dimanche 16 décembre 2018

Essais livre 1 De Montaigne




« Je suis peu sujet à ces violentes émotions. Je suis de nature peu sensible, et je renforce tous les jours ma carapace en raisonnant ».

« Je me fie aisément à la parole d’autrui. Mais je le ferais malaisément si je devais par là donner à penser que je le fais par désespoir, ou par manque de courage, plutôt que librement et par confiance en sa loyauté ».

« Mais ce que j’ai vu de mes propres yeux, par contre, c’est que dans les troubles de la société, les hommes, frappés de stupeur par ce qui leur arrive, recherchent dans le ciel, comme dans toutes les superstitions, les causes et les signes annonciateurs de leurs misères. Mais je préfère jouer ma vie aux dés que de les confier à des balivernes ».

« Mais ils y ont beau jeu, car à ce langage obscur, ambigu et fantastique des textes prophétiques, leurs auteurs ne donnent aucun sens clair, afin que la postérité puisse lui appliquer celui qui lui conviendra ».

« Pour moi, j’oublie souvent l’un et l’autre de ces vains devoirs, comme je retranche de ma maison, autant que je le puis, toute cérémonie. Quelqu’un s’en offense. Qu’y puis-je ? Il vaut mieux que je l’offense une fois que de me faire offense à moi même tous les jours !... Ce serait un esclavage permanent. A quoi bon fuir la servitude des cours, si c’est pour la ramener jusque dans sa tanière? »

« Ce n’est pas seulement chaque pays, mais chaque cité et chaque métier qui a son cérémonial particulier. J’y ai été soigneusement éduqué dès l’enfance, j’ai vécu en assez bonne compagnie pour ne pas ignorer les règles de notre politesse française, et je pourrais même les enseigner. J’aime les suivre, mais pas de façon si craintive que ma vie en soit prisonnière. Elles ont quelques aspects pénibles, mais ceux-là, si on les oublie délibérément, et non par erreur, on n’en est pas moins distingué pour autant. J’ai vu souvent des hommes impolis par trop de civilités, et devenir importuns à force de courtoisie ».

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