samedi 5 juin 2021

La psychologie de masse du fascisme de Wilhelm Reich

 La structure émotionnelle de l’homme authentiquement religieux obéit pour l’essentiel à la description suivante: sur le plan biologique, il est soumis aux mêmes tensions sexuelles que tous les autres hommes et êtres vivants. Mais l’assimilation des représentations religieuses anti-sexuelles et la peur acquise de la punition lui ont enlevé toute possibilité de tension et de satisfaction sexuelles naturelles. Il souffre donc d’un état de surexcitation physique chronique qu’il est obligé de tenir sans arrêt en échec. Le bonheur sur terre n’est pas seulement hors de son atteinte, il ne lui paraît pas même désirable. Comme il attend la récompense dans l’au-delà, il souffre, dans toutes les affaires terrestres, du sentiment de son inaptitude au bonheur. Comme il est un être vivant biologique qui ne saurait se passer de bonheur, de détente et de satisfaction, il se met en quête d’un bonheur imaginaire capable de lui procurer les tensions religieuses correspondant au prélude au plaisir, autrement dit, les courants et excitations végétatifs du corps. Il organisera donc avec ses coreligionnaires des manifestations et créera des institutions qui lui facilitent l’état d’excitation somatique tout en lui en dissimulant la vraie nature. Son organisme biologique construit donc un orgue dont les sonorités sont capables de provoquer de tels courants somatiques. L’obscurité mystique des églises augmente encore l’effet de la sur-sensibilisation à sa propre vie intérieure, aux accents d’un sermon, d’une chorale, etc., en accord avec elle. En réalité, l’homme religieux est absolument incapable de se tirer d’affaire, puisqu’avec la répression de son énergie sexuelle il a perdu l’aptitude au bonheur et l’agressivité naturelle lui permettant de faire face aux difficultés de la vie. Son état d’impuissance totale l’incite à croire d’autant plus aux puissances surnaturelles chargées de le soutenir et de le protéger. Nous comprenons maintenant pourquoi il est capable, dans certaines situations, de faire preuve d’une puissance de conviction extraordinaire, d’un courage passif face à la mort. Il puise cette force dans l’amour de ses propres croyances religieuses, qui s’appuient sur des excitations somatiques à forte tonalité de plaisir. Il s’imagine que sa force lui vient de «Dieu». Sa nostalgie de Dieu et son désir de Dieu représentent en réalité une nostalgie née de l’excitation sexuelle préludant au plaisir et qui demande à être apaisée. La Rédemption n’est rien d’autre, ne peut être rien d’autre que la libération des tensions corporelles insoutenables, qui ne peuvent être détectables que pour autant qu’elles vont de pair avec une union fantasmée avec Dieu, autrement dit avec la satisfaction et la détente. Le penchant des fanatiques religieux à l’automutilation, aux actes masochistes confirme notre démonstration. L’expérience clinique de l’économie sexuelle est capable de mettre en évidence que le désir d’être frappé ou de se fustiger découle du désir pulsionnel d’une détente exempte de culpabilité. Il n’existe aucune tension corporelle qui ne produise des fantasmes de flagellations ou de tourments subis, si la personne soumise à cette tension est incapable de provoquer elle-même la détente. C’est là l’origine de l’idéologie de souffrance passive typique de toutes les vraies religions."

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