dimanche 30 décembre 2018

Ecole ( suite) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure


Dans un autre écrit, le pédagogue suisse se demande comment l'Ecole peut tenir compte des intérêts des enfants, les préparer à l'activité solidariste et à la liberté réfléchie. Voici la solution qu'il recommande et qu'il a fait mettre en application à l'Ecole Internationale de Genève.
Quatre modes d'activité sont conduits de front :
1° Travail individuel standardisé, pour l'acquisition des techniques et portant sur un programme minimum. Le programme est divisé en étapes. Les élèves s'efforcent de franchir ces étapes en se servant de fiches ou de manuels. La durée du travail n'est pas indiquée, ce qui permet aux élèves d'avancer selon leurs aptitudes. Les élèves ne doivent passer à l'étape suivante qu'après s'être soumis avec succès à un test, ou épreuve, de connaissance.
2° Travail individuel libre, en tenant compte des goûts individuels et des aptitudes, chaque élève avançant à son pas. Au début, les élèves choisissent leurs travaux parmi une liste de travaux proposés par le maître ; dès qu'ils sont capables de plus d'initiative, les élèves soumettent des projets de travaux à l'approbation du maître.
3° Travail collectif organisé et leçons collectives se rapportant à un programme de centres d'intérêts : étude des besoins primordiaux de l'homme, de leur satisfaction dans le passé (histoire) et à travers le monde (géographie).
4° Travail collectif libre : excursions à but scientifique : organisation de jeux, de pièces théâtrales, de coopératives scolaires, etc…
Comme on le voit il y a tout de même un horaire, un emploi du temps, dans les écoles nouvelles ; mais il faut noter que cet horaire est plus souple et laisse beaucoup plus de liberté aux enfants que celui de l'école ordinaire. Autre remarque : les pédagogues des écoles nouvelles croient que l'évolution de l'individu est une récapitulation abrégée de l'évolution de la race ; par suite, ils pensent que le régime scolaire doit aller de l'autorité avec les tout petits à la liberté avec les plus grands. A l'Ecole nouvelle, on organise ainsi un apprentissage de la liberté.
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Ecole unique. Cette expression nous vient du mot allemand, Einheitschule. Ce que l'on désigne par ce terme, assez peu précis, a été réalisé, au moins partiellement, en quelques pays : Allemagne, Suisse, etc … Depuis la guerre, une vive campagne a été menée en France, pour ou contre l'Ecole unique, mais cette campagne répond à des préoccupations diverses et parfois contradictoires que l'on peut résumer ainsi brièvement :
1° Réaliser l'égalité réelle des classes sociales devant l'enseignement ;
2° Remettre de l'ordre dans une organisation scolaire chaotique ; 3° (Pour quelques-uns), préparer le monopole de l'Enseignement et combattre l'Enseignement religieux ;
4° (Pour d'autres qui veulent limiter la réforme), aspirer l'élite du prolétariat au profit de la bourgeoisie.
Malgré l'augmentation du nombre des bourses, l'injustice de notre organisation scolaire actuelle est évidente. Il est vrai que l'on justifie la non gratuité de certaines écoles en disant que celui qui peut payer doit payer ; mais le paiement n'est qu'un trompe-l’oeil puisque l'Etat subventionne les écoles (collèges, lycées, facultés, etc.) payantes. Il a été calculé qu'en 1910, un père de famille mettant un fils au lycée payait, en moyenne, le tiers de la dépense dont l'Etat fournissait les deux autres tiers. Ce calcul est d'un socialiste (Zoretti) mais nul ne l'a jamais démenti. Par suite du peu d'élèves de certains établissements, du traitement et du nombre des professeurs, etc., un petit bourgeois de dix ans, suivant les cours d'un collège payant, coûtera plus à l'Etat qu'un enfant d'ouvrier fréquentant l'Ecole primaire, soi-disant gratuite.
Ajoutons que, compte tenu des subventions actuelles de l'Etat et de la possibilité de supprimer certains établissements d'enseignement secondaire, la réalisation de l'Ecole unique entraînerait pour l'Etat des charges financières vraiment légères, comparativement à certaines dépenses improductives : plus de quarante millions, a déclaré un adversaire de la réforme. Un universitaire, hostile à l'Ecole unique, Abel Faivre, réclame un enseignement parallèle, mais le mal est précisément dans le parallélisme actuel : Gratuit Payant
1er degré : Ecoles primaires Classes élémentaires des lycées et collèges.
2ème degré: Ecoles primaires Enseignement secondaire. supérieures, écoles normales. Facultés, grandes Ecoles.
3ème degré : Ecoles normales supérieures d'enseignement primaire.
L'enseignement primaire ne devrait point se prolonger ainsi dans les 2ème et 3ème degrés et, par contre, l'enseignement du 2ème degré devrait renoncer à cette doublure du primaire que sont les classes élémentaires des lycées et collèges. Le désordre n'est pas seulement là. Des écoles techniques se trouvent placées sous la direction d'un Ministère du Commerce et de telles écoles s'efforcent parfois de préparer aux Brevets tout comme les Ecoles primaires supérieures, dépendant du Ministère de l'Instruction publique. Il est vrai que ces dernières écoles concurrencent à leur tour les précédentes, en tendant à avoir un caractère technique. Une différenciation des Ecoles des 2ème et 3ème degrés est nécessaire par suite de la différenciation des études, conséquence elle-même de la diversité des professions ; mais, à une différenciation croissante doit correspondre une spécialisation de plus en plus étroite des écoles et non pas la concurrence et le chaos actuel.
Imaginons qu'une loi décide la suppression de ce désordre et réalise la gratuité de l'enseignement à tous les degrés. Cette simple hypothèse va nous permettre de montrer la complexité du problème. D'abord, peu de petits prolétaires pourront profiter des enseignements des 2ème et 3ème degrés. A cela deux raisons. Raison d'aptitudes d'abord : l'inégalité sociale cause l'inégalité physique et mentale ; l'enfant pauvre, né dans de plus mauvaises conditions, a de moindres chances d'un développement satisfaisant : alimentation, logement, soins, etc. Autre raison, surtout
lorsqu'il reste des frères et soeurs à élever : l'enfant pauvre vient assez tôt à l'aide de
sa famille. Il est vrai que divers projets d'Ecole unique prévoient non seulement la gratuité absolue, mais encore des allocations familiales de remplacement pour les parents dont les enfants sont capables de continuer leurs études. On peut donc supposer que le nombre des enfants des classes pauvres devant poursuivre les études sera plus élevé que nous ne l'avons imaginé tout d'abord. Même si l'on pouvait bâtir rapidement des écoles, on ne pourrait trouver immédiatement des professeurs compétents. Si trente petits prolétaires doivent, par leurs capacités, prendre place dans le lycée d'une petite ville, c'est que trente enfants des classes aisées, mais moins aptes, leur cèderont la place. Les exclus iront renforcer l'Enseignement libre, c'est-à-dire religieux dans la plupart des cas, si l'on n'établit pas le monopole de l'Enseignement. Inutile de dire que ce monopole d'Etat ne nous dit rien qui vaille et que nous sommes partisans d'une véritable liberté de l'Enseignement. Cependant, imaginez les résultats d'une Ecole unique sans monopole : tel fils d'usinier se verra sans doute préférer le fils de l'un des ouvriers de son père et sera par suite obligé de poursuivre ses études avec l'aide de maîtres de l'enseignement libre ; au bout de quelques années, il est probable qu'il sera moins capable que l'autre enfant de diriger l'entreprise paternelle ; mais, à moins d'être tout à fait un cancre, il pourra la diriger tout de même tandis que, malgré ses études supérieures, le fils d'ouvrier devra se contenter de postes subalternes, ou faire un déclassé, parce que la plupart des bonnes places resteront dans les mains des fils à papa, des neveux, cousins, etc...Parfois, cependant, un petit prolétaire parviendra à. une situation mieux en rapport avec ses aptitudes ; mais, presque toujours, ce sera au prix du reniement de sa classé et, en définitive, son accession à la classe supérieure consolidera l'inégalité sociale.
En résumé, il est utopique de croire qu'une société basée sur l'inégalité sociale réalisera une véritable égalité des enfants devant l'instruction, car l'inégalité sociale renforce l'inégalité naturelle des capacités et la fortune, plus que les capacités, ouvre la porte des situations les meilleures. Cependant si l'inégalité ne peut disparaître tout d'un coup ni tout à fait, on peut espérer qu'elle s'atténuera peu à peu. A certains égards même, la classe privilégiée nous parait travailler à détruire son privilège. C'est ainsi qu'en s'efforçant de trouver des spécialistes pour ses usines, de réaliser l'orientation professionnelle, la classe capitaliste non seulement fournit un argument en faveur de la sélection des capacités, mais encore contribue à la recherche des moyens d'opérer une telle sélection. Nous reviendrons plus tard sur la question de l'orientation professionnelle mais nous pouvons faire observer dès maintenant que, bien faite, elle devrait : 1° permettre de fournir à chaque profession (manuelle ou non) les travailleurs d'élite dont elle a besoin et à chaque postulant un emploi ; 2° guider les mieux doués, aptes à diverses professions vers celle qui exige, avec le plus d'aptitudes spéciales, le maximum d'intelligence.
Ecole unique et orientation professionnelle nouent le problème de la sélection des élites. Quand et comment cette sélection devra-t-elle être faite? Certaines aptitudes se manifestent tardivement et ce n'est qu'après la puberté que l'on pourra vraiment juger si des enfants seront aptes à des écoles supérieures.
Devrons-nous donc faire la sélection après 15 ou 16 ans comme le voudraient quelques-uns? Il semble raisonnable de croire qu'on devra sélectionner à ce moment, mais ce serait certainement une erreur de croire qu'on ne doit pas sélectionner plus tôt. Non pas seulement parce que certaines études, le latin par exemple, demandent à être connues hâtivement, mais parce qu'il importe qu'avant cet âge les élites ne perdent pas leur temps. Dans certaines communes de la Suisse romande, une sélection se fait à sept ans, qui permet de trier les élèves des écoles en trois classes : anormaux, retardés et normaux ; les bons élèves des classes de normaux doivent parcourir le programme primaire en 4 années au lieu de 5, si bien qu'à onze ans cette élite doit choisir entre l'école secondaire qui conduit aux facultés et l'école primaire supérieure qui se continue par les écoles techniques. Cependant, ce dernier mode de sélection ne nous satisfait pas mieux que le premier ; il est beaucoup plus favorable aux enfants précoces qu'aux enfants vraiment bien doués.
Comment donc faire pour ne pas écarter une partie des élites sans perte de temps?
Evidemment l'individualisation de l'enseignement, l'école sur mesure, fournissent la meilleure solution de ce problème, si, de plus, on procède prudemment par sélections successives et de plus en plus serrées. Dès l'âge de 6 à 7 ans, on peut écarter les anormaux et les retardés ; une nouvelle sélection s'impose entre dix ou onze ans, pas trop sévère non plus et avec une organisation scolaire assez souple pour permettre d'en corriger les résultats au besoin ; enfin ce n'est que vers 15 ou 16 ans que doivent se placer les épreuves définitives pour les enfants se destinant aux études supérieures. Je dis épreuves et non examens, car les examens actuels tiennent moins compte des aptitudes réelles que de la mémoire des candidats. Je touche là à une des difficultés de réalisation de l'Ecole unique. Ce n'est que depuis peu que l'on se soucie vraiment de la préparation de telles épreuves, c'est-à-dire des tests professionnels et des tests psychologiques et il ne s'agit pas seulement de reconnaître les aptitudes de chaque enfant, mais aussi de bien connaître celles qui sont nécessaires pour l'exercice convenable de chaque profession. Toutes ces questions sont activement étudiées depuis quelques années et leur solution ne sera certainement pas sans influence sur la réalisation de l'Ecole unique. D'autres causes encore influeront certainement dans le même sens et je veux seulement en signaler une dont l'importance me paraît encore aujourd'hui méconnue. L'école deviendra plus active et en particulier l'activité manuelle y occupera une plus large place. D'abord, parce que, dans un monde plus actif, plus industriel, plus scientifique, l'école ne peut qu'évoluer et s'écarter davantage de la scholastique moyenâgeuse. Ensuite, parce que les progrès de la psychologie et de la pédagogie nous démontrent aujourd'hui l'importance de l'activité et en particulier de l'activité manuelle pour le développement des facultés logiques et de la volonté. Par suite, la différenciation des études dans l'enseignement primaire devra naître, non plus d'une différence dans les buts poursuivis, professionnels ou de culture, mais de la différence des aptitudes individuelles ; or, c'est précisément là un des buts que poursuivent les partisans de l'Ecole unique.
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L'Ecole de l'avenir. Plus d'un penseur a bâti cette école en utopie et en uchronie. En 1891, un socialiste anglais, W. Morris, publiait ses « Nouvelles de nulle part », oeuvre d'imagination où nous trouvons un tableau de l'éducation des temps futurs. Point d'écoles et cependant « la plupart des enfants, voyant des livres autour d'eux, parviennent à lire quand ils ont quatre ans ». Tout aussi facilement et aussitôt ces enfants apprennent l'anglais, le français, l'allemand, le gallois, l'irlandais, le grec, le latin, etc. Ne croyez pas que cet etc. renferme une langue internationale : espéranto, ido où autre, W. Morris n'a point songé à cela. Incontestablement le socialiste anglais manquait de connaissances psychologiques sérieuses et, au point de vue qui nous occupe, son oeuvre d'imagination est tout à fait fantaisiste ; Un anarchiste belge, Elslander, a lui aussi tenté d'imaginer ce que serait une éducation rénovée. Moins fantaisiste que Morris, il nous trace le tableau d'une école idyllique qu'il baptise Novella. A vrai dire Novella est une ferme dans laquelle les enfants vivent actifs et joyeux. Au contraire des enfants de « nulle part », ceux de Novella n'apprennent pas à lire et à écrire avant dix ans. Ce seul détail de l'apprentissage de la lecture nous permet de saisir le gros défaut des oeuvres dont nous venons de parler brièvement. Ni W. Morris, ni Elslander ne placent l'époque d'apprentissage de la lecture au moment le plus favorable ; l'un fait apprendre à lire à des enfants qui en sont encore incapables et l'autre laisse passer le moment le plus favorable - 6 à 8 ans - pour cet apprentissage. Avoir beaucoup d'imagination ne suffit donc pas pour imaginer ce que pourra être l'école de l'avenir. Pour cela il faut connaître les progrès qui ont déjà été réalisés ou qui se réalisent peu à peu chaque jour dans tous les coins du globe. Ce n'est pas par souci d'historien que nous avons parlé de ces progrès dans les pages qui précèdent, mais parce que leur connaissance peut aider à imaginer une école meilleure. Si la psychologie de l'enfant et la pédagogie expérimentale sont des sciences encore trop peu avancées pour nous permettre certaines précisions de détail, elles peuvent cependant nous apporter une aide tout aussi, précieuse que la connaissance du progrès accompli ou en cours. Il est certain, par exemple, que l'école continuera de tenir de plus en plus compte des intérêts enfantins, que de plus en plus elle s'efforcera d'être l'école sur mesure, celle qui s'adapte à chaque enfant, à ses goûts et à ses aptitudes. Ceci nous permet de penser que les écoles se différencieront de plus en plus, permettant la sélection des élites, l'orientation professionnelle, comma aussi le maximum d'éducation et d'instruction possible pour les plus mal doués. Déjà et de plus en plus, les éducateurs s'efforcent d'accroître la valeur individuelle de leurs élèves en cultivant leur spontanéité et en favorisant leur initiative. Mais comment pourra-t-on parvenir à favoriser ainsi ce libre épanouissement des natures enfantines? En plaçant les enfants dans un milieu convenable et en leur assurant une bonne éducation par l'action concertée et éclairée des parents et des pédagogues. Pour le petit enfant, le milieu convenable n'est pas la ville. Les musichalls, les cinémas, les étalages, la circulation, appartiennent à une civilisation trop avancée qui n'est pas à la mesure des enfants. Ce qu'il faut, c'est un milieu naturel, vivant, qui fournisse aux enfants mille occasions d'agir sans trop de dangers, d'observer et d'expérimenter, où l'éducateur trouvera de nombreux prétextes pour faire penser, parler, dessiner, écrire, lire, calculer, etc. L'école de l'avenir sera à la campagne, la culture, l'élevage ; les promenades permettront de voir la nature, d'observer les métiers simples, les machines les moins compliquées, les matières brutes, etc... Dire que ce milieu convient le mieux au développement corporel et mental des enfants, cela suppose que l'école ne sera plus une prison, que le bâtiment scolaire sera un abri contre les intempéries, un atelier pour divers travaux et que la classe se fera souvent au dehors.
Pénétrons dans un de ces bâtiments. Le pédagogue n'étant plus celui qui surveille, commande, punit, fait des leçons, mais le compagnon plus âgé qui observe les enfants pour bien savoir ce qui leur convient, qui met sur leur chemin des occasions d'efforts fructueux, qui stimule et entraîne à l'occasion, ne trône plus dans un de ces massifs bureaux nécessaires aux pions de jadis. Ici, les élèves sont libres. Les plus jeunes préfèrent travailler seuls le plus souvent ; mais les plus âgés s'associent librement et forment presque toujours de petits groupes qui se répartissent une oeuvre collective formant ainsi l'image d'une société en miniature. Cette organisation vivante et libre suppose un tout autre arrangement des classes, permettant des déplacements faciles, car de temps en temps l'un ou l'autre doit venir trouver le maître pour demander aide ou conseil, ou s'adresser à l'un de ses condisciples, ou aller chercher ailleurs un objet dont il a besoin. Ceci n'est possible qu'avec des locaux vastes et variés. Il en faut pour les travaux de ménage, pour ceux du bois, etc. On écrit, on lit, et on calcule ainsi dans notre école, on y écoute aussi le maître, bien qu'assez souvent ce soit un élève qui, ayant fait des recherches à propos d'un sujet d'étude - dans les livres de la bibliothèque ou au dehors - vient exposer à tous le fruit de ses travaux. Mais tout cela n'est plus l'occupation principale ; aussi, en place des tables de jadis, on a disposé des
planches sur des tréteaux et chaque enfant a son siège individuel. Les tables ainsi faites ne sont plus disposées face à la place du maître. La place du maître est tantôt ici, tantôt là, mais toujours où il y a besoin d'aider ou de stimuler quelqu'un. Ces tables, dis-je, sont placées en fer à cheval ou de toute autre façon, pourvu que leur disposition dans la vaste salle favorise l'activité tranquille des écoliers. La salle n'est pas seulement vaste parce qu'elle doit permettre des évolutions faciles, mais aussi parce que, devant fournir de multiples occasions d'activité, elle renferme un riche matériel. Je ne veux pas dire par là que ce matériel est coûteux ; sa richesse, c'est son abondance, ce sont ses possibilités d'utilisation qui le font riche et précieux à mes yeux. Tout au contraire les maximes murales et tant de tableaux muraux qui ont fait la fortune de tant d'éditeurs ont été bannis de notre classe. Cette classe est la salle des enfants et, si des rayons supportent de nombreux volumes, si on y trouve encore quelque matériel acheté, la plupart des objets que nous y pouvons voir ont été trouvés ou fabriqués par les enfants. L'ornementation des murs est leur oeuvre Ils ont trouvé la salle presque nue avec des consoles et des étagères nombreuses et facilement accessibles. Ils ont aussi trouvé quelques caisses et les grands ont contribué à enrichir ce mobilier par leurs propres travaux : classeurs où seront recueillis des images et des articles découpés dans des journaux ou des revues, boîtes en carton pour les collections, etc... Tous ces travaux ont évidemment nécessité quelque réflexion, des dessins, des calculs, etc... Parfois les parents des élèves ont apporté leur contribution : le charpentier une collection de bois, le charron une petite roue non serrée par le fer, etc. ; et ceci a contribué à établir le lien nécessaire entre l'école et la famille. L'Ecole, en effet, loin de vouloir supprimer l'influence, familiale, s'efforce de lui restituer sa pleine valeur. Pédagogues et parents collaborent à l'éducation de la jeunesse. Je ne veux point allonger inutilement cette étude ; mais cependant avant d'y mettre le point final et de l'envoyer pour compléments aux mots éducation, instruction, etc., je tiens à attirer l'attention du lecteur sur un fait. Cette école de l'avenir, que je viens de dépeindre, n'est pas une utopie. Si, parcourant le vaste monde, le voyageur visitait successivement la Maison des petits de l'Institut J.-J. Rousseau, à Genève, l'Orphelinat rationaliste et l'Ecole de l'Ermitage à Bruxelles, le gymnase de Bogota dans l'Amérique du Sud et d'autres écoles encore qui se multiplient peu à peu, il pourrait constater que je n'ai fait que rassembler, en mon tableau de l'Ecole de l'avenir, des fragments des écoles d'aujourd'hui. Pour « l'enfance heureuse et libre » que rêva Ferrer, il ne cesse de se créer des écoles et ce nom est une raison d'espérer.
-E. DELAUNAY.

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