On
désigne sous ce nom les persécutions exercées contre les
calvinistes, entre 1685 et 1715, et qui furent ordonnées par le
Roi-Soleil : Louis XIV. Elles débutèrent sitôt la révocation de
l'Edit de Nantes qui, rendu en 1598, par Henri IV, mit fin aux
guerres de religions en accordant aux protestants la tolérance des
places de sûreté et l’autorisation de se livrer à l'exercice de
leur culte. Les défenseurs du « grand siècle » ou plutôt du «
grand roi » prétendent que celui-ci céda à l'influence
pernicieuse de Mme de Maintenon et des Jésuites en organisant les
Dragonnades. Il est possible que la veuve de Scarron, qui se
prostitua au monarque pour échapper à la misère qui la menaçait
et qui devint plus tard la reine « morganatique » de France,
dévorée d'ambition, dénuée de scrupules, ait poussé son «
auguste » maître au massacre des protestants pour faire oublier ses
attaches passées avec les calvinistes ; mais cela n'excuse pas les
crimes dont Louis XIV conserve toute la responsabilité. En
supprimant, un à un, tous les droits consentis aux protestants, en
poursuivant une politique de rigueur et d'arbitraire, Louis XIV
devait plonger fatalement ses mains dans le sang. Lorsque, après
près de cent ans de paix intérieure, le 17 octobre 1685, l'Edit de
Nantes fut définitivement révoqué, la guerre civile recommença.
Les protestants fortunés quittèrent le pays, transportant leurs
industries sur des terres plus hospitalières. Mais l'exil n'était
pas permis à tous et ceux qui restèrent furent contraints de subir
la violence dont ils furent écrasés. Afin d'établir l'unité
religieuse et convertir les protestants, sur le conseil de Louvois,
on ne trouva rien de mieux que d'envoyer en garnison chez les adeptes
de la religion réformée, des soldats de cavalerie, alors appelés
dragons, qui se comportèrent, chez leurs hôtes forcés, de façon
abominable. Tout leur était permis. Assassinant les hommes, frappant
les enfants, violentant les femmes, ils répandirent la terreur et la
crainte et, pour échapper à l'obligation de les loger, un certain
nombre de protestants se convertirent. Cependant, dans les Cévennes,
la cruauté et l'intransigeance de l'intendant Basville déchaînèrent
la révolte. Les Camisards, ainsi appelés car ils portaient, pour se
reconnaître, une blouse blanche, semblable à une chemise, prirent
les armes pour défendre leur indépendance religieuse et leur
liberté. La lutte fut rude. En 1702, on envoya contre eux le
maréchal de Montrevel ; mais, celui-ci ne put les réduire. En 1704,
ce fut le maréchal de Villars qui arriva à les soumettre en
traitant avec un de leurs généraux, mais la plupart des chefs
périrent dans les supplices plutôt que de se rendre. A côté des
dragons, faisant leur triste métier de soldats, en se livrant à des
atrocités sans nom, on vit des hommes d'Eglise montrer, dans cette
lutte religieuse, une férocité sans précédent. Des prêtres, des
moines, s'organisèrent (en vertu d'une Bulle du Pape Clément) et
participèrent au carnage, à côté des troupes royales. Tout était
bon pour réduire le protestant. On enrôla des voleurs de grand
chemin qui pillèrent et rançonnèrent leurs victimes et l'on peut
dire que, dans l'histoire criminelle de Louis XIV, les dragonnades
sont les pages les plus terribles et les plus sanglantes. Après dix
ans de lutte inégale et de sacrifices sans nombre, le courage des
protestants dut céder devant la force et la puissance de
l'adversaire ; ils furent vaincus. Mais, de nos jours encore, malgré
le recul de l'histoire, dans certaines contrées du Midi, on
conserve, vivace, la haine du catholique, qui se transmet de père en
fils. Les cicatrices creusées dans le corps des protestants par les
dragons du roi, ne se sont pas encore refermées et, dans les petites
villes et villages des Cévennes, durant les longues soirées
d’hiver, on raconte aux enfants les souffrances endurées par les
ancêtres. L'histoire a des revirements ; dans certains pays du
monde, la nouvelle religion s'est imposée et elle dirige à présent
les corps et les esprits. En Angleterre, par exemple, le pasteur est
tout puissant ; le protestantisme a triomphé. Est ce en souvenir de
la barbarie exercée par les catholiques que le peuple anglais reste
indifférent au supplice que subit le peuple irlandais? Nous savons,
certes, que derrière le manteau religieux duquel se couvrent
certains politiciens, il y a autre chose ; mais en façade, la guerre
entre l'Irlande et l'Angleterre est une guerre religieuse et le
peuple anglais devrait, lui, si fier de sa « liberté », comprendre
que d'autres ont droit à une « liberté » au moins égale. Toutes
les religions se valent et n'engendrent que la pauvreté et la
misère. Les dragonnades de Louis XIV se manifestent sous un autre
nom de nos jours encore. Il y a dix ans à peine, les pogroms
organisés en Russie par le gouvernement et exécutés par les
cosaques n'étaient pas autre chose que des dragonnades. Et même,
dans des contrées qui se targuent d'avoir atteint le plus haut degré
de civilisation, on assiste encore parfois au massacre de nègres,
dont le seul crime est d'avoir une couleur de peau différente de
celle des Yankees. Quand donc les hommes comprendront-ils qu’assez
de sang a coulé, que la terre en est inondée et qu'ils doivent
pratiquer enfin un peu d'amour et de fraternité ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire