Forme-Logement
La
meilleure preuve en est donnée par les bénévoles qui, dans le
cadre associatif, accueillent chez eux des migrants arrêtés dans un
camp informel, donc encore ouvert, telle la jungle de Calais, où les
installations précaires situés au bord des villes, quelquefois dans
les villes elles-mêmes, au bord des boulevards, sous le métro, etc.
Ils ne se confrontent alors pas seulement à la loi qui interdit
d'héberger ceux qui n'ont pas de titre de séjour, mais aux apories
de l'hospitalité elle-même.
On
ne peut accueillir quelqu'un chez soi qu'en lui permettant de
franchir un seuil qui en est vraiment un ; dès lors les
migrants peuvent se sentir parzadoxalement trop accueillis, en raison
d'un statut de victime qui nie leur singularité ou à l'inverse d'un
intérêt pour leur parcours qui les oblige à se raconter ; les
hébergeurs, eux-mêmes savent qu'ils en font à la fois trop ou pas
assez vis-à-vis de ces étrangers à qui ils ont donnéle plein
droit d'être chez eux au risque de ne plus être vraiment chez eux,
et ne souhaitent pas plus héberger n'importe qui. Il n'y a aucun
raisonnement bourgeois dans le fait de reporter ainsi sur le seuil
l'existence de la frontière : nous ne parlons pas de
forme-maison-bourgeoise mais bien de forme-logement, peise alors dans
la même aporie que les lieux frontaliers et la forme-camp. Il
faudrait, à chaque fois, que celui qui est accueilli dans un
logement occupé ne fasse que passer et ne fasse que rester ;
qu'il arrive à être chez soi chez l'autre tandis que l'autre est
encore chez soi. Il n'y a pas d'habitation sans cette crise du
logement.
Même
dans les camps, les occupants n'habitent qu'en transformant les abris
en logement, donc en marquant ( ne serait-ce qu'avec une couverture)
la frontière du dehors et de l'intime. Ils aménagent leurs
intérieurs, les rendent à la fois hospitaliers et privés et se
gardent alors le droit d'inviter ou non leurs voisins, ainsi que le
personnel humanitaire, les bénévoles, les journalistes, les
chercheurs. Il s'avère alors que l'expérience, aussi «
intérieure » qu'elle soit, s'avère toujours l'expérience de
l'éthos entendu comme « chez soi » ouvert aux
autres. Sans cette aporie il n'y aurait pas ( nulle part)
d'hospitalité. L'espace où cette aporie est la plus vivable- la
plus habitable-, c'est alors, à la différence de la forme-camp mais
aussi de la forme-logement la forme urbaine.
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