Nous rejetons toute science
«apolitique» ou «objective» comme nous rejetons l’attitude de tel médecin qui
tout en combattant les conséquences révolutionnaires de l’économie sexuelle
comme étant du domaine «politique», conseille aux mamans de remédier à l’érection
de leurs petits garçons en les invitant à retenir leur souffle. Si de telles
déductions posent un problème, il se situe dans la conscience du psychanalyste,
dans le processus qui le pousse à les accepter et à se faire néanmoins ministre
du culte, sans que cela le réhabilite aux yeux de la réaction politique. Son
attitude ressemble à celle des députés allemands social-démocrates qui, lors de
la dernière session parlementaire du Reichstag, chantèrent l’hymne national sur
un ton à la fois enthousiaste et implorant, ce qui ne les a nullement préservés
du camp de concentration, où ils furent jetés parce qu’ils étaient des
«socialistes».
Nous ne discutons pas de
l’existence ou de la non-existence de Dieu, mais nous levons des refoulements
sexuels et desserrons des liens infantiles aux parents. La destruction du
mysticisme n’est pas dans les intentions du thérapeute. Il en tient compte
comme de n’importe quelle autre donnée psychique favorisant le refoulement sexuel
et consommant les énergies sexuelles. Le processus économico-sexuel ne consiste
donc pas à opposer à l’idéologie mystique une idéologie «matérialiste» ou
«antireligieuse»: c’est là une méthode que nous évitons soigneusement,
puisqu’elle ne changerait en rien la biopathie; il s’agit au contraire de
démasquer l’attitude mystique comme une force anti-sexuelle et d’utiliser les
énergies qui la nourrissent d’une autre manière. »
« Le mouvement
révolutionnaire a jusqu’ici commis la grave erreur de considérer la sexualité
comme une «affaire privée». Or, elle n’est pas une affaire privée pour la
réaction politique qui opère toujours et partout sur deux plans simultanément:
sur celui de la politique économique et sur celui du «renouveau moral ». Le
mouvement de libération s’est contenté d’un plan unique. »
« La politique
démographique, qui se limite à la réforme sexuelle, n’est pas une politique
sexuelle au sens strict du terme. Elle ne vise pas à la régulation des besoins
sexuels, mais à la démographie, qui inclut évidemment l’acte sexuel. Mais ceci
dit, elle n’a rien à voir avec la vie sexuelle, avec ses implications sociales
et biologiques. Les masses ne s’intéressent pas le moins du monde aux problèmes
démographiques qui ne les touchent ni de près ni de loin. Le paragraphe sur
l’avortement ne les intéresse pas pour des raisons démographiques, mais à cause
de la détresse personnelle qui en résulte pour l’individu. Dans la mesure où le
paragraphe sur l’avortement est une cause de détresse, de mort et de chagrin,
il s’intègre dans la politique sociale générale. L’avortement ne relève de la
politique sexuelle que dans la mesure où il met en évidence que les hommes
transgressent le paragraphe interdisant l’avortement parce qu’ils doivent avoir
des rapports sexuels même sans procréer des enfants. »
« Les hommes et les
femmes de toutes les couches sociales se sentiraient plus concernés par la mise
en vedette de leurs besoins sexuels qui les préoccupent du matin au soir, que
par l’énumération des victimes du paragraphe sur l’avortement. Le premier
argument touche à leurs intérêts les plus personnels, alors que le deuxième
exige déjà un certain degré de conscience sociale et de compassion que l’homme
moderne ne possède pas toujours. »
« Le fascisme allemand a
essayé par tous les moyens de s’enraciner dans les structures psychiques et
s’est attaqué pour cette raison de préférence aux enfants et aux jeunes. Le
seul moyen dont il disposait était d’éveiller et d’entretenir la soumission à
l’autorité, grâce à une éducation ascétique et anti-sexuelle. Les aspirations
sexuelles naturelles qui portent dès l’enfance un sexe vers l’autre et qui
demandent à être satisfaites, étaient remplacées par des sentiments homosexuels
et sadiques détournés, en partie aussi par l’ascèse. Cette remarque s’applique
par exemple au prétendu «esprit de camaraderie» dans les camps de travail et à
l’éducation des jeunes au trop fameux «esprit de discipline et d’obéissance». Cette
éducation avait pour fonction de déchaîner la brutalité et de la mettre au
service de la guerre impérialiste. Le sadisme dérive d’une nostalgie d’orgasme
non satisfaite. La façade a nom «camaraderie», «honneur», «discipline librement
consentie»; ce qui se cache derrière, c’est la révolte secrète, le sentiment
d’oppression porté jusqu’à la rébellion, puisque toute vie personnelle et, plus
spécialement sexuelle est réprimée. »
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