lundi 21 mai 2018

Edito A contre-courant Mars 2006


La religion néo-libérale.


On peine à comprendre les raisons pour lesquelles le gouvernement s’obstine à vouloir faire passer en force son projet de CPE, au risque d’amplifier le mécontentement et de créer les conditions d’une vaste mobilisation. Du moins tant qu’on ne lui prête que des raisons ‘rationnelles’.
Considérons son argument clé : le CPE créera des emplois en facilitant les conditions d’embauche et de licenciement. Tout le monde sait que c’est la reprise d’une vielle antienne du patronat, selon laquelle les rigidités légales engendrées par le code du travail compteraient parmi les principales causes de la persistance du chômage en France. Il y a une vingtaine d’années, Yvon Gattaz, alors président du CNPF, avait réclamé à cors et à cris la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, chiffrant à 473 000 (ni plus ni moins !) le nombre de créations d’emplois qui en résulteraient.
Revenu aux affaires en 1986, le gouvernement Chirac lui avait donné satisfaction. Avec l’effet bénéfique que l’on sait sur la baisse du chômage…
S’agit-il alors seulement d’ouvrir une brèche supplémentaire dans le code du travail, pour déséquilibrer davantage le rapport de forces entre patrons et salariés ? On sait que le patronat rêve de démanteler ce code. Le baron de Seillières en avait fait l’objectif prioritaire de sa «refondation sociale» ; et celle qui lui succède, Laurence Parizot, vient de déclarer que «la liberté s’arrête là oùcommence le droit du travail» ! Elle entendait parler de la liberté d’exploiter le travail d’autrui, la seule qui l’intéresse, à n’en pas douter. Mais à qui fera-t-on croire que cette liberté est aujourd’hui entravée en France par le code du travail ? Avec ou sans CPE, la jeunesse de ce pays connaît déjà le chômage et la précarité comme passage obligé de son entrée dans la vie, quand ce n’est pas tout simplement son état définitif.
Alors, pourquoi cet acharnement ? C’est que ce dernier témoigne de la foi des patrons et du gouvernement dans ce dogme néo-libéral qui proclame que tout marché tend spontanément à l’équilibre entre offre et demande pour peu que rien ne vienne fausser
la libre concurrence entre acheteurs comme celle entre vendeurs, ni la négociation entre les uns et les autres. Ainsi en irait-il tout particulièrement du marché du travail: le chômeur y disparaîtrait s’il était livré à une «concurrence libre et non faussée» par les absurdes règles du droit du travail !.. Que pareil dogme ait été mille fois déjà démenti par les faits n’a pas plus d’impacts sur les théoriciens et les praticiens du néo-libéralisme que la gynécologie ne peut en avoir auprès des partisans du dogme de l’Immaculée Conception !
Bref on gagnerait beaucoup à intégrer à nos analyses cette idée: nos gouvernants sont de grands croyants et de fervents pratiquants de la religion du marché (en fait, celle du capital) qui n’ont rien à envier du point de vue du dogmatisme et du fanatisme aux fondamentalistes de tout poils. Avec cette différence essentielle cependant: c’est que leur Dieu, le Capital, est susceptible de commettre bien plus de ravages sur cette planète que Jehova, la Trinité, Allah, Krishna et Bouddha réunis.

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