Paris,
le 26 mars 1871.
A
l’heure où nous écrivons, le Comité central aura de droit, sinon
de fait, cédé la place à la Commune. Ayant rempli le mandat
extraordinaire dont la nécessité l’avait investi, il se réduira
de lui-même à la fonction spéciale qui fut sa raison d’être, et
qui, contestée violemment par le pouvoir, l’obligeait à lutter, à
vaincre, ou à mourir avec la cité dont il était la représentation
armée.
Expression
de la liberté municipale légitimement, juridiquement insurgée
contre l’arbitraire gouvernemental, le Comité n’avait d’autre
mission que d’empêcher à tout prix qu’on arrachât à Paris le
droit primordial qu’il avait triomphalement conquis. Au lendemain
du vote, on peut dire que le Comité a fait son devoir.
Quant
à la commune élue, son rôle sera tout autre et ses moyens pourront
être différents. Avant tout, il lui faudra définir son mandat,
délimiter ses attributions.
Ce
pouvoir constituant qu’on accorde si large, si défini, si confus
pour la France à une assemblée nationale, elle devra l’exercer
pour elle-même, c’est-à-dire pour la cité, dont elle n’est que
l’expression.
Aussi
l’oeuvre première de nos élus devra être la discussion et la
rédaction de leur charte, de cet acte que nos aïeux du moyen-âge
appelaient leur commune.
Ceci
fait, il faudra aviser aux moyens de faire reconnaître et garantir
par le pouvoir central, quel qu’il puisse être, ce statut de
l’autonomie municipale. Cette partie de leur tâche ne sera pas la
moins ardue si le mouvement, localisé à Paris et dans une ou deux
grandes villes, permet à l’Assemblée nationale actuelle
d’éterniser un mandat que le bon sens et la force des choses
limitaient à la conclusion de la paix, et qui déjà se trouve
depuis quelque temps accompli.
À
une usurpation de pouvoir, la commune de Paris n’aura pas à
répondre en usurpant elle-même. Fédérée avec les communes de
France déjà affranchies, elle devra, en son nom et au nom de Lyon,
de Marseille et bientôt peut-être de dix grandes villes, étudier
les clauses du contrat qui devra les relier à la nation, poser
l’ultimatum du traité qu’elles entendent signer.
Quel
sera cet ultimatum ? D’abord il est bien entendu qu’il devra
contenir la garantie de l’autonomie, de la souveraineté municipale
reconquise. En second lieu, il devra assurer le libre jeu des
rapports de la commune avec les représentants de l’unité
nationale.
Enfin,
il devra imposer à l’Assemblée, si elle accepte de traiter, la
promulgation d’une loi électorale telle que la représentation des
villes ne soit plus à l’avenir absorbée et comme noyée dans la
représentation des campagnes. Tant qu’une loi électorale conçue
dans cet esprit n’aura pas été appliquée, l’unité nationale
brisée, l’équilibre social rompu ne pourraient pas se rétablir.
A
ces conditions, et à ces conditions seulement, la ville insurgée
redeviendra la ville capitale. Circulant plus libre à travers la
France, son esprit sera bientôt l’esprit même de la nation,
esprit d’ordre, de progrès, de justice, c’est-à-dire de
révolution.
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