lundi 21 mai 2018

Griffuelhes Victor 1874-1922 L'action syndicaliste




Sur la Grève Générale
« cette définition si nette et si claire, que contient une communication du syndicat des maçons de Reims, partie dans la Voix du Peuple, organe de la Confédération générale du Travail, du 8 mai 1904. Rendant compte d'une causerie, il est dit « Passant en revue les questions portées à l'ordre du jour du Congrès de Vichy, Guyot explique que la grève générale ne peut être que la Révolution elle-même, car, comprise autrement, elle ne serait qu'une nouvelle duperie. Des grèves générales corporatives ou régionales la précéderont et la prépareront.»

«La grève générale, dans son expression dernière, n'est pas pour les milieux ouvriers le simple arrêt des bras; elle est la prise de possession des richesses sociales mises en valeur par les corporations, en l'espèce les syndicats, au profit de tous. Cette grève générale, ou révolution, sera violente ou pacifique selon les résistances à vaincre. Elle sera la totalisation des efforts des producteurs sous l'impulsion des groupements ouvriers. »


sur le Patriotisme :

« Par conséquent, tout le problème social se pose à moi dans des conditions tirées de mon savoir, de mes. moyens d'existence, de mes besoins. Et, comme mon savoir n'est pas celui d'un Jaurès, comme mes moyens d'existence ne sont pas ceux d'un Gérault-Richard, comme mes besoins ne sont pas ceux d'un Schneider, je ne conçois pas l'idée de patrie comme eux. »

«La patrie, dit-on, est l'ensemble des traditions, le patrimoine d'un peuple; elle est une portion du sol de notre planète; elle est le lieu où l'on vit en assurant à notre être les satisfactions nécessaires. Or, les traditions morales de notre pays et son patrimoine m'échappent, faute de pouvoir les saisir et les comprendre la moindre parcelle du sol ne m'appartient pas, et la vie qui m'y est faite est loin de réunir les satisfactions indispensables. Je suis étranger à tout ce qui constitue le rayonnement moral de ma nation, je ne possède rien, je dois vendre mon travail pour faire face à mes besoins les
plus stricts. Donc,rien de ce qui, pour certains, forme une patrie n'existe pour moi. Je ne puis pas être patriote.
Pourquoi serais-je patriote? Pour défendre ce fameux patrimoine moral, nos libertés? Mais de chaque côté des frontières, chaque peuple parle de son patrimoine moral. »


Les syndicats et le parti socialiste :
« N'était-il pas préférable, pour les dirigeants, de codifier, sous des apparences libérales, le progrès qui pousse les hommes vers un meilleur avenir, de régler l'usage de ce progrès, en essayant d'en diminuer le courant et d'en amoindrir la force? On sait que ce libéralisme, pas plus que la répression méliniste, n'a atteint son but. Malgré des dissentiments inévitables, le mouvement ouvrier a grandi, et il a grandi parce qu'il y a eu ce libéralisme corrupteur,contre lequel il s'est dressé. La loi de 1884 avait pour but de réglementer, en le paralysant, l'usage du droit d'organisation; elle voulait lui donner un caractère étroit et un rôle limité. De même, la loi sur les associations et la loi sur la séparation ont eu pour but d'enlever à l'Église une partie de sa puissance, et non de permettre l'exercice normal et perfectible de la religion. La loi autorise le syndicat à faire telle ou celle besogne dont le choix appartient au gouvernement et lui interdit telle autre dont le choix lui appartient également. Naturellement, dans ces choix, la bourgeoisie s'est inspirée de ses intérêts et, en établissant un cadre, elle a posé une barrière, espérant qu'elle constituerait une digue la protégeant contre les luttes ouvrières. »'

«Les syndicats, dans leur grande majorité, ont depuis longtemps brisé le cadre de la loi; ils ont dépassé le but assigné par le pouvoir; ils ont lutté et combattu en dépit de la loi, le plus souvent contre l'esprit de la loi. Ils n'ont, à aucun moment, voulu respecter la légalité et ils ont défendu les intérêts ouvriers. En combattant, sont-ils, dans des circonstances, restés dans les attributions légales? C'est à voir. Mais ont-ils lutté sans tenir compte de la légalité, renversant les résistances légales pour ne s'incliner que devant la force? C'est certain. Une illégalité est commise, lorsque les travailleurs en grève emploient tous les moyens pour amener à eux d'autres travailleurs, et ils emploient tous les moyens, non parce qu'ils sont permis ou défendus,mais parce qu'ils leur sont imposés par les conditions mêmes du combat. »

«De là, le projet sur l'arbitrage obligatoire et la réglementation des grèves, tendant, par un mécanisme compliqué, à rendre impossible tout conflit. Puis, selon la formule du maître « II faut que le capital travaille et que le travail possède », on a parlé de capacité commerciale,afin de faire pénétrer dans les syndicats l'esprit mercantile du négoce. »


Sur les relations internationales des syndicats :

28 août 1907.
Camarade secrétaire,
Comme vous, la Confédération Générale du Travail de France a reçu du Bureau international une invitation à se faire représenter à la Conférence internationale qui se tiendra le 16 septembre, à Christiania.
Cette invitation ayant été soumise au Comité confédéral, celui-ci, s'inspirant du vote émis à son Congrès national, qui s'est tenu à Amiens, en septembre 1906, a décidé de ne pas se faire représenter à Christiania, mais en même temps de faire connaître aux organisations ouvrières des différentes nationalités les motifs de sa non participation.
Vous vous rappelez sans doute, camarade, certains incidents de la Conférence de Dublin ( 1903) sur lesquels nous ne voulons pas revenir. A cette Conférence, nos délégués avaient mandat de présenter un rapport sur l'antimilitarisme et sur la grève générale, rapport avec texte en français, en allemand et en anglais, qui, par suite du mauvais fonctionnement de cette Conférence, ne put pas même être déposé.
Lorsque nous parvint l'invitation d'assister à la Conférence d'Amsterdam (1905), le Comité confédéral fut amené à poser comme condition de sa participation,la mise en discussion des deux questions rappelées plus haut, auxquelles, vu l'actualité, était ajoutée la « journée de huit heures ». Nos propositions transmises au secrétaire international le camarade Legien, celui-ci répondit par un refus. Cependant, devant l'insistance du Comité confédéral, il consentit à consulter les Centres syndicaux nationaux.
Toutefois, au lieu de conserver la neutralité qui convenait en la circonstance, le camarade Legien voulut influencer la décision à intervenir en faisant connaître son avis, en même temps qu'il envoyait le referendum, Aucune réponse n'étant parvenue en France, une lettre envoyée au dernier moment par Legien lui fut retournée pour insuffisance d'adresse. La Confédération Générale du Travail de France ne crut pas devoir se faire représenter à Amsterdam. A cette Conférence, le secrétaire international proposa et fit décider, au nom de l'Allemagne, que désormais les Conférences internationales ne seraient plus appelées à discuter des questions de principe et qu'elles se borneraient à étudier des points d'administration syndicale. Dans cette décision, les organisations ouvrières françaises virent une violation de l'autonomie des organisations nationales, et aussi l'inutilité des Conférences organisées dans ces conditions.

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