Violences
La
flambée de violences, confinant par moments à l’émeute, qu’a
connue un grand nombre de banlieues des grandes agglomérations
urbaines au début du mois de novembre, n’aura surpris que ceux qui
ignorent la réalité qui y règne. Conjuguant chômage et précarité,
délabrement du bâti et désertification des équipements collectifs
et de services publics, pauvreté et misère, désespérance et
ressentiment, économie parallèle faite de trafics divers entre les
mains de bandes à tendance mafieuse, ces banlieues concentrent tous
les fruits amers de trente années de crise économique.
L’ensemble
des ces maux y affectent plus particulièrement une jeunesse
prolétaire très tôt déscolarisée et qui n’a plus aucun espoir
ni même aucun désir d’entrer un jour dans le régime du salariat
stable. Et la partie de cette dernière qui est issue de
l’immigration d’origine maghrébine ou africaine, récente ou
plus ancienne, y subit de surcroît discrimination ethnique et
raciale, tracasseries et vexations de la police.
Dans
ces conditions, rien d’étonnant à ce qu’un incident un peu plus
grave que ceux qui ponctuent la vie quotidienne de ces lieux ne
vienne mettre le feu aux poudres. La révolte qui éclate alors porte
elle-même les marques de la misère psychologique et idéologique de
ceux qui se soulèvent. Aveugle et irréfléchie, elle s’en prend
aux quelques biens privés (les automobiles) ou publics (ce qui peut
rester d’équipements
collectifs)
de ces quartiers, faisant de leurs habitants, donc des voisins, ses
principales
victimes.
Des
pauvres s’en prenant à d’autres pauvres, c’est pain bénit
pour les riches, c’est-à-dire tous ceux dont la richesse et le
pouvoir reposent précisément sur l’appauvrissement et
l’impuissance des précédents. D’une part, parce qu’ils sont
ainsi quittes de toute leur responsabilité. D’autre part, parce
qu’ils trouvent là l’occasion de renforcer encore leur pouvoir
en durcissant la répression de ces actes, en instituant un état
d’exception qui tend à devenir la règle et qui servira demain à
criminaliser d’autres formes de lutte, surtout en bénéficiant de
l’appui d’une population apeurée par ses «sauvageons»,
dont la révolte devient synonyme de barbarie et qu’on a tôt fait
de qualifier de «racaille», comme on l'a qualifiée jadis de
«canaille».
En
fait de racaille, nous n’en connaissons qu’une, pour notre part.
C’est celle qui peuple les conseils d’administration des grands
groupes industriels et financiers, dont la soif de lucre et de
puissance produit et entretient anonymement la misère d’une part
grandissante de la population. C’est celle qui peuple les sommets
des appareils d’Etat qui, avec un cynisme à peine voilé, organise
les conditions générales de l’oppression des précédents. C’est
celle enfin des «chiens de garde», journalistes,
universitaires, intellectuels qui, par médias interposés, tentent
de justifier le désordre
ainsi
établi, c’est-à-dire cette violence institutionnalisée qui, au
quotidien, broie des millions d’existences.
C’est
à cette racaille-là que nous nous proposons, pour notre part, de
demander un jour des comptes et même de régler son compte.
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