jeudi 3 mai 2018

Journal de la Commune


Quelques jours avant la révolution du 18 mars, l’Emancipation de Toulouse
publiait l’article suivant qui fait honneur au sens politique de son auteur :


« Les nouvelles de Paris sont de plus en plus graves.
Il y a un parti pris de compromettre la paix publique et de troubler la sûreté du pays.
Il y a un complot organisé pour exciter à la haine des citoyens les uns envers les autres, et pour faire succéder à la guerre contre l’étranger la hideuse guerre civile.
Les auteurs de cette criminelle tentative sont les drôles qui se gratifient indûment du titre de « défenseurs de l’ordre, de la famille et de la propriété. »
L’un des agents les plus actifs de ce complot contre la sûreté publique s’appelle Vinoy ; il est général, et il fut sénateur.
Lorsque Trochu, après avoir prêté publiquement serment de ne jamais livrer Paris, crut que le moment, depuis longtemps attendu par lui, d’ouvrir la grande ville aux Prussiens, était enfin venu, Trochu, par un procédé familier aux jésuites de toute robe, tint son serment en le violant. Il se démit de son titre de général en chef, et le passa aux vieux podagres que la bande décembriste avait jugé digne d’être un sénateur à sa discrétion.
Vinoy ne fit rien contre la Prusse, — au contraire. On ignore pas que Chanzy ayant déclaré que la résistance était possible, même après l’armistice, Vinoy déclara, en gémissant, qu’il protestait contre la reprise des hostilités, et que, plutôt que de la voir, il irait se constituer prisonnier en Prusse.
Mais les Prussiens sont partis ; les capitulards du gouvernement de la lâcheté nationale et de l’Assemblée rurale les renvoient avec force génuflexions, gorgés de l’or de la France, propriétaires de la Lorraine et de l’Alsace, nantis, en garantie, de tous les départements de l’est.
Changement de tableau.
Ces généraux, couards devant la Prusse, deviennent aussitôt des foudres de guerre contre les Français.
Oui, il y a une conspiration contre la République et contre le peuple ; Oui, le parti de l’ordre cherche à donner à cette conspiration une issue heureuse pour lui, prochaine et sanglante.
De toutes parts, l’ouvrier demande du travail, et des garanties de salaire. On lui répond en l’insultant ; et, en quelques endroits, — à Roubaix, par exemple, — les pêcheurs en eau trouble des comités démocratiques font chorus avec la réaction.
A Saint-Etienne, au Creuzot, à Marseille, même jeu, même comédie présente, même tragédie future.
Ne voilà-t-il pas que l’on déclare maintenir les lois stupides et odieuses édictées sous les monarchies contre la liberté de réunion et d’association ?…
Et, pour comble d’impudence, ne se permet-on pas de juger et de condamner les patriotes qui au 31 octobre, à Paris, ont voulu contraindre un pouvoir lâche et sans vergogne à se rappeler enfin qu’il était censé représenter non la Prusse, mais la France — et qu’il devait enfin tenter une sortie décisive, sous peine d’être reconnu coupable de haute trahison !
Au moment où le peuple de Paris vient de reconnaître par son vote que le plébiscite de novembre fut une grave erreur ; — au moment où des hommes graves comme Peyrat avouent que l’insurrection du 31 octobre, si elle eût réussi, pouvait seule sauver la patrie, — des hommes de guerre se réunissent, et sans hésiter, condamnent les Blanqui, les Flourens et autres à la peine de mort.
Il est vrai, très honorés seigneurs que Les gens que vous tuez se portent assez bien ; mais enfin, s’ils ne se sont pas fusillés, ce n’est pas votre faute, et nous nous hâtons de prendre acte de ce que, par vous, la peine de mort, en matière politique, est rétablie. C’est un précédent.


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