lundi 21 mai 2018

Edito A contre-courant aout 2005



Lutte de classes refoulée


Les mauvais coups de l’été tombent, sans répit. La droite frappe fort, mais peut-on s’en étonner ?
Dans le fond, elle ne fait que gérer au mieux et au moment qu’elle juge le plus propice, les intérêts de la classe qu’elle représente. La gauche et l’extrême gauche gémissent : “Ce n’est pas démocratique, on nous vole notre vote !” Mais peut-on espérer, par un vote, convaincre les possédants de partager les richesses qu’ils s’accaparent ?
Si cette exigence de partage faisait, en effet, partie du message du 29 mai, ce serait s’illusionner que de croire qu’au nom de l’application vertueuse d’un principe démocratique la bourgeoisie allait l’entendre et le mettre en oeuvre. Ce serait occulter l’essentiel. Et, précisément, beaucoup de ceux qui prétendent s’exprimer au nom des opprimés occultent l’essentiel. Ou, pour être plus précis, ils le refoulent pour l’oublier. La forme des non-dits, des paroles et des actes (manqués) qui s’ensuivent dépend alors de la position occupée dans les institutions et/ou sur l’échelle de la contestation. Mais presque jamais n’apparaît l’affirmation claire et nette, qu’on ne pourra pas faire l’économie d’un affrontement majeur avec la bourgeoisie, qu’il n’y a que le rapport de force alors créé qui pourrait la faire céder, que “l’autre monde” n’est possible qu’en passant d’abord par là.
Cette brusque et nécessaire montée du niveau de la lutte de classe ne figure évidemment pas au programme des socialistes et assimilables (ne parlons pas des socio-libéraux !…) : tout en constatant que le 29 mai n’a pas produit d’effets positifs pour ceux d’en bas, ils proposent d’aller plus loin en restant sur le boulevard électoral, comme si l’Histoire n’enseignait pas qu’il conduit à une impasse; mais, comme ils l’ont toujours fait, ils écartent cette leçon pour laisser le champ libre à leur fascination pour le pouvoir (qui explique aussi, soit dit en passant, le contenu toujours
consternant de leurs querelles et débats).
Plus à gauche, du côté du PC et de quelques groupes d’extrême gauche, on ne propose pas fondamentalement autre chose. Mais comme on (s’)avoue plus difficilement qu’on brûle d’envie de s’offrir un ou plusieurs tours sur la piste du cirque électoral - qui permet au moins d’approcher le pouvoir ou son image - et qu’on veut aussi montrer qu’on est plus “radical”, on dit les choses en des termes différents. Cela donne : “Chirac démission !”. A la prochaine fête de l’Huma, début septembre, la formule pourrait fuser de tous les porte-voix et haut-parleurs, reléguant de fait les luttes sur un plan secondaire.
Du côté des syndicalistes, on ne dit que peu de chose. Des journées d’action ont été organisées après le 29 mai et le seront après la rentrée, évidemment sans suite et sans perspectives, sinon celles de renforcer les appareils et leur place dans les institutions. Et dès que vous vous permettez de critiquer cette stratégie d’accompagnement des régressions on vous rétorque immédiatement : “La grève générale ne se décrète pas”. On le sait. Il n’empêche que quelque chose de cette ampleur est nécessaire et qu’il faut le dire, sauf à laisser croire que “l’autre monde” est accessible par une gentille concertation ou une meilleure régulation du système dont on oublie souvent de mentionner - encore un non-dit - qu’il est capitaliste, probablement pour n’avoir pas à envisager une rupture présentée comme dangereuse par l’ordre dominant et ceux qui le soutiennent.

Aucun commentaire: