La
religion néo-libérale.
On
peine à comprendre les raisons pour lesquelles le gouvernement
s’obstine à vouloir faire passer en force son projet de CPE, au
risque d’amplifier le mécontentement et de créer les conditions
d’une vaste mobilisation. Du moins tant qu’on ne lui prête que
des raisons ‘rationnelles’.
Considérons
son argument clé : le CPE créera des emplois en facilitant les
conditions d’embauche et de licenciement. Tout le monde sait que
c’est la reprise d’une vielle antienne du patronat, selon
laquelle les rigidités légales engendrées par le code du travail
compteraient parmi les principales causes de la persistance du
chômage en France. Il y a une vingtaine d’années, Yvon Gattaz,
alors président du CNPF, avait réclamé à cors et à cris la
suppression de l’autorisation administrative de licenciement,
chiffrant à 473 000 (ni plus ni moins !) le nombre de créations
d’emplois qui en résulteraient.
Revenu
aux affaires en 1986, le gouvernement Chirac lui avait donné
satisfaction. Avec l’effet bénéfique que l’on sait sur la
baisse du chômage…
S’agit-il
alors seulement d’ouvrir une brèche supplémentaire dans le code
du travail, pour déséquilibrer davantage le rapport de forces entre
patrons et salariés ? On sait que le patronat rêve de démanteler
ce code. Le baron de Seillières en avait fait l’objectif
prioritaire de sa «refondation sociale» ; et celle qui lui
succède, Laurence Parizot, vient de déclarer que «la liberté
s’arrête là oùcommence le droit du travail» ! Elle
entendait parler de la liberté d’exploiter le travail d’autrui,
la seule qui l’intéresse, à n’en pas douter. Mais à qui
fera-t-on croire que cette liberté est aujourd’hui entravée en
France par le code du travail ? Avec ou sans CPE, la jeunesse de ce
pays connaît déjà le chômage et la précarité comme passage
obligé de son entrée dans la vie, quand ce n’est pas tout
simplement son état définitif.
Alors,
pourquoi cet acharnement ? C’est que ce dernier témoigne de la foi
des patrons et du gouvernement dans ce dogme néo-libéral qui
proclame que tout marché tend spontanément à l’équilibre entre
offre et demande pour peu que rien ne vienne fausser
la
libre concurrence entre acheteurs comme celle entre vendeurs, ni la
négociation entre les uns et les autres. Ainsi en irait-il tout
particulièrement du marché du travail: le chômeur y disparaîtrait
s’il était livré à une «concurrence libre et non faussée»
par les absurdes règles du droit du travail !.. Que pareil dogme ait
été mille fois déjà démenti par les faits n’a pas plus
d’impacts sur les théoriciens et les praticiens du néo-libéralisme
que la gynécologie ne peut en avoir auprès des partisans du dogme
de l’Immaculée Conception !
Bref
on gagnerait beaucoup à intégrer à nos analyses cette idée: nos
gouvernants sont de grands croyants et de fervents pratiquants de la
religion du marché (en fait, celle du capital) qui n’ont rien à
envier du point de vue du dogmatisme et du fanatisme aux
fondamentalistes de tout poils. Avec cette différence essentielle
cependant: c’est que leur Dieu, le Capital, est susceptible de
commettre bien plus de ravages sur cette planète que Jehova, la
Trinité, Allah, Krishna et Bouddha réunis.
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