudis pourvoyeurs de cabarets, la mauvaise organisation .lu travail
: oisiveté voulue ou non voulue (chômage) d'un côté et surmenage
de l'autre est en grande partie la cause de la multiplication des
anormalités. Cependant, dans une certaine mesure, il semble que le
progrès des uns nécessite la régression des autres, que les
sociétés mieux organisées auront sans doute encore leurs déchets,
que les progrès de la masse des individus sont à la fois cause et
résultat de la formation d'individus dégénérés aussi bien que de
la constitution des élites. Faut-il s'occuper des enfants anormaux
et arriérés? De multiples raisons justifient une réponse
affirmative. A côté des raisons de justice et d'intérêt social
qui s'explique par ce qui précède, on peut ajouter qu'un régime
éducatif spécial, l'apprentissage de certains métiers peuvent
alléger les charges sociales qui résultent des enfants inaptes ou
dangereux. On peut aussi faire remarquer qu'un traitement spécial,
dans les écoles ou internats spéciaux, en débarrassant les enfants
anormaux d'un voisinage nuisible, ne peut qu'être favorable à
l'instruction et à l'éducation de ceux-ci. Non seulement le
traitement spécial des enfants anormaux ou arriérés diminue les
inconvénients, les dangers et les charges qu'ils constituent, mais
encore de ce traitement la médecine et la pédagogie retirent un
grand profit pour l'éducation et la préservation des enfants
normaux. De même que l'étude des maladies a eu pour effet de
permettre les progrès de l'hygiène, de même l'étude des anormaux
permet peu à peu de reconnaître et de prévenir les causes de
dégénérescence. Enfin l'étude des méthodes propres à
l'enseignement des anormaux ou arriérés nous a déjà permis de
reconnaître certains défauts de l'enseignement donné aux enfants
normaux et d'améliorer nos méthodes générales d'enseignement.
Comment faut-il s'occuper des enfants anormaux et arriérés?
D'abord, pour certains, un traitement physique s'impose : régimes,
médications, cures de soleil, d'air, etc., selon les cas. Tout ceci
est de la compétence des médecins. Ensuite, un traitement éducatif
s'impose également. Ce traitement éducatif spécial, dont nous
reparlerons à propos de l'éducation, est évidemment très
variable, car il y a une grande variété d'anomalies et
d'infériorités ; aussi il exige le plus souvent des éducateurs
spécialisés, ayant la charge d'un petit nombre d'enfants, et des
écoles spéciales. Moins l'hérédité a donné de valeurs latentes
à l'enfant et plus l'influence du milieu éducateur devra être
intense pour permettre au mieux l'épanouissement de ces valeurs. Les
écoles spéciales pour anormaux et arriérés ont donc en tout
premier lien pour rôle de favoriser le développement physique,
mental et affectif de ces enfants. Elles s'efforcent ensuite de les
préparer à des professions qu'ils soient capables de remplir.
Ajoutons,
pour terminer, qu'actuellement, en France, le nombre des écoles
spéciales est tout à fait insuffisant et que, surtout dans les
campagnes, la plupart des enfants arriérés ou ne vont pas à
l'école, ou vont à l'école ordinaire et y font peu ou point de
progrès tout en nuisant à l'instruction et à l'éducation de leurs
condisciples.
*
* *
Ecole
sur mesure. En 1900 la ville de Mannheim (Allemagne) introduisit dans
ses classes une organisation que l'on désigne tantôt sous le nom d'
« Ecole sur mesure », tantôt sous celui de « système de Mannheim
». Ce système s'efforçait de tenir compte de la diversité des
capacités des élèves en fractionnant chaque classe en trois
divisions : l'une pour les enfants très intelligents, l'autre pour
les moyens et la troisième pour les très faibles. Le système de
Mannheim a été l'objet de nombreuses critiques et nous ne le
signalons que comme la première tentative sérieuse de réaliser
l'adaptation de l'enseignement à la nature de l'écolier.
*
* *
Ecoles
pour surnormaux. Dès la Révolution Française, les projets
d'organisation de l'enseignement public, présentés à la Convention
par Condorcet et Lepelletier de Saint-Fargeau, posaient le principe
que les enfants qui témoignent d'une intelligence supérieure
doivent continuer leurs études aux frais de l'Etat et devenir les «
Pupilles de la Pairie ». Plus tard, Napoléon, en fit des « Elèves
du Gouvernement ».Aujoursystème mérite de sérieuses critiques.
D'abord il est une aide imparfaite et par cela même- profite
beaucoup plus à la petite bourgeoisie qu'au prolétariat. Ensuite le
choix des boursiers se fait à l'aide d'examens qui ont le tort de
tenir beaucoup plus compte de l'acquis scolaire que des aptitudes
enfantines. Enfin les élèves ainsi sélectionnés se trouvent
réunis à des cancres de familles riches et l'homogénéité des
classes n'est pas obtenue dans les écoles. La sélection des mieux
doués, sous sa forme actuelle, se fait surtout au profit de la
classe sociale privilégiée qui tente d'aspirer les éléments les
meilleurs du prolétariat. Il n'en est pas moins vrai qu'il y a un
intérêt social évident à ce que l'on découvre très tôt l'élite
intellectuelle et qu'on lui permette de se développer. L'intérêt
social n'est pas seulement en jeu. Tout comme les anormaux, les
normaux causent un déséquilibre des classes dont pâtissent les
élèves moyens. Il y a enfin à cette sélection un intérêt
individuel trop méconnu : l'enfant surnormal profite mieux d'un
travail à sa mesure ; de plus, c'est souvent un enfant à surveiller
au point de vue médical. N'oublions pas qu'il ne faut pas confondre
l'enfant précoce, qui devient de bonne heure un petit homme mais
s'arrête très tôt dans son développement et l'enfant surnormal
exceptionnellement doué. Dès 1905, un allemand : Petzoldt,
réclamait des écoles spéciales pour surnormaux. En 1917 la ville
de Berlin créa de telles écoles. Son exemple fut suivi en 1918 par
Hambourg. Dans le Northumberland (Angleterre) la sélection des mieux
doués a aussi été organisée. Il en est de même en Autriche et en
Amérique. En Belgique, une loi du 15 octobre 1921 a créé un «
fonds provincial des mieux doués ». Non seulement la sélection des
mieux doués gagna du terrain, mais encore elle perfectionne une
méthode : aux examens ordinaires, où triomphent surtout les élèves
doués d'une bonne mémoire et gavés de connaissances, on préfère
de plus en plus les tests psychologiques, épreuves qui permettent de
juger beaucoup mieux les aptitudes des élèves.
*
* *
Ecoles
de plein air. Ces écoles naquirent en Allemagne et en France en 1904
et se l'épandirent peu à peu : les premières furent celles de
Charlottenburg (Allemagne) et de Montigny-sur-Loing (France). Ensuite
des écoles analogues furent créées au Danemark et en Hollande
(1905), en Italie (1906), en Angleterre et en Norvège (1907), aux
Etats-Unis et en Hongrie 11908), au Canada (1912), en Russie (1914),
etc. Un premier Congrès international des écoles de plein air s'est
tenu à Paris du 24 au 28 juin 1922. Ce Congrès a adopté un certain
nombre de voeux ainsi que les modifications suivantes :
1°
La classe aérée est une classe dans laquelle les fenêtres d’un
côté ou de l'autre restent toujours ouvertes. II est désirable que
toutes les classes deviennent des « classes aérées ».
2°
L'Ecole de plein air est un établissement d'éducation situé hors
des villes dans de bonnes conditions d'exposition et, pour le moment,
réservé aux enfants non tuberculeux, mais ayant besoin d'un régime
scolaire et hygiénique spécial, sous un contrôle médical. Elle
peut être conçue sur le type externat ou sur le type internat ;
celui-ci devra être offert à ceux des enfants qui subissent au
foyer familial des conditions hygiéniques défectueuses. Il est
désirable que ces types d'établissements scolaires se généralisent
à l'ensemble de la population enfantine.
3°
Les Préventoriums sont des établissements situés à la campagne,
où des enfants, le plus souvent exposés à la contagion dans le
milieu familial, non fébricitants et non contagieux, atteints des
formes initiales, latentes et curables de tuberculose non pulmonaire,
sont soumis en régime d'internat, à une hygiène spéciale,
constituée par une alimentation, surveillée, une aération continue
et une association de repos et d'entraînement physique,
respectivement dosés par la collaboration d'un médecin et d'un
pédagogue.
*
* *
Ecole
active. Le terme « Ecole active » tend depuis quelques années à
prendre la place d'un autre terme « Arbeitsschule » (école du
travail), auquel les pédagogues reprochaient un certain manque de
précision. A. Pabst note, dans l'avant-propos d'un ouvrage allemand,
consacré à la pratique de l'Ecole du travail, que le terme
Arbeitsschule « a eu assez fréquemment le tort d'être mal compris
». D'après lui, Arbeitsschule n'est ni simplement l'école de
travail manuel ni l'ennemi de l'étude, Pour lui l'activité manuelle
est une des formes les plus importantes de l'activité de l'enfant ;
mais il ne faut pas omettre non plus l'enseignement par l'observation
et l'expérience, l'enseignement occasionnel et l'enseignement en
plein air. En outre « l'emploi des objets (enseignement de la
réalité) et l'éveil de l'initiative et de l'activité personnelle
de l'enfant doivent surtout être toujours placées au premier plan
». L'Arbeitsschule est une école d'éducation qui « place la
formation de la volonté au centre de tout l'enseignement ». On ne
peut, dit encore Pabst, « former et améliorer les hommes par le
moyen d'un savoir verbal. C'est seulement sur une base de
connaissances acquises par le travail personnel, par l'observation
personnelle, la manière de faire et la pensée que peut se
développer avec valeur la force de la volonté et celle de
l'intelligence » ; Dans le même ouvrage (Aus der Praxis der
Arbeitsschule), un instructeur de Leipzig, Karl Röszger, oppose la
vieille pédagogie qui, sans souci de l'enfant, organisait le travail
d'une façon logique, à la nouvelle pédagogie qui se place au point
de vue psychologique et construit ses méthodes eu partant de
l'enfant. Par suite, trois questions se posent à l'instituteur de
1’Arbeitsschule : 1° quel degré de développement a atteint
l'enfant non encore entré à l'école ; 2° quelle est, dans le
développement, la direction qu'il faut prendre ; 3° par quels
moyens l'école peutelle influencer heureusement le développement?
La réponse à la première question nécessite des épreuves
spéciales destinées à juger le développement : corps, taille,
poids, des organes des sens (tests), du langage, etc.
C'est
l'élève seul, dit-il, qui fait reconnaître la direction qu'il faut
prendre, le pédagogue psychologue doit tenir compte des
individualités et ne pas exiger la même chose de chacun. Cependant
la tendance au mouvement et à l'activité est propre à tous. «
C'est pourquoi l'enseignement doit être vivant, c'est dire que les
élèves doivent toujours avoir quelque chose à faire, avec les
mains et les jambes, avec la, tête et le corps, et non seulement
avec l'oreille, l'oeil et la bouche ». « La première parole,
dit-il, doit provenir du besoin et non de l'exigence, et le premier
succès doit encourager à une action ultérieure ». Il n'importe
pas surtout d'obtenir une certaine quantité de résultats en un
temps donné, ce n'est pas le maître seul qui doit déterminer le
travail ; il n'est « pas là comme le directeur tout puissant des
volontés et des actions, qui ordonne et qui. défend, rien que parce
que cela lui plaît », mais il est celui qui, observant les enfants,
connaissant leurs intérêts, s'efforce de trouver le moyen de
suggérer à ses élèves la direction à prendre pour en retirer
avantage ; il ne renonce pas à faire agir sa volonté, il n'oublie
pas, que l'on n'apprend pas à lire, à écrire, à calculer sans
certains exercices, mais toujours les exercices qu'il propose sont
dans « un rapport quelconque avec les intérêts spéciaux des
élèves ».
Tous
les pédagogues allemands n'ont pas, il est vrai, conçu
l'Arbeitsschule comme le font Pabst et Röszger. Avant d'être une
école d'activité spontanée, aussi bien intellectuelle que
manuelle, l'Ecole du travail fut dominée par les préoccupations
professionnelles pures, puis par un souci d'activité trop
exclusivement manuelle.
Qu'on
la désigne sous le terme d'Arbeitsschule ou sous celui d'Ecole
active on voit ce qui caractérise cette école. Elle est celle qui
se préoccupe de la liberté, de la spontanéité enfantines. Elle ne
veut pas imposer à l'enfant des efforts pour un but qui ne
l'intéresse pas, elle se refuse même à tenter de rendre l'étude
intéressante pour l'enfant. Ce qu'elle veut : c'est obtenir l'effort
en vue d'un but intéressant par lui -même, sans récompense autre
que l'obtention du résultat poursuivi, sans punition, sans artifices
; c'est l'organisation d'un milieu scolaire tel, que les enfants
soient placés dans des conditions convenables pour qu'ils éprouvent
le besoin d'agir, d'observer, d'expérimenter, de se développer
corporellement et mentalement. Tout ceci n'est point vraiment nouveau
: Socrate, Rabelais, Montaigne, Luther J.-J. Rousseau, Pestalozzi,
Fröbel, furent des précurseurs des écoles actives d'aujourd'hui.
Plus près de nous Tolstoï à Jasnaïa Poliana (Russie) ; Giroud,
Delon et Robin à Cempuis, Sébastien Faure à La Ruche, M. Vernet à
l'Orphelinat d'Epône ; Jean Ligtharten en Hollande ; Mme Montessori
en Italie ; le Dr Decroly en Belgique ; John Dewey, Angelo Patri,
etc., en Amérique ; Gaudig, Kerschensteiner, Lag, Scharrelmann,
Gansberg, etc., en Allemagne ; Seidel, Oertli, Ferrière, Claparède,
H. Tobler, etc., en Suisse ; O'Neill, Sauderson, etc., en Angleterre,
ont été, ou sont encore, parmi les plus ardents artisans de l'Ecole
active. Le pouvoir soviétique, lui-même, a voulu établir en Russie
le régime de l'Ecole du travail, mais il paraît certain que les
instituteurs russes, en général, n'étaient pas suffisamment
préparés au rôle qu'on a voulu leur faire jouer et d'autre part
que la liberté et la spontanéité enfantines ont été trop
négligées, pour satisfaire aux préoccupations politiques des
dirigeants. Une place à part doit être faite à ces écoles
expérimentales qui s'efforcent d'améliorer l'Ecole et portent le
nom d'Ecoles nouvelles. Nous extrayons de « Pour l'Ere nouvelle »
des renseignements copieux sur ces écoles : « Elles visent un
triple but : satisfaire les besoins psychologiques spontanés de
l'esprit de l'enfant ; l'armer pour la vie d'aujourd'hui ou, mieux
encore, pour celle de demain ; enfin le mettre à même de s'élever
par son effort propre jusqu'aux valeurs universelles de l'esprit,
indépendantes du temps et du lieu : la vérité, le bien, la beauté!
Le nom d'Ecole nouvelle - en anglais new school - Cecil Heddie, qui
créa la première institution de ce genre en 1889 à Abbotsholme
dans le Derbyshire. Le sociologue Edmond Demolins l'importa en
France, où il établit en 1899 l'Ecole des Roches à
Verneuil-sur-Avre (Eure). En Allemagne, le Dr Hermann Lietz désigna
ses écoles du nom de Land—Erziehungs d'éducation à la campagne.
Mais les plus récentes de ces écoles, celles tout au moins qui ont
étendu à toute la communauté scolaire la pratique du
selfgovernment, portent le nom de Freie-Schulgemeinden. Il n'est pas
facile de caractériser l'école nouvelle. Nombre d'institutions se
dénomment « Ecoles nouvelles » sans ressembler de près ni de loin
aux écoles modèles qui ont donné à ce terme sa consécration...
Il est bon toutefois que le public soit averti. « Méfiez vous des
contrefaçons », lui crierait-on volontiers. Mais comment le public
reconnaîtra-t-il le vrai du faux, puisqu'il ne s'y entend pas et que
les directeurs d'écoles, à l'instar des politiciens de profession,
le leurrent de belles promesses et de « plans fort beaux sur le
papier... »?... Des séjours nombreux et prolongés dans les
principales Ecoles nouvelles de différents pays nous ont permis de
déceler ce qui les distingue des écoles traditionnelles, et cela
non plus seulement dans les principes - qui sont en soi invisibles et
impalpables et dont le dernier « marchand de soupe » venu peut se
réclamer - mais dans les réalités concrètes. Trente traits
caractéristiques, tirés de l'expérience même des Ecoles
nouvelles, permettent de « jauger » celles-ci, s'il est permis de
s'exprimer ainsi. Un bref séjour permettra à un père de famille de
diagnostiquer si l'école à laquelle il voudrait confier son enfant
est, ou non, une Ecole nouvelle. Le procédé a sans doute forcément
quelque chose d'un peu arbitraire : toute application d'une théorie
à la pratique comporte ce caractère. Mais moins il y a d'arbitraire
dans l'établissement de cette norme de valeurs, mieux cela vaut.
C'est à quoi nous avons visé.
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