LE
COMMERCE COTONNIER
Les
personnes engagées dans les affaires cotonnières se sont de nouveau
réunies hier au foyer du Grand-Théâtre. Il s’agissait d’entendre
la lecture du rapport sur les questions soumises à une première
assemblée qui a eu lieu le 9 courant.
La
réunion, encore nombreuse, était présidée, comme la première
fois, par M. Jules Siegfried assisté des membres de la commission.
Dans
un rapport très substantiel, et dont la rédaction fait honneur à
MM. Goesme et Kolbrunner, les rapporteur, la commission a élucidé
les question soumises à la première assemblée. Lecture a été
donnée de ce rapport, divisé en quatre parties, comme les questions
à traiter.
Le
premier point, qui a trait à la substitution des appellations de
classements américains à nos désignations françaises, ne pouvait
avoir qu’une solution conforme à la décision de la première
assemblée. Il n’y a vraiment pas de raison valable pour conserver,
sur notre seul marché, des noms qui n’ont aucun rapport avec ceux
des lieux producteurs, et qui présentent d’ailleurs cette anomalie
de ne s’appliquer qu’à la marchandise classée, alors que celle
à livrer, et celle même dans le port, se traitent uniquement sur
les noms américains.
Au
sujet de la deuxième question : faut-il changer le mode de vendre à
livrer tel quel ? Il y a eu un assez long débat, mais les
conclusions de la commission ont été finalement adoptées. Elles
concilient quelque peu les deux opinions en présence, puisqu’elles
maintiennent la clause du tel quel, comme principe, tout en ou
vrant
la porte à l’autre mode, qui donne la faculté aux parties de
traiter sur stipulation de garantie de la qualité, avec arbitrage en
cas de non ressortie. Les conditions des affaires à terme formaient
l’objet du troisième rapport. La commission, en proposant de ne
pouvoir rien livrer au-delà d’une désignation en dessus comme en
dessous de la qualité vendue, améliore sans doute les conditions de
ces genres d’affaires, puisque l’on ne pourra plus livrer une
queue de cotons déplorables ramenée à l’ensemble du type par la
compensation d’une tête suffisante.
Il
y a cependant encore là une solution qui ne satisfait pas pleinement
le commissionnaire agissant pour le compte de la filature. En effet,
tel établissement qui emploie du low middling, par exemple,
se trouvera fort embarrassé si on lui livre seulement du good
ordinary qui sera trop inférieur pour sa fabrication ou son
outillage, ou bien s’il se voit à la tête de middling qui
peut lui augmenter son prix de revient de 3 à 4 fr. La question a du
reste paru mériter un nouvel examen, et elle a été renvoyée à
une étude complémentaire.
Il
en a été de même pour le quatrième article, qui, sous le titre
des conditions de vente, renferme les questions complexes des tares
et escomptes. Il ne paraît pas y avoir de modifications profondes à
faire sur ce premier chapitre ; quant au second, il y a encore
divergence d’idées. Il semble que l’escompte fait nécessairement
partie du prix lui-même ; les commissaires craignent cependant que
la bonification de 2 % étant supprimée, le prix du coton ne
s’abaisse pas de cette quotité. Ce serait là alors une innovation
qui tournerait au détriment des affaires. Si, au contraire, les
vendeurs établissent leurs cours avec déduction de cet escompte, on
a tout l’avantage d’une simplification, — ce qui n’est jamais
à dédaigner en affaires, — et on se trouve à lutter plus
aisément avec les offres d’Amérique, de Brême et Hambourg, qui,
faisant abstraction de cet escompte qui n’existe pas pour eux,
semblent rendre la marchandise à la filature à meilleur compte que
ne peut le faire le Havre lui-même.
C’est
là, certainement, une considération sérieuse.
En
résumé, la séance d’hier a confirmé le succès de la première,
et il est certain que le commerce aurait tout intérêt à se réunir
ainsi publiquement pour discuter les questions qui le concernent.
Tout en reconnaissant, certes, le haut mérite des membres qui
représentent officiellement le monde des affaires dans les chambres
de commerce, il n’y aurait pas de mal à ce que le cercle de
discussion fût élargi, et n’y eût-il de temps en temps qu’une
bonne idée ressortant de ces réunions, qu’elles auraient encore
leur mérite réel. Elles ont aussi pour effet direct de mettre les
intérêts en rapport immédiat, de façonner les esprits à une
discussion pratique, la seule qui soit saine et utile, et on
s’habituerait peu à peu, ainsi, à compter sur soi-même, et à ne
pas demander, comme toujours, en France, jusqu’ici, au gouvernement
de faire nos propres affaires. Nous périssons, en effet, par un
excès de réglementation en toutes choses, et nous devrions
cependant nous apercevoir que c’est notre défaut d’initiative
personnelle qui amène l’administration à faire bien souvent ce
que nous devrions faire nous-mêmes.
Renouvelons
donc, en terminant, le voeu de voir se répéter souvent ces réunions
du commerce, et espérons que les personnes qui se tiennent encore à
l’écart apporteront, dans l’avenir, le concours de leurs
lumières, en venant participer à la discussion des questions dont
elles sont solidaires. Il est de plus en plus utile de faire entrer
la vie publique dans nos moeurs, et les intérêts sont beaucoup
mieux discutés en commun que dans de petits comités, où l’on
peut se laisser trop aller, malgré soi, à l’intérêt personnel.
AD. HAUT-SAINT-AMOUR.
(Journal
de Marseille).
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