Lutte
de classes refoulée
Les
mauvais coups de l’été tombent, sans répit. La droite frappe
fort, mais peut-on s’en étonner ?
Dans
le fond, elle ne fait que gérer au mieux et au moment qu’elle juge
le plus propice, les intérêts de la classe qu’elle représente.
La gauche et l’extrême gauche gémissent : “Ce n’est pas
démocratique, on nous vole notre vote !” Mais peut-on espérer,
par un vote, convaincre les possédants de partager les richesses
qu’ils s’accaparent ?
Si
cette exigence de partage faisait, en effet, partie du message du 29
mai, ce serait s’illusionner que de croire qu’au nom de
l’application vertueuse d’un principe démocratique la
bourgeoisie allait l’entendre et le mettre en oeuvre. Ce serait
occulter l’essentiel. Et, précisément, beaucoup de ceux qui
prétendent s’exprimer au nom des opprimés occultent l’essentiel.
Ou, pour être plus précis, ils le refoulent pour l’oublier. La
forme des non-dits, des paroles et des actes (manqués) qui
s’ensuivent dépend alors de la position occupée dans les
institutions et/ou sur l’échelle de la contestation. Mais presque
jamais n’apparaît l’affirmation claire et nette, qu’on ne
pourra pas faire l’économie d’un affrontement majeur avec la
bourgeoisie, qu’il n’y a que le rapport de force alors créé qui
pourrait la faire céder, que “l’autre monde” n’est possible
qu’en passant d’abord par là.
Cette
brusque et nécessaire montée du niveau de la lutte de classe ne
figure évidemment pas au programme des socialistes et assimilables
(ne parlons pas des socio-libéraux !…) : tout en constatant que le
29 mai n’a pas produit d’effets positifs pour ceux d’en bas,
ils proposent d’aller plus loin en restant sur le boulevard
électoral, comme si l’Histoire n’enseignait pas qu’il conduit
à une impasse; mais, comme ils l’ont toujours fait, ils écartent
cette leçon pour laisser le champ libre à leur fascination pour le
pouvoir (qui explique aussi, soit dit en passant, le contenu toujours
consternant
de leurs querelles et débats).
Plus
à gauche, du côté du PC et de quelques groupes d’extrême
gauche, on ne propose pas fondamentalement autre chose. Mais comme on
(s’)avoue plus difficilement qu’on brûle d’envie de s’offrir
un ou plusieurs tours sur la piste du cirque électoral - qui permet
au moins d’approcher le pouvoir ou son image - et qu’on veut
aussi montrer qu’on est plus “radical”, on dit les choses en
des termes différents. Cela donne : “Chirac démission !”. A la
prochaine fête de l’Huma, début septembre, la formule pourrait
fuser de tous les porte-voix et haut-parleurs, reléguant de fait les
luttes sur un plan secondaire.
Du
côté des syndicalistes, on ne dit que peu de chose. Des journées
d’action ont été organisées après le 29 mai et le seront après
la rentrée, évidemment sans suite et sans perspectives, sinon
celles de renforcer les appareils et leur place dans les
institutions. Et dès que vous vous permettez de critiquer cette
stratégie d’accompagnement des régressions on vous rétorque
immédiatement : “La grève générale ne se décrète pas”. On
le sait. Il n’empêche que quelque chose de cette ampleur est
nécessaire et qu’il faut le dire, sauf à laisser croire que
“l’autre monde” est accessible par une gentille concertation ou
une meilleure régulation du système dont on oublie souvent
de mentionner - encore un non-dit - qu’il est capitaliste,
probablement pour n’avoir pas à envisager une rupture présentée
comme dangereuse par l’ordre dominant et ceux qui le soutiennent.
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