samedi 30 mars 2019

FAIM. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




« La faim est la honte des hontes pour une société. » (E. BERGERAT.)
La faim est un besoin de nourriture qui se manifeste généralement par l'envie que l'on éprouve de manger ; c'est la misère et la privation de nourriture qu'elle impose, la souffrance qui en résulte.
« Il n'y a pas de nécessité plus impérieuse que la faim. » (HOMÈRE.)
Lorsque, par des titillations dans la région de l'estomac, l'être éprouve le besoin de manger, c'est-à-dire lorsqu'il a faim, il ressent un certain charme que crée ce désir ; mais celui-ci peut devenir bientôt douloureux, être plus ou moins aigu et occasionner, alors, un affaiblissement général, lorsque ce besoin n'est pas satisfait à temps ; dès que l'individu a ingéré quelques aliments, tout cesse et redevient normal.
Ce sont les tissus du corps devenus pauvres en matières nutritives qui provoquent le système nerveux, qui, en éprouvant le contre-coup, traduit généralement ce phénomène par une sensation que l'on a appelée la faim.
La faim peut varier d'intensité suivant l'âge, le sexe, le tempérament, le climat, etc., etc...
L'on doit se garder de confondre le mot faim avec celui d'appétit, qui semblent l'un et l'autre désigner à première vue une même sensation qui nous porte à manger.
La faim semble indiquer un besoin que l'on éprouve, par suite, d'une longue abstinence ou de toute autre cause, tandis que l'appétit semble être plus en rapport avec le goût, le plaisir que l'on va éprouver en songeant aux aliments qu'on se propose de prendre.
Ces deux sensations qui paraissent se trouver réunies dans la plupart des cas peuvent exister l'une sans l'autre.
La faim est plus vorace ; l'appétit, plus patient et plus délicat.
La faim indique donc un besoin physiologique plus ou moins urgent, tandis que l'appétit reste Une impression périphérique sensuelle que provoque ordinairement la vue, l'odorat ou parfois même le souvenir des mets savoureux.
Certains physiologistes attribuent la faim au froncement de l'estomac, à la pression ou au frottement de sa tunique interne, à la lassitude de ses fibres musculaires contractées durant de trop longues heures, à la compression de ses nerfs, au tiraillement du diaphragme ou à l'action des sucs gastriques sur les parois qui les contiennent.
Ce sont des hypothèses ; rien n'a encore permis de conclure des lésions multiples que revêtent les êtres qui meurent de faim, ou plutôt d'inanition.
Généralement, la faim se manifeste chez l'individu lorsque la perte de poids du corps atteint 500 à 600 gr. environ, poids dans lequel il ne faut pas comprendre l'urine et les excréments expulsés par les voies naturelles.
Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, la faim n'est pas localisée au seul organe : l'estomac ; c'est une sensation générale. C'est ainsi que certains poisons du système nerveux (opium, nicotine, liqueurs) peuvent la diminuer, de même que les infections ou les fièvres la supprimer.
Dans certains cas de diabète, par exemple, la faim peut devenir tout au contraire exagérée (boulimie).
Deux ou trois fois en vingt-quatre heures, la faim se fait sentir chez l'adulte en bonne santé ; chez les enfants, les adolescents et les convalescents, elle peut se montrer plus souvent ; chez les vieillards et les individus sédentaires et surmenés, beaucoup moins.
Certains animaux qui absorbent des aliments peu réparateurs, tels les lapins, mangent constamment.
Si, par l'absorption de matières alimentaires, on peut calmer la faim, il ne faut pas en conclure que le résultat cherché est obtenu, car on ne fournit pas toujours aux tissus les aliments nutritifs nécessaires à leur entretien et à leur réparation.
L'appareil digestif des jeunes enfants, si délicat parfois, ne peut pas toujours incorporer les aliments que nous leur donnons ; le résultat que nous désirons n'est donc pas atteint ; de même que les individus qui souffrent de faim chronique, tout en absorbant tout ce qu'ils trouvent, finissent cependant par mourir quand même.
Ces phénomènes, dits fréquemment d'inanition, se déroulent plus ou moins rapidement. Lorsque la faim est poussée à l'extrême, elle amène parfois la mort ; prolongée longuement, elle ralentit la respiration, la circulation, et occasionne des dérangements parfois très graves des facultés intellectuelles.
Quant aux perversions de la faim, bien distinctes des perversions de l'appétit, elles rendent les sensations douloureuses, déterminent un trouble cérébral profond qu'on dénomme faim angoissante ou phobique.
Sous le nom de faim canine on désigne les diverses altérations maladives de la faim : polyphagie, boulimie, cynorexie, anorexie, dysorexie, qui, le plus souvent, sont liées à des affections nerveuses des organes digestifs.
On n'arrête pas le murmure
Du peuple quand il dit : j'ai faim.
Car c'est le cri de la nature :
Il faut du pain !

P. DUPONT

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