[Persdienst van de Groep van Internationale Communisten, n° 7, 1933]
L'appréciation de l'incendie
du Reichstag dans la presse de la gauche communiste nous amène encore à poser
d'autres questions. La destruction peut-elle être un moyen de lutte des
ouvriers ?
Tout d'abord, il convient de
préciser que personne ne pleurera la disparition du Reichstag. C'était un des
bâtiments les plus vilains de l'Allemagne moderne, toute l'image pompeuse de
l'Empire de 1871. Mais il y a d'autres bâtiments, plus beaux, et des musées
avec des trésors artistiques. Lorsqu'un prolétaire désespéré, pour se venger de
la domination capitaliste, détruit quelque chose de précieux, comment
l'apprécier ?
D'un point de vue
révolutionnaire son geste paraît sans valeur et de différents points de vue on
pourrait parler d'un geste négatif. La bourgeoisie n'est pas le moins du monde
touchée puisqu'elle a déjà continuellement détruit tant de choses lorsqu'il
s'est agi de profits et elle place la valeur argent au-dessus de tout. Un tel
geste touche surtout cette couche plus limitée d'artistes, d'amateurs de belles
choses dont les meilleurs ont souvent des sentiments anticapitalistes, et dont
certains (comme William Morris et Herman Gorter) ont combattu aux côtés des
ouvriers. Et puis, y a-t-il une raison de se venger de la bourgeoisie ?
Celle-ci a-t-elle donc le devoir d'apporter le socialisme au lieu du
capitalisme ?
C'est son rôle de maintenir en
place de toutes ses forces le capitalisme ; sa destruction est la tache des
prolétaires. Par conséquent, si quelqu'un peut être rendu responsable du
maintien du capitalisme, c'est bien la classe ouvrière elle-même qui négligea
bien trop la lutte. Enfin, à qui enlève-t-on quelque chose par la destruction ?
Aux prolétaires victorieux qui seront un jour les maîtres de tout cela.
Bien sûr toute lutte de classe
révolutionnaire, lorsqu'elle prend la forme d'une guerre civile, provoquera
toujours des destructions. Détruire les points d'appui de l'ennemi est
nécessaire dans toute guerre. Même si le vainqueur essaie d'éviter trop de
destructions, le vaincu sera tenté par pur dépit de provoquer des destructions
inutiles. Il faudra donc s'attendre à ce que vers la fin du combat, la
bourgeoisie décadente détruise énormément. Par contre, pour la classe ouvrière
la classe qui prendra lentement le dessus, les destructions ne seront plus un
moyen de lutte. Elle essaiera au contraire de transmettre un monde aussi riche
et intact que possible à sa descendance, l'humanité future. Cela vaut non
seulement pour les auxiliaires techniques qu'elle peut améliorer et
perfectionner mais surtout pour les monuments et les souvenirs des générations
passées qui ne peuvent pas être reconstruits.
On peut naturellement objecter
que la nouvelle humanité, porteuse d'une liberté et d'une fraternité inégalée,
créera des choses bien plus belles et grandioses que celles des siècles passés.
De plus, l'humanité à peine libérée voudra faire disparaître les restes du
passé qui représentaient son ancien état d'esclavage. C'est ce que fit ou –
essaya de faire – également la bourgeoisie révolutionnaire. Pour elle toute l'histoire
du passé n'était que ténèbres d'ignorance et d'esclavage, alors que la
révolution avait consacré la raison, la connaissance, la vertu et la liberté.
Le prolétariat, par contre, considère l'histoire des ancêtres tout autrement.
Sur 1a base du marxisme qui voit le développement de la société comme une suite
de formes de production, il y voit une lente et dure ascension de l'humanité
sur la base d'un développement du travail, des outils et des formes de travail
vers une productivité toujours plus élevée, d'abord à travers la simple société
primitive, ensuite à travers les sociétés de classe avec leur lutte des
classes, jusqu'au moment où par le communisme, l'homme devient maître de son
propre sort. Et dans chaque période de développement, le prolétariat trouve des
caractéristiques qui sont liées à sa propre nature.
Dans la préhistoire barbare,
les sentiments de fraternité et la morale de la solidarité du communisme
primitif. Dans le travail manuel petit-bourgeois, l'amour du travail qui
s'exprime dans la beauté des bâtiments et des ustensiles d'usage courant que
les descendants considèrent comme d'incomparables chefs-d'oeuvre. Dans la
bourgeoisie montante : le fier sentiment de liberté qui proclama les droits de
l'homme et s'exprima dans les plus grandes oeuvres de la littérature mondiale.
Dans le capitalisme : la connaissance de la nature, le développement
inestimable des sciences naturelles qui permit à l'homme, par la technique, de
dominer la nature et son propre sort. Chez tous ceux-ci, ces traits de caractère
grandioses étaient liés d'une façon plus ou moins étroite avec de la cruauté,
de la superstition, de l'égoïsme. Ce sont justement ces choses que nous
combattons, qui nous font obstacle et que nous haïssons donc. Notre conception
de l'histoire nous apprend que ces imperfections chez nos ancêtres doivent être
comprises comme des étapes naturelles d'une croissance, comme l'expression
d'une lutte pour la vie d'hommes pas encore pleinement humains dans une nature
omnipotente et dans une société incomprise. Ce qu'ils créèrent malgré tout de
grandiose restera pour l'humanité libre un symbole de leur faiblesse mais aussi
un souvenir de leur force digne d'être conservé avec soin. Aujourd'hui, c'est
la bourgeoisie qui possède tout cela, mais pour nous, c'est la propriété de la
collectivité que nous tâcherons de transmettre aussi intacte que possible aux
générations futures.
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