[Persdienst van de Groep van Internationale Communisten, n° 7, 1933]
En ce qui concerne l’incendie
du Reichstag par Van der Lubbe on peut relever les prises de positions les plus
divergentes. Dans des organes de la gauche communiste (Spartacus, De
Radencommunist) on l’approuva comme l’acte d’un communiste révolutionnaire.
Approuver et applaudir un tel acte signifie conseiller sa répétition. C’est
pourquoi il est nécessaire de bien apprécier son utilité.
Son sens ne pourrait être que
de toucher, d’affaiblir la classe dominante : la bourgeoisie. Il ne peut en
être question ici. La bourgeoisie n’a pas été touchée le moins du monde par
l’incendie du Reichstag, sa domination n’a en aucune manière été affaiblie.
Pour le gouvernement, ce fut au contraire l’occasion de renforcer
considérablement sa terreur contre le mouvement ouvrier et les conséquences
ultérieures de ceci devront encore être appréciées.
Mais même si un tel acte
touchait et affaiblissait effectivement la bourgeoisie, la seule conséquence en
serait de développer chez les ouvriers la conviction que seuls de tels actes
individuels peuvent les libérer. La grande vérité qu’ils ont à apprendre, que
seule l’action de masse de la classe ouvrière tout entière peut vaincre la
bourgeoisie, cette vérité élémentaire du communisme révolutionnaire leur serait
occultée. Cela les éloignerait de l’action autonome en tant que classe. Au lieu
de concentrer toutes leurs forces sur la propagande au sein des masses
travailleuses, les minorités révolutionnaires les gaspilleraient alors dans des
actes personnels qui, même lorsqu’ils sont effectués par un groupe dévoué et
nombreux, ne sont pas en état de faire vaciller la domination de la classe
dominante, En effet, grâce à ses forces de répression considérables, la
bourgeoisie pourrait aisément venir à bout d’un tel groupe. Il y eut rarement
un groupe révolutionnaire minoritaire effectuant des actions avec plus de
dévouement, de sacrifices et d’énergie que les nihilistes russes il y a un demi-siècle.
A certains moments, il sembla même que par une série d’attentats individuels
bien organisés, ils réussiraient à renverser le tsarisme, mais un policier
français convoqué pour prendre en main la lutte anti-terroriste à la place de
la police russe incompétente, réussit par son énergie et son organisation toute
occidentale à détruire en quelques années le nihilisme, Ce n’est qu’après que
se développa le mouvement de masse qui renversa finalement le tsarisme. Un tel
acte n’a-t-il pas néanmoins valeur de protestation contre l’abject
électoralisme qui détourne les ouvriers de leur véritable combat ?
Une protestation n’a de la
valeur si elle fait naître une conviction, en laissant une impression de force,
ou, si elle se développe, la conscience, Mais peut-on raisonnablement croire
qu’un travailleur qui pensait défendre ses intérêts en votant social-démocrate
ou communiste, va commencer à émettre des doutes sur l’électoralisme, parce
qu’on a incendié le Reichstag ? Tout cela est totalement dérisoire, comparé à
ce que la bourgeoisie elle-même fait pour guérir les ouvriers de leurs
illusions, en rendant le Reichstag complètement impuissant, en décidant de le
dissoudre, en l’écartant du processus décisionnel. Des camarades allemands ont
dit que cela ne pourrait être que positif puisque la confiance des ouvriers
dans le parlementarisme recevrait ainsi un fameux coup. Sans doute, mais on
peut tout de même se demander si ce n’est pas représenter les choses d’une
façon quelque peu simpliste. Les illusions démocratiques se répandront alors
par une autre voie. Là où il n’y a pas de droit de vote généralisé, là où le
parlement est impuissant, c’est la conquête de la démocratie véritable qui est
avancée et les travailleurs s’imaginent qu’ils ne peuvent y arriver que par ce
moyen. En fait, une propagande systématique visant à développer à partir de
chaque événement une compréhension de la signification réelle du parlement et
de la lutte de classe, ne peut jamais être escamotée et est toujours
l’essentiel.
L’acte personnel ne peut-il
être un signal, la poussée qui met en mouvement cet immense combat par un
exemple radical ?
Il est tout de même courant
dans l’histoire que l’action d’un individu dans des moments de tension agisse
comme l’étincelle sur un baril de poudre. Certes, mais la révolution
prolétarienne n’a rien de l’explosion d’un baril de poudre. Même si le Parti
communiste essaie de se convaincre et de convaincre le monde que la révolution
peut éclater à tout moment, nous savons que le prolétariat doit encore se former
à cette nouvelle façon de combattre comme masse. Dans ces visions perce encore
un certain romantisme bourgeois. Dans les révolutions bourgeoises passées, la
bourgeoisie montante, et derrière elle le peuple, se trouvait confrontée aux
personnes des souverains et à leur oppression arbitraire; un attentat sur la
personne du roi ou d’un ministre pouvait signifier le signal de la révolte.
Dans la vision selon laquelle aujourd’hui encore un acte personnel pourrait
mettre les masses en mouvement, se révèle comme la conception bourgeoise du
chef, non pas du dirigeant de parti élu, mais du chef qui se désigne soi-même
et qui par son action entraîne les masses passives. La révolution prolétarienne
n’a rien à voir avec ce romantisme désuet du chef ; c’est de la classe, poussée
par des forces sociales massives, que doit venir toute initiative.
Mais après tout, la masse se
compose aussi de personnes et les actions de masse recouvrent un certain nombre
d’actions personnelles. Certes, et c’est ici que nous touchons à la vraie
valeur de l’acte personnel. Séparé d’une action de masse, en tant qu’acte
d’individu qui pense pouvoir réaliser seul quelque chose de grand, il est
inutile. Mais en tant que partie d’un mouvement de masse, il est de la plus
grande importance. La classe en lutte n’est pas un régiment de marionnettes
identiques marchant d’un même pas et réalisant de grandes choses guidées par la
force aveugle de son propre mouvement. Elle est au contraire une masse de
personnalités multiples, poussées par une même volonté, se soutenant,
s’exhortant, se donnant du courage et rendant, de par leurs forces de nature
différente, mais toutes concentrées vers le même but, leur mouvement
irrésistible. Dans ce cadre, l’audace des plus braves trouve l’occasion de
s’exprimer dans des actes personnels de courage, alors que la compréhension
claire des autres dirige ces actes vers le but adéquat pour ne pas en perdre
les fruits. Et dans un mouvement ascendant également, cette interaction des
forces et des actes est de grande valeur, quand elle est dirigée par une
compréhension claire de ce qui vit à ce moment-là parmi les ouvriers, de ce
qu’il faut faire et de comment développer leur combativité. Mais dans ce cas,
il faudra bien plus de ténacité, d’audace et de courage qu’il n’en fallut pour
incendier un parlement !
Quant à nous, notre devoir
reste toujours le même, hier comme aujourd’hui. C’est de nous grouper toujours
plus unis, toujours plus ardents, dans notre parti de classe, le Parti
socialiste de France. Les individus peuvent trahir, passer à l’ennemi, lequel a
toujours plus d’avantages personnels à offrir que nous. Les classes, elles, ne
trahissent jamais.
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