« Les mouvements de libération se servent, quand il s’agit d’organiser l’enfance, des méthodes mêmes qui ont fait la fortune du travail réactionnaire sur les enfants: marches, chansons, uniformes, jeux de groupe, etc. L’enfant – à l’exception de celui qui a grandi dans une famille extrêmement libérale, ce qui, de toute façon n’est vrai que pour une minorité – ne sait pas distinguer entre les contenus des formes de propagande réactionnaire et révolutionnaire. Regarder la vérité bien en face, c’est se conformer au premier impératif de toute activité antifasciste, consistant à ne pas esquiver les faits. Or, nous affirmons que les enfants et adolescents marcheront demain aussi joyeusement au son des hymnes fascistes qu’aujourd’hui à celui des airs libéraux. »
« Le groupe d’études
d’économie sexuelle de Berlin avait fait une première tentative de travailler
sur l’enfance en mettant au point un conte collectif intitulé Le triangle de
craie, association pour l’exploration des secrets des adultes. Avant d’être
imprimé, le conte fut d’abord soumis à un certain nombre de responsables de
groupes d’enfants. On décida de lire la brochure aux enfants d’un cercle
«Fichte» et d’observer leurs réactions. On aurait souhaité que les contempteurs
de l’économie sexuelle fussent au complet présents à cette réunion. Notons pour
commencer qu’au lieu des vingt enfants habituels soixante-dix se présentèrent.
Alors qu’en général, selon les permanents, le silence était difficile à
obtenir, tout le monde écoutait, fasciné, les yeux ardents, tous les visages
dans la salle étaient fondus en une seule tache claire. En beaucoup d’endroits,
la lecture fut interrompue par des applaudissements. À la fin, on invita les
enfants à faire part de leurs désirs et de leurs critiques. Beaucoup
demandèrent la parole. Devant ces enfants, notre pudibonderie et notre gêne
nous firent honte. Les adaptateurs pédagogiques du conte avaient décidé de ne
pas aborder la contraception ni la masturbation. Mais aussitôt les questions
jaillirent: «Pourquoi ne dites-vous rien de la manière d’empêcher la
procréation des enfants?» – Sur quoi un garçon intervint en riant: «Ça, nous le
savons déjà!» «Qu’est-ce qu’une prostituée? demanda un autre enfant. Il n’en a
pas été question dans votre conte!» «Demain, on ira voir les chrétiens,
clamèrent des voix enthousiastes, ils parlent toujours de ce genre de choses,
avec ça, on les aura!» «Quand ce livre paraîtra-t-il?» «Quel sera son prix?»
«Sera-t-il assez bon marché pour que nous puissions l’acheter et lui assurer
une large diffusion?» La première partie qui avait été lue donnait surtout des
informations d’ordre sexuel; mais le groupe avait l’intention d’ajouter au
premier volume un deuxième portant sur des questions sociales. On en fit part
aux enfants. «Pour quand ce deuxième volume? Sera-t-il aussi amusant que le
premier?» Quand a-t-on vu un groupe d’enfants demander avec autant d’ardeur des
brochures sociales? Ne devrions-nous pas en tirer une leçon? Certainement! Pour
éveiller l’intérêt des enfants pour les af aires sociales, nous devons faire
appel à leur curiosité sexuelle positive et à leur soif de connaissance. Les
enfants doivent finir par avoir le sentiment inébranlable que la réaction
politique est incapable de leur donner cela. Ainsi on obtiendra leur ralliement
massif dans tous les pays, on les immunisera contre les influences
réactionnaires, et – c’est là le plus important – on les attachera solidement
au mouvement de libération révolutionnaire. Mais pour y parvenir, il faut
d’abord franchir un double obstacle: la réaction politique et les «moralistes»
dans le camp du mouvement de libération. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire