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ÉTRANGÈRES
ALLEMAGNE
L’Allemagne
du Nord envisage sous un point de vue assez hostile à la France les
événements de Paris. Dans la partie sud, au contraire, et surtout
en Autriche, la presse émet des considérations d’un tout autre
ordre.
Voici
ce que dit le Tages Presse, de Vienne :
«
Depuis le siècle passé, Paris a vu plusieurs révolutions dans le
sens démocratique. Mais le parti ultramontain et rétrograde s’est
toujours hâté de fausser le résultat de ces révolutions, et
tandis que Paris ne pouvait recueillir les fruits mûrs de ses
efforts, les départements l’entraînaient dans le tourbillon de la
réaction.
«
A Paris, l’honneur d’avoir pris de grandes initiatives ; à la
province, et notamment à la population des campagnes, la honte de
les avoir déjouées. Il semble que Paris veuille donner aujourd’hui
l’impulsion au système fédératif en France, afin de garantir à
jamais l’existence de la république. Il est incontestable que
l’élément socialiste prend une part active à ce mouvement de
Paris. Mais il paraît que les « ultras » de ce parti n’osent pas
encore formuler leurs prétentions, et cela nous paraît être un
symptôme aussi important que rassurant.
«
Il existe un socialisme extravagant, condamnable et dangereux au
point qu’une discussion sur ce sujet est impossible entre hommes
sérieux. Mais il y a une foule de questions sociales et humanitaires
non encore résolues ; ces questions doivent trouver tôt pou tard
leur solution, si l’on ne veut pas qu’un déluge de sang se
répande sur toute l’Europe. Enseignement universel, obligatoire et
gratuit, séparation de l’Eglise et de l’Etat, abolition des
impôts indirects et des monopoles ; impôts progressifs,
développement des sociétés d’assurances et des établissements
humanitaires, garantie d’un salaire minimum, surtout dans les temps
de disette, réduction des dépenses publiques des pays fortement
peuplés, enfin un projet rationnel et pratique pour un asile destiné
aux invalides du travail : voilà des voeux qu’il ne faut pas, de
prime abord, condamner comme des utopies, des voeux qui ne vont pas à
l’encontre de l’expérience et de la science, et qui, pour la
plupart, ont été chaleureusement recommandés par des esprits
éminents, comme Stuart Mill et autres. Jusqu’ici, rien n’a
encore été fait pour remplir les conditions d’un programme
réellement social et humanitaire, et il semble que Paris ne veuille
pas permettre cette fois-ci, comme après les autres révolutions,
qu’on déchire sans autre préambule ce programme. »
— Le
discours du trône, à l’ouverture du premier Parlement germanique,
a produit une grande déception en Bavière. Les espérances sont
refroidies, et l’on n’aperçoit plus à l’horizon que des
brouillards humides. Et pourtant, comme le fit très bien un journal
qui ne pousse jamais les choses bien loin ; le Morgen Post, le
peuple a fait son devoir jusqu’au bout, il a payé ses victoires de
son sang le plus pur. L’empereur Guillaume est resté débiteur du
peuple, et il lui doit un équivalent des actions de grâce qu’il a
rendues avec tant d’effusion à Dieu et à l’armée. En comparant
ce discours à celui qui inaugura le premier Parlement de la
Confédération du Nord, on y constate que la note libérale a
singulièrement baissé, tandis que la note piétiste y est accentuée
de la manière la plus large.
«
L’unité allemande, ajoute le Morgen Post, est une idée
populaire, mais à la condition que la liberté y soit comprise. Si
l’on ne réussit pas à marier la liberté avec l’unité,
l’empire germanique ne durera pas longtemps. »
Toute
la presse libérale manifeste les mêmes appréhensions. Mais quand
on considère la puissance immense que vient de conquérir le
militarisme, l’écrasement autorité qu’il a aujourd’hui, les
ressources de toute nature dont il dispose, on ne peut s’empêcher
de trouver bien naïfs ces libéraux nationaux qui ont poussé à
l’unité, dans l’espérance qu’elle tournerait à leur profit.
L’unité
allemande sera, ce qu’elle annonce devoir être, une unité
autoritaire, despotique, et l’empire durera autant que la force de
l’armée. La liberté allemande est bel et bien enterrée.
La
France a besoin d’une revanche ; elle n’a qu’à laisser faire
l’Allemagne.
Les
déceptions et les actes de contribution amère que l’on peut
prévoir déjà la vengeront suffisamment du mal qui lui a été
fait.
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