jeudi 10 juin 2021

Réflexions sur la violence par Georges Sorel

 « L’expérience nous a toujours montré jusqu’ici que nos révolutionnaires arguent de la raison d’Etat, dès qu’ils sont parvenus au pouvoir, qu’ils emploient alors les procédés de police, et qu’ils regardent la justice comme une arme dont ils peuvent abuser contre leurs ennemis. Les socialistes parlementaires n’échappent point à, la règle commune ; ils conservent le vieux culte de l’Etat ; ils sont donc préparés à commettre tous les méfaits de l’Ancien Régime et de la Révolution. »

 

« Je crois qu’en voilà assez pour me permettre de conclure que si, par hasard, nos socialistes parlementaires arrivaient au gouvernement, ils se montreraient de bons successeurs de l’Inquisition, de l’Ancien Régime et de Robespierre ; les tribunaux politiques fonctionneraient sur une grande échelle et nous pouvons même supposer que l’on abolirait la malencontreuse loi de 1848, qui a supprimé la peine de mort en matière politique. Grâce à cette réforme, on pourrait voir de nouveau l’Etat triompher par la main du bourreau. »

 

« Plus le syndicalisme se développera, en abandonnant les vieilles superstitions qui viennent de l’Ancien Régime et de l’Eglise – par le canal des gens de lettres, des professeurs de philosophie et des historiens de la Révolution, – plus les conflits sociaux prendront un caractère de pure lutte, semblable à celles des armées en campagne. On ne saurait trop exécrer les gens qui enseignent au peuple qu’il doit exécuter je ne sais quel mandat superlativement idéaliste d’une justice en marche vers l’avenir. »

 

« Nous avons le droit de conclure de là que l'on ne saurait confondre les violences syndicalistes exercées au cours des grèves par des prolétaires qui veulent le renversement de l’Etat avec ces actes de sauvagerie que la superstition de l’Etat a suggéré aux révolutionnaires de 93, quand ils eurent le pouvoir en main et qu'ils purent exercer sur les vaincus l’oppression, - en suivant les principes qu’ils avaient reçus de l’Eglise et de la royauté. Nous avons le droit d’espérer qu’une révolution socialiste poursuivie par de purs syndicalistes ne serait point souillée par les abominations qui souillèrent les révolutions bourgeoises. »

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