LES
ARMES À TIR RAPIDE
Les
fusils Remington
Le
type simplifié, sinon l’idée première, des armes de cette
catégorie se retrouve dans l’arme de salon du système Flobert que
tout le monde connaît. Il n’existe que très peu d’armes à
clapet, appliquées à l’usage de la guerre, qui aient jusqu’ici
mérité une attention sérieuse, et l’on eût pu croire que ce
système n’avait d’autre destinée possible que de servir de
moyen de passe-temps agréable et instructif à la jeunesse désireuse
de s’initier aux exercices du tir, si une individualité marquante
dans cette famille n’était arrivée dans ces derniers temps à un
degré de notoriété, qui nous engage à nous y arrêter et à
donner sur cette arme les éléments d’appréciation qu’a fournis
l’expérience qui en a été faite depuis quelques années.
L’arme
à laquelle nous faisons allusion est le fusil du système américain
Remington que quelques pays en Europe, notamment le Danemark et la
Suède, et en Orient l’Egypte, ont, comme on le sait, adopté pour
leur armement.
Nous
ne pouvons mieux faire pour donner notre opinion sur cette arme que
de reproduire ici quelques appréciations puisées dans divers écrits
sur ce sujet et avec lesquelles concordent complètement nos propres
observations :
«
L’arme Remington est d’une construction simple, mais qui repose
sur un principe faux, en ce sens que le calcul agit sur le fond du
clapet dans la ligne du canon, c’est-à-dire au-dessus du véritable
point de résistance, lequel se trouve dans l’axe de rotation de la
culasse mobile, il en résulte que la force du gaz qui tend à ouvrir
l’obturateur agit en bras de levier et conséquemment avec un
effort d’autant plus puissant.
«
Comme la résistance résulte de l’arc-boutement des deux pièces,
le clapet et le chien, qui viennent s’enchevêtrer l’un dans
l’autre, il arrive que, par suite de la rouille produite par
l’humidité, par l’action du gaz et par les fréquents nettoyages
qui en sont les conséquences, l’arc-boutement destiné à
maintenir la fermeture de la culasse cesse d’être parfait et
insensiblement finit par donner lieu à un porte-à faux de la
cartouche dans l’écart du clapet, produit par l’usure des
surfaces d’arcboutement.
«
D’où il suit que la cartouche pourra, par suite de ce
porte-à-faux, crever au bourrelet, et donner lieu conséquemment à
des fuites de gaz très incommodes pour le tireur ; de plus, le choc
répété du clapet finit par provoquer sa rupture ou celle du chien
même, en exposant alors la vie du soldat.
«
Ces circonstances expliqueraient les accidents relativement nombreux
qui ont lieu avec les deux fusils : le Remington et le Laidley ou
Chick, tous deux construits sur le même principe, aussi bien en
Europe qu’en Amérique. « Ainsi au Canada, à Montréal, en
septembre 1866, un corps de volontaires Canadiens, à qui on voulait
donner des carabines Remington, s’est refusé à s’en servir,
l’arme ayant fait explosion lors des expériences : aux essais à
Springfield (E.-U.), les modèles Remington ont également éclaté
plusieurs fois, et pendant les trois mois qu’a siégé la
commission, le fusil a dû être reconstruit, renforcé et modifié à
diverses reprises : au commencement de 1867, un accident du même
genre a eu lieu à Birmingham, avec un fusil Laidley, et a déterminé
la mort du tireur, le sieur M. Farland, mécanicien de M. Remington :
en fermant la culasse, avant d’avoir lâché la détente, le
percuteur a produit l’inflammation de la cartouche par suite de ce
que celle-ci était trop large pour entrer facilement dans la chambre
: le tireur essaya de fermer le clapet et en le forçant l’explosion
a eut lieu. « En Autriche, un fait absolument semblable eut lieu à
Vienne, et le lieutenant Kereb ; membre du comité d’artillerie,
qui en a été la victime, a été grièvement blessé à la main et
a dû passer six semaines à l’hôpital et subir deux opérations
très douloureuses. A liège, en Hollande, etc., des accidents
analogues se sont également produits sans avoir heureusement des
conséquences aussi graves. »
Ces
détails sont en partie puisés dans des études publiées dans le
New-York Herald, du 12 octobre 1866, et dans le journal de
Vienne Der Kamerad Nos des 4 décembre 1866, 9 et 12 avril
1867.
Le
mécanisme du fusil Remington est beaucoup trop délicat pour offrir
les garanties de solidité qu’une arme de guerre doit
nécessairement présenter. La platine est exposée à la pluie et
aux intempéries de l’air ; elle se dégrade facilement et il est
nécessaire de nettoyer souvent les pièces intérieures. A cet
effet, il est indispensable de démonter le mécanisme et de
démontage fort difficile exige le secours d’un étau.
La
batterie mobile, servant d’obturateur, se meut en avant et en
arrière dans le même sens que le chien, d’où il résulte que
celui-ci doit être armé au cran de bande avant que l’arme puisse
être chargée.
Là
réside un défaut du système, que l’on retrouve également dans
bon nombre d’autres armes et sur lequel on ne peut assez attirer
l’attention par rapport aux accidents qui trop fréquemment en sont
le résultat.
De
plus le mode de rejet de la cartouche tirée est fort insuffisant, —
l’extracteur ne fait que ramener la douille quelque peu en arrière,
ce qui rend nécessaire le secours des doigts pour la saisir et la
rejeter avant l’insertion dans la chambre de la cartouche nouvelle.
Enfin,
la fabrication du fusil Remington est difficile et délicate, —
elle exige beaucoup de précision dans l’ajustage des axes de
rotation et en dernière analyse, la solidité du mécanisme ne
s’obtient qu’à la condition d’une perfection pour ainsi dire
absolue dans l’exécution d’atteindre dans une fabrication
courante même se faisant par les moyens mécaniques les plus
complets, et qui devient impossible à plus forte raison dans une
fabrication à la main.
Ce
point, on le reconnaîtra, est d’une grande importance pratique,
car il n’est pas indifférent, pas plus pour le gouvernement qui
achète, que pour le fabricant, devoir le même espace de temps et
les mêmes employés à fabriquer 300 fusils du système Remington
que pour en produire, dans des conditions irréprochables, 1 000
d’autres systèmes plus faciles à construire, et pour lesquels le
travail à la main peut suffire au besoin, cette précision extrême
des pièces n’étant pas nécessaire.
En
somme les défauts irrémédiables que présente dans le principe
même de sa construction, le système Remington, ne laissent aucun
doute qu’après une pratique d’une certaine durée, ces armes
montreront dans l’usage de la guerre leur infériorité vis-à-vis
d’autres systèmes qui, basés sur une application plus rigoureuse
des lois de la mécanique, puissent dans un calcul plus exact et dans
une meilleure distribution des forces, ainsi que dans un agencement
plus simple des pièces, une solidité à toute épreuve, comme c’est
le cas pour plusieurs armes de la catégorie des armes à bloc de
culasse que plus tard nous examinerons.
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