L'ensemble
des moyens ayant pour objet de déterminer, chez les humains des deux
sexes, des habitudes d'hygiène rationnelle et de prévoyance
sociale, pour ce qui concerne les organes de la génération, et les
fonctions de la reproduction. Cette éducation est d'une importance
extrême, dont sont encore loin de se douter, au vingtième siècle,
nombre de gens pour lesquels les choses de la sexualité ne
représentent d'autre intérêt que celui qui s'attache à des sujets
grivois. Ce n'est pas seulement la préservation individuelle et le
bonheur conjugal qui sont en jeu, mais l'avenir de l'espèce et de la
société. Pourtant, jusqu'à présent, cette partie si importante de
l'éducation a été la plus négligée, on peut dire : la plus
méprisée de toutes, par suite d'absurdes préjugés d'origine
religieuse. En présentant l'acte d'amour hors mariage comme une
faute abominable, la nudité jeune et saine comme impudique, les
organes de la génération comme honteux, et la volupté telle un
divertissement d'enfer, la pudibonderie chrétienne n'a opposé aux
excès qu'un faible correctif. Elle a favorisé principalement le
vice solitaire, les déviations morbides, et la fourberie. Le
rigorisme tout d'apparence qu'elle a engendré dans les moeurs n'a
guère contrarié dans leurs ébats privés les gens des classes
dirigeantes, mais causé, parmi les faibles et les sincères, une
somme incalculable de souffrances inutiles, de remords injustifiés,
de suicides et de crimes, à la fois pitoyables et grotesques. Les
données principales sur lesquelles se fonde l'éducation sexuelle,
scientifiquement comprise, peuvent être résumées dans les
propositions suivantes : 1° Moralités générales. Il n'est pas,
dans l'être humain, de fonction condamnable ni d'organes honteux.
Ceux qui assurent la perpétuation de l'espèce ne sont pas moins
dignes d'estime que ceux qui assurent la conservation de l'individu.
Le désir charnel n'a pas pour origine le vice, mais les exigences
physiologiques des organes reproducteurs lesquels, parvenus à
maturité, réclament, à l'âge nubile, l'accouplement indispensable
à la vie de l'espèce, comme les poumons et l'estomac réclamaient,
dès la naissance, les aliments et l'air indispensables à la vie de
l'enfant. Le vice n'est pas dans la recherche de l'accouplement à
cause de la volupté qui en résulte, mais dans les excès qui
peuvent en être la conséquence. Et l'on n'est fondé à prétendre
qu'il y a excès que là où sont constatés médicalement, et comme
effets durables : un affaiblissement sensible de l'intelligence, une
moindre résistance de l'organisme, ou bien une dégénérescence de
l'espèce. Même lorsqu'il n'a pas pour but l'enfantement, l'amour
sexuel, lorsqu'il ne nuit à personne, trouve dans le bonheur qu'il
procure sa poésie et sa justification. Aimer d'amour sexuel, même
sans l'assentiment de la magistrature et du clergé, n'est pas une
faute, encore moins un crime. Les suites graves qui peuvent en
résulter, particulièrement pour la femme, ne sont pas imputables à
l'amour, mais bien à l'hypocrisie féroce et à l'organisation
déplorable de notre société. 2° Hygiène individuelle et
familiale. Le mystère fait aux enfants, quant aux fonctions de la
génération, a pour conséquence d'exciter leur curiosité, et de
les amener à acquérir clandestinement, d'une manière incomplète
et dangereuse, auprès de condisciples dépravés, les explications
qui auraient pu leur être données scientifiquement, pour leur plus
grand bien, en insistant sur le danger de certaines pratiques. Il
appartient aux éducateurs d'instruire, progressivement et avec tact,
les enfants et les adolescents. D'abord sur l'utilité de la propreté
intime ; ensuite sur l'accouchement ; enfin, sur l'acte procréateur,
les suites qu'il entraîne, et les dangers de contagion auxquels il
expose. La méticuleuse propreté des organes génitaux, grâce à
des lavages journaliers, est une condition de santé. Pour l'enfant,
parce que la négligence à cet égard est cause de démangeaisons
qui occasionnent, à leur tour, de mauvaises habitudes. Pour les
adultes, parce que ce manque de soins est éminemment favorable à la
propagation des maladies vénériennes et de la syphilis. Etre
parfaitement net, des pieds à la tête, et pas seulement sur le
visage et les mains, est - surtout dans les relations amoureuses -
une clause élémentaire de respect de soimême et des autres. La
propreté n'est pas toujours suffisante pour conférer l'immunité,
en cas de rapports suspects ou d'accouplements de hasard. Pour
obtenir le maximum de garanties, il faut lui adjoindre des moyens de
préservation qui sont : l'usage d'un condom pendant l'acte, ou bien,
après l'acte, et en cas de rupture du condom, le recours à des
injections et lavages avec une solution antiseptique, auxquels on
peut ajouter, par surcroît, mais d'une façon occasionnelle, sans
excessive fréquence, l'usage de la pommade de Metchnikoff, ou
quelqu'un des produits qui en sont dérivés. Les maladies
vénériennes et la syphilis ne sont pas des maladies honteuses. Ce
n'est pas la débauche qui les engendre, mais l'infection. Celle-ci
est favorisée par les contacts intimes au cours des ébats amoureux.
Mais ces derniers ne sont pas indispensables à la transmission du
virus, dont peuvent être victimes des personnes parfaitement
chastes, et même des enfants nouveau-nés. Apprendre aux jeunes gens
des deux sexes à se défendre contre ces maladies, dont les
conséquences, lorsqu'elles ne sont pas soignées à temps, peuvent
être fort graves pour l’homme, comme pour la femme, et leur
progéniture, ce n'est pas pervertir la jeunesse, mais la prémunir
contre un redoutable danger. 3° Procréation consciente. Goûter le
plaisir d'amour n'est pas une faute. Ce qui est condamnable, c'est de
procréer bestialement, au hasard, sans souci de la santé ou de la
sécurité de la mère, ni de ce que deviendront les enfants. La
santé et la sécurité de la mère doivent être prises tout d'abord
en considération : il est des cas où, par suite soit de maladie,
soit de malformation, la maternité comporte, pour la femme, un péril
de mort, tout au moins de graves complications. D'autre part, dans
notre organisation sociale où la maternité pauvre est si mal
secourue, la venue d'un enfant, pour une femme abandonnée, ou bien
sans ressources suffisantes, représente trop souvent : pour le
nourrisson, la maladie et la mort ; pour celle qui le berce,
l'acheminement vers la prostitution, le suicide, ou l'extrême
misère. La liberté de l'amour, et la recherche d'un plaisir très
légitime en soi, ne doivent point servir de prétexte au rejet de
tous scrupules. Les enfants ressemblent physiquement et moralement à
ceux qui les ont mis au monde. Ils héritent de leurs qualités, mais
aussi de leurs tares. Ils portent même l'empreinte des dispositions
plus ou moins heureuses dans lesquelles se trouvaient les géniteurs
au moment de la conception. Il ne faut donc point se mettre dans le
cas d'avoir des enfants tant que l'on est malade, affaibli, en état
d'ivresse, ou sous l'influence d'une intoxication, si l'on se fait un
cas de conscience de ne donner le jour qu'à des êtres sains, utiles
et intelligents. Les jeunes gens, particulièrement les jeunes
filles, devraient apprendre de bonne heure quelles sont les
conditions nécessaires à une bonne procréation, et de quels soins
éclairés doivent être l'objet les tout petits, dont l'existence
fragile est si souvent compromise par la persistance de coutumes
malpropres et de dictons absurdes. Ils devraient être éveillés à
la conscience de leurs futures responsabilités à l'égard de la
génération qui leur succédera. L'amour n'est profitable et pur que
lorsqu'il ne sème ni douleurs ni déchéances. La paternité comme
la maternité ne se justifient que par le désir de créer à la fois
du bonheur et de la beauté.
-
Jean MARESTAN.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire