. f. (lat. maceratio, de
macerare; certains le rattachent au grec massô, pétrir, de la racine sanscrite
makch ou maks, broyer, amollir, d'où viendrait aussi masticare, mâcher).
Au propre, c'est l'action de
macérer, de plonger plus ou moins longtemps un corps dans un liquide pour qu'il
s'en imprègne ou y perde, par dissolution, 1 ou plusieurs de ses composants. On
a recours à la macération pour certains condiments (cornichons, concombres),
pour les fruits (prunes, cerises, pêches, etc.), pour le gibier, le poisson et
autres matières animales que l'on conserve ou prépare dans la saumure et aussi
dans le vinaigre et l'alcool. Mélanges acides et liqueurs corrosives prennent,
à la faveur de ce mariage, le chemin de l'organisme. On substitue
judicieusement à ces procédés – après l'utilisation « nature », la première à
considérer – soit la dessiccation simple, la salaison ou le sucrage, la
stérilisation à l'étuvée, la pasteurisation, soit l'entreposage, dans un local
approprié et tenu à une température convenable, des légumes et des fruits dont
on veut échelonner la consommation. Quant aux viandes, dont l'absorption
fraîche est la moins nocive, le raffinement qui consiste à les faire macérer ou
« faisander » accroît évidemment leur toxicité. Par une macération de plusieurs
mois dans un liquide à base de sublimé corrosif on met les cadavres à l'abri de
la putréfaction et on évite l'altération des formes. En chimie, macérer a pour
but de débarrasser un corps de ses particules solubles, à la température
ambiante. La solution ainsi obtenue porte aussi ce nom. Cette opération est
particulièrement fréquente en pharmacie, L'extrait de quinquina, par exemple,
s'obtient par macération. On a donné par extension le nom de macération aux
pratiques ascétiques de certaines religions, aux passions pieuses qui
recherchent dans la souffrance un agrément au Seigneur. Dans ce mépris de «
l'enveloppe charnelle » excellent en particulier, avec quelques religieux
solitaires, les ordres cloîtrés dans des monastères ou assujettis à des règles
collectives rigoureuses. Jeûnes, disciplines, flagellations, mortifications,
privations et austérités de toute nature viennent au secours d'une mystique qui
regarde comme une monstruosité la portion tangible de « l'œuvre de Dieu ». Pour
échapper au démon de la chair, à cet appel de la reproduction sans lequel la
lignée des créatures divines serait vite affranchie de ses stériles hommages,
frères mineurs et bénédictins, moines œuvrants ou contemplatifs imposent à leur
corps un épuisement et des supplices qui leur valent, à défaut d'une victoire
totale sur leurs sens, au moins des trêves partielles et une paix provisoire.
Ils y goûtent, dans la prostration de l'être affaibli, dans les troubles de
l'hypnose, le délire et l'extase, cette évasion anticipée qu'ils caressent
comme un délice et sur l'heure de laquelle la Providence aux secrets desseins
leur interdit d'anticiper par un geste décisif. Ainsi le fanatisme égare les
êtres à amoindrir en eux, à résorber si possible les forces les plus légitimes
de conservation et de vie. L'homme sain, raisonnable et lucide ne peut voir
dans ce refoulement une avance vers la perfection. Il n'entre en lutte avec
lui-même que contre ses désordres maladifs et les obstacles que tares et préjugés
obstinés accumulent devant l'être qui veut s'épanouir. Il tient pour absurde de
s'insurger contre les poussées normales de sa vitalité. Il cherche seulement à
accorder ses joies aux possibilités – d'ailleurs évolutives – de sa nature. Il
en tâte l'harmonie permanente et sait qu'on ne rompt pas impunément d'ailleurs
un impérieux équilibre. De la continence aux divagations sensuelles, de
l'abstinence consomptive aux excès épuisants s'offre à sa jouissance une gamme
sûre de plaisirs sans folie. Et s'il a, lui, la liberté du suicide, il n'y
court pas davantage par la frénésie que par la macération...
L.
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