Les
résultats des élections présidentielles brésiliennes n’ont pas
manqué d’éveiller l’intérêt des forces syndicales et
politiques anticapitalistes du monde entier. Au premier abord en
effet, la victoire de Luiz Inacio da Silva, le candidat du Parti des
Travailleurs, peut apparaître comme la concrétisation politique des
luttes sociales engagées contre l’exploitation et la domination
capitalistes.
Dans quelque
pays et à quelque élection que ce soit, la victoire d’un candidat
de gauche n’a toutefois jamais garanti le conduite d’une
politique de gauche, la victoire d’un candidat étiqueté
socialiste la conduite d’une politique socialiste. L’exercice du
pouvoir gouvernemental est en effet doublement déterminé: d’une
part par la cohérence de ses orientations idéologiques; d’autre
part par les rapports de force entre les différentes classes
sociales. De ce double point de vue, la victoire de Lula reste
marquée à la fois par la forte dérive social-démocrate du Parti
des Travailleurs et de son programme électoral ; et surtout par le
fardeau de l’endettement que le candidat a accepté d’endosser
pour rassurer et se concilier les puissances du Capital (marchés
financiers, créanciers intérieurs, propriétaires fonciers, FMI…).
Dès lors,
que reste-t-il de l’horizon socialiste pour lequel se sont
mobilisés les millions d’électeurs du candidat du Parti des
Travailleurs ? A quelles perspectives doivent-ils s’attendre ? Il
est aujourd’hui manifeste que Lula n’engagera pas le Brésil sur
le voie d’une rupture avec le système capitaliste mondial. Au
contraire ! Son programme doit en effet plutôt être compris comme
celui d’une modernisation du système capitaliste brésilien : sur
la scène extérieure en le rendant plus performant et en déterminant
une intégration au système capitaliste international qui lui soit
plus profitable (objectif qui se traduit de manière exemplaire par
la préférence d’une intégration régionale dans le cadre du
Mercosur plutôt que de l’Alena); sur la scène intérieure en
atténuant les principaux abcès de contradictions de l’économie
et de société brésiliennes : réforme agraire, politique de
logement pour résorber en partie les bidonvilles, politique
d’urgence sociale…. Dans cette entreprise, le PT a su trouver des
appuis parmi la frange réformiste de la bourgeoisie locale, celle
qui sait que la modernisation du pays doit passer par un certain
nombre de concessions envers les couches les plus défavorisées. Le
PT s’est allié avec le Parti Libéral et le colistier de Lula est
un richissime entrepreneur textile.
Depuis que
Porto Alegre est devenu l’anti-Davos, le Brésil du Parti des
Travailleurs est souvent présenté comme le laboratoire de cette
«autre mondialisation», de cet «autre monde possible» pour lequel
militent les courants réformistes du mouvement antimondialisation.
La victoire de Lula va permettre de mesurer les avancées sociales
que porte le réformisme antilibéral; elle permettra aussi d’en
mesurer rapidement les limites.
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