samedi 12 mai 2018

Journal de la Commune


LES ARMES À TIR RAPIDE

Les fusils Remington
Le type simplifié, sinon l’idée première, des armes de cette catégorie se retrouve dans l’arme de salon du système Flobert que tout le monde connaît. Il n’existe que très peu d’armes à clapet, appliquées à l’usage de la guerre, qui aient jusqu’ici mérité une attention sérieuse, et l’on eût pu croire que ce système n’avait d’autre destinée possible que de servir de moyen de passe-temps agréable et instructif à la jeunesse désireuse de s’initier aux exercices du tir, si une individualité marquante dans cette famille n’était arrivée dans ces derniers temps à un degré de notoriété, qui nous engage à nous y arrêter et à donner sur cette arme les éléments d’appréciation qu’a fournis l’expérience qui en a été faite depuis quelques années.
L’arme à laquelle nous faisons allusion est le fusil du système américain Remington que quelques pays en Europe, notamment le Danemark et la Suède, et en Orient l’Egypte, ont, comme on le sait, adopté pour leur armement.
Nous ne pouvons mieux faire pour donner notre opinion sur cette arme que de reproduire ici quelques appréciations puisées dans divers écrits sur ce sujet et avec lesquelles concordent complètement nos propres observations :
« L’arme Remington est d’une construction simple, mais qui repose sur un principe faux, en ce sens que le calcul agit sur le fond du clapet dans la ligne du canon, c’est-à-dire au-dessus du véritable point de résistance, lequel se trouve dans l’axe de rotation de la culasse mobile, il en résulte que la force du gaz qui tend à ouvrir l’obturateur agit en bras de levier et conséquemment avec un effort d’autant plus puissant.
« Comme la résistance résulte de l’arc-boutement des deux pièces, le clapet et le chien, qui viennent s’enchevêtrer l’un dans l’autre, il arrive que, par suite de la rouille produite par l’humidité, par l’action du gaz et par les fréquents nettoyages qui en sont les conséquences, l’arc-boutement destiné à maintenir la fermeture de la culasse cesse d’être parfait et insensiblement finit par donner lieu à un porte-à faux de la cartouche dans l’écart du clapet, produit par l’usure des surfaces d’arcboutement.
« D’où il suit que la cartouche pourra, par suite de ce porte-à-faux, crever au bourrelet, et donner lieu conséquemment à des fuites de gaz très incommodes pour le tireur ; de plus, le choc répété du clapet finit par provoquer sa rupture ou celle du chien même, en exposant alors la vie du soldat.
« Ces circonstances expliqueraient les accidents relativement nombreux qui ont lieu avec les deux fusils : le Remington et le Laidley ou Chick, tous deux construits sur le même principe, aussi bien en Europe qu’en Amérique. « Ainsi au Canada, à Montréal, en septembre 1866, un corps de volontaires Canadiens, à qui on voulait donner des carabines Remington, s’est refusé à s’en servir, l’arme ayant fait explosion lors des expériences : aux essais à Springfield (E.-U.), les modèles Remington ont également éclaté plusieurs fois, et pendant les trois mois qu’a siégé la commission, le fusil a dû être reconstruit, renforcé et modifié à diverses reprises : au commencement de 1867, un accident du même genre a eu lieu à Birmingham, avec un fusil Laidley, et a déterminé la mort du tireur, le sieur M. Farland, mécanicien de M. Remington : en fermant la culasse, avant d’avoir lâché la détente, le percuteur a produit l’inflammation de la cartouche par suite de ce que celle-ci était trop large pour entrer facilement dans la chambre : le tireur essaya de fermer le clapet et en le forçant l’explosion a eut lieu. « En Autriche, un fait absolument semblable eut lieu à Vienne, et le lieutenant Kereb ; membre du comité d’artillerie, qui en a été la victime, a été grièvement blessé à la main et a dû passer six semaines à l’hôpital et subir deux opérations très douloureuses. A liège, en Hollande, etc., des accidents analogues se sont également produits sans avoir heureusement des conséquences aussi graves. »

Ces détails sont en partie puisés dans des études publiées dans le New-York Herald, du 12 octobre 1866, et dans le journal de Vienne Der Kamerad Nos des 4 décembre 1866, 9 et 12 avril 1867.
Le mécanisme du fusil Remington est beaucoup trop délicat pour offrir les garanties de solidité qu’une arme de guerre doit nécessairement présenter. La platine est exposée à la pluie et aux intempéries de l’air ; elle se dégrade facilement et il est nécessaire de nettoyer souvent les pièces intérieures. A cet effet, il est indispensable de démonter le mécanisme et de démontage fort difficile exige le secours d’un étau.
La batterie mobile, servant d’obturateur, se meut en avant et en arrière dans le même sens que le chien, d’où il résulte que celui-ci doit être armé au cran de bande avant que l’arme puisse être chargée.
Là réside un défaut du système, que l’on retrouve également dans bon nombre d’autres armes et sur lequel on ne peut assez attirer l’attention par rapport aux accidents qui trop fréquemment en sont le résultat.
De plus le mode de rejet de la cartouche tirée est fort insuffisant, — l’extracteur ne fait que ramener la douille quelque peu en arrière, ce qui rend nécessaire le secours des doigts pour la saisir et la rejeter avant l’insertion dans la chambre de la cartouche nouvelle.
Enfin, la fabrication du fusil Remington est difficile et délicate, — elle exige beaucoup de précision dans l’ajustage des axes de rotation et en dernière analyse, la solidité du mécanisme ne s’obtient qu’à la condition d’une perfection pour ainsi dire absolue dans l’exécution d’atteindre dans une fabrication courante même se faisant par les moyens mécaniques les plus complets, et qui devient impossible à plus forte raison dans une fabrication à la main.
Ce point, on le reconnaîtra, est d’une grande importance pratique, car il n’est pas indifférent, pas plus pour le gouvernement qui achète, que pour le fabricant, devoir le même espace de temps et les mêmes employés à fabriquer 300 fusils du système Remington que pour en produire, dans des conditions irréprochables, 1 000 d’autres systèmes plus faciles à construire, et pour lesquels le travail à la main peut suffire au besoin, cette précision extrême des pièces n’étant pas nécessaire.
En somme les défauts irrémédiables que présente dans le principe même de sa construction, le système Remington, ne laissent aucun doute qu’après une pratique d’une certaine durée, ces armes montreront dans l’usage de la guerre leur infériorité vis-à-vis d’autres systèmes qui, basés sur une application plus rigoureuse des lois de la mécanique, puissent dans un calcul plus exact et dans une meilleure distribution des forces, ainsi que dans un agencement plus simple des pièces, une solidité à toute épreuve, comme c’est le cas pour plusieurs armes de la catégorie des armes à bloc de culasse que plus tard nous examinerons.

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