Dans
cette pièce, d'une psychologie pénétrante, Henri Lavedan nous
présente un prêtre et un savant qui se disputent l'âme d'une femme
croyante et passionnée. Ces deux hommes sont frères mais, en raison
de leurs idées opposées, ils avaient abandonné toute relation.
Placés l'un en face de l'autre par le hasard, ils se livrent un
terrible duel ; l'un, pour asservir une femme à la religion ;
l'autre, pour la délivrer de l'emprise de Dieu et la rendre à la
vie et à l'amour. C'est un drame poignant, d'une réelle profondeur
et marqué d'une remarquable impartialité.
DUEL
n. m. (du latin duellum, formé de duo, deux, et de bellum,
guerre)
Dans
l'ancienne législature, le duel était un combat entre deux
personnes dont l'issue 'était admise comme preuve juridique dans les
questions douteuses. Ex. : lorsque deux individus se querellaient
pour un objet ou un sujet quelconque et en appelaient à la justice
pour régler le différend qui les divisait, il arrivait parfois que
le magistrat, ne sachant en faveur duquel des plaignants se
prononcer, leur ordonnait de se battre. Celui qui sortait victorieux
du combat singulier était considéré comme ayant légalement
raison. La force et l'adresse étaient des preuves convaincantes des
droits que l'on avait sur l'adversaire. Le Français, batailleur et
querelleur par excellence, a toujours eu la manie du duel et celui-ci
était si répandu au XVIe siècle, que Montaigne écrivait: «
Mettez trois François aux déserts de Libye, ils ne seront pas un
mois ensemble sans se harceler et s’esgratigner ». A différentes
époques, de sévères ordonnances furent rendues et, plus
particulièrement, par Louis XIV, pour mettre fin à ces moeurs
ridicules. Elles n'eurent aucun effet, le duel subsista et il existe
encore de nos jours. En vertu des us et coutumes et des préjugés
aristocratiques qui veulent que les insultes soient lavées dans le
sang, ces messieurs de la bourgeoisie se battent en duel chaque fois
qu'ils estiment avoir subi un affront. Drôle de conception de l' «
honneur », en vérité ; mais, comme en toutes choses, les
possesseurs de la fortune sont des privilégiés qui peuvent tout se
permettre et, si le duel est interdit par la loi, le duelliste
bénéficie toujours de l'indulgence des magistrats. Pour nous, il
n'y a aucune différence entre le duel aristocratique et bourgeois,
qui se pratique au Bois de Boulogne avec la complicité de la police,
et celui du souteneur qui se pratique dans les rues obscures de la
capitale. Nous n'avons pas cette subtilité qui consiste à trouver
plus noble de s'entretuer au revolver et à l'épée qu'au couteau et
s'il nous fallait chercher des excuses à ceux qui perpétuent de
telles moeurs, toute notre pitié serait réservée pour l'ignorant
et l'imbécile, et non pas pour le bourgeois qui se prétend
instruit, éduqué, évolué et qui, en réalité, ne s'est pas
libéré de la barbarie ancestrale. Il est vrai que ce n'est pas la
raison qui dirige les hommes en notre siècle de science et de
progrès et, si le souteneur est condamné lorsqu'il blesse ou
supprime un de ses semblables, son geste est considéré comme un
meurtre ; le bourgeois, lui, au contraire, est honoré lorsqu'il
enfonce quelques centimètres d'acier dans la peau d'un autre
bourgeois. C'est ce qu'on appelle en France la «justice égale pour
tous ». Le bourgeois, cependant, y met certaines formes, lorsqu'il
décide d'assassiner un adversaire. A titre documentaire, nous
empruntons au « Larousse », bien informé en matière de préjugés,
certains articles du Code du duel : -Duel à l’épée : les lames
doivent être lisses, droites, triangulaires, sans défauts. Les
adversaires sont visités par les témoins avant le combat. Au
commandement de : « Allez, messieurs! », le combat commence ; il
doit cesser au moment indiqué par les conventions, ainsi que toutes
les fois que le directeur prononce le mot : « Halte ! ». - Duel au
pistolet : les armes, inconnues aux adversaires, sont apportées,
chargées et scellées, dans une boîte. Le directeur commande «
Attention ! » puis : « Feu! Un, deux, trois! ». Les adversaires
doivent tirer entre les mots un et trois. La distance entre les
combattants est de 16 à 24 mètres. Le nombre des balles à échanger
ne dépasse pas normalement six (trois par adversaire). Lorsque l'un
des adversaires est blessé « l'honneur est lavé », « l'honneur
est sauf » ; n'est-ce pas charmant et ridicule ? Il est bien rare,
cependant, que, de nos jours, les duellistes se fassent beaucoup de
mal, car, à la première éraflure le combat est arrêté par les
témoins et ordinairement, après s'être quelque peu égratigné
l'épiderme, les adversaires se réconcilient sur le terrain. Le duel
n'est, bien souvent, qu'une source de publicité et en tous cas,
quelles qu'en soient les causes, il n'est pas intéressant et les
duellistes encore moins. Combien plus terrible que ces moeurs
d'opéra-comique est le duel que se livrent parfois notre sensibilité
et notre raison. Ne sommes-nous pas en proie, anarchistes, à une
lutte constante avec nous-mêmes et notre vie, par l'ambiance, par la
contrainte que nous subissons, n'est-elle pas en éternelle
contradiction avec notre pensée, nos désirs et nos espérances ?
Chaque fois qu'il faut se défendre contre la violence que nous
combattons, qu'il nous faut répondre par les mêmes coups à ceux de
nos adversaires, si nous ne voulons pas succomber, il se livre en
nous ce duel profond qui met aux prises nos sentiments d'affection,
de paix, d'amour et la nécessité dans laquelle nous nous trouvons
d'opposer notre force à celle de nos ennemis. Heureusement que
l'instinct de conservation nous soutient et que notre raison sort
généralement victorieuse de cette bataille intérieure ; sans quoi,
nous serions bientôt écrasés, laissant le champ libre à tous les
organismes de réaction et de domination sociale. C'est un duel à
mort que nous avons engagé avec la bourgeoisie ; les coups répétés
que nous lui avons portés l'ont quelque peu ébranlée, ses assises
ne sont plus aussi solides ; seule 1a façade résiste encore et
conserve une apparence de puissance. Demain, la forteresse
s’effondrera entièrement, mettant fin au duel que se livrent
depuis des siècles les asservis et les oppresseurs, et les hommes,
unis et heureux, pourront vivre enfin en toute fraternité.
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