vendredi 7 décembre 2018

Enquête sur la vertu et le mérite Par Cooper, Anthony Ashley, comte de Shaftesbury




« De là cette inquiétude connue des esprits avides et assoiffés, quels que soient l’état et le degré de fortune dans lesquels ils se trouvent car ils ne connaissent aucune satisfaction réelle ou profonde mais une sorte d’insatiabilité propre à cette (A.265) condition. En effet, il est impossible qu’il y ait une réelle jouissance qui ne peut être que la conséquence d’un appétit naturel et juste. Quand, à cause de l’avidité et de l’ambition, le désir est toujours présent et qu’il ne peut se satisfaire de ce qu’il obtient, nous n’appelons pas volontiers cela une jouissance de la richesse et de l’honneur. Contre ce vice qu’est l’AVIDITÉ, on a assez continuellement dit dans le monde et selon notre façon habituelle de parler qu’un tempérament avide est en réalité la même chose qu’un tempérament misérable. »

« Il est en même temps évident que plus l’égoïsme se développe en nous, plus doivent se développer une certaine subtilité, une certaine dissimulation dans le comportement, attitudes qui accompagnent naturellement l’égoïsme. C’est ainsi que nous perdons la candeur et l’ingénuité de notre nature, la tranquillité et la liberté de l’esprit et, aussi, d’une certaine manière, toute fidélité et toute confiance. Les soupçons, les jalousies et les envies se multiplient. Chaque jour se forment en nous avec plus de force des buts séparés et un intérêt séparé ; les vues générales et les motifs généraux sont mis à l’écart. Plus sensiblement nous sommes disjoints de la société et de nos semblables, pire est l’opinion que nous avons de ces passions sociales 104 qui nous lient aux autres dans une alliance et une concorde étroites. Sur ces points, nous devons bien évidemment nous efforcer au silence et nous devons supprimer nos affections bonnes et naturelles puisqu’elles sont telles qu’elles nous porteraient au bien de la société contre ce que nous imaginons naïvement être notre bien et notre intérêt privés, comme nous l’avons montré. »
« De ce genre est cette DELECTATION INHUMAINE et CONTRE NATURE à assister à des supplices et à voir la détresse, les calamités, le sang, les massacres et les destructions avec une joie et un plaisir particuliers. Cette passion a été la passion dominante de nombreux tyrans et des nations barbares et elle appartient en quelque degré à ces tempéraments qui ont rejeté cette courtoisie de conduite qui nous maintient dans un juste respect du genre humain et prévient le développement de la dureté et de la brutalité. Cette passion est absente là où la civilité et les moeurs affables ont la moindre place. Telle est la nature de ce que nous appelons la bonne éducation qui n’admet pas, entre autres corruptions, l’INHUMANITÉ, le plaisir barbare. Voir la souffrance d’un ennemi avec une délectation cruelle peut provenir de
l’importance de la colère, du désir de se venger, de la peur ou d’autres passions privées mais se délecter de la torture et des souffrances d’autres créatures qui nous sont indifférentes, compatriotes ou étrangères, de notre espèce ou d’une autre espèce, de notre parenté ou non, connues ou inconnues, se repaître, pour ainsi dire, de la mort et se divertir de l’agonie, il n’y a rien en cela qui puisse se justifier par l’intérêt ou le bien privés déjà mentionnés. C’est totalement et absolument contre nature, horrible et misérable ».



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