« Considérer la cupidité ou l'intérêt
personnel comme motif fondamental du travail, c'est enlever au
travail sa signification de commandement universel, c'est en faire
quelque chose d'accidentel. Si je ne travaille que pour mon bien-être
et celui de ma famille, alors dès que je puis atteindre celui-ci par
d'autres moyens, je perds mon seul motif de travail. Et s'il était
prouvé que toute une classe ou un groupe de personnes peuvent
prospérer au moyen de rapines, de fraudes et d'exploitation du
travail d'autrui, quelle objection de principe pourrait-on élever
contre cette manière de faire du point de vue de l'intérêt égoïste
non réprimé ? Est ce l'harmonie naturelle des intérêts qui
supprimer pareil abus ? »
« Du point de vue moral, tout homme , qu'il soit
agriculteur, écrivain ou banquier, doit travailler en reconnaissant
et en désirant que son travail soit utile à tous ; il doit le
considérer comme un devoir, comme l'accomplissement de la volonté
divine, comme un service pour le bien-être universel de se
semblables ; mais, précisément parce que ce devoir est
général, cela présuppose que tous doivent considérer la personne
en question de la même manière, c'est-à-dire la traiter non comme
un moyen , mais comme une fin ou un but de l'activité de tous –
que le devoir de la société est de reconnaître et de garantir à
chacun de ses membres le droit de jouir sans trouble d'une existence
humaine digne , tant pour lui-même que pour les siens. Une existence
digne est compatible avec la pauvreté volontaire , celle que
prêchait saint François et que pratiquent nos pèlerins voyageur ,
mais elle est incompatible avec un travail qui réduit toute la
raison d'être de l'homme au rôle d'un simple instrument de
production ou de transport de richesses matérielles. »
« Le travail qui est exclusivement et
grossièrement mécanique ou comporte un déploiement excessif de
force musculaire est incompatible avec la dignité humaine ; est
pareillement incompatible et immoral le travail qui, tout en n'étant
pas en lui-même accablant ou dégradant, se prolonge toute la
journée et absorbe tout le temps et toutes les forces de l'ouvrier,
de sorte que les rares heures de loisir qui lui restent sont
nécessairement consacrées au repos physique et qu'il ne lui reste
ni temps ni énergie pour des pensées ou considérations de l'ordre
idéal ou spirituel. Outre les heures de repos, il y a, certes, des
jours entiers de repos, dimanches et jours de fêtes ; mais le
travail physique épuisant et abrutissant des jours de semaine
produit aux jours de repos une réaction naturelle – une frénésie
de se plonger dans la dissipation et l'oubli de soi , et les jours de
repos sont consacrés à satisfaire cette frénésie. »
« Il est aisé de comprendre qu'un ouvrier épuisé,
découragé ; aigri par un travail excessif peut produire en
seize heures moins qu'il ne produirait en huit heures si il
travaillait avec zèle , ayant la conscience de sa dignité humaine
et l'assurance des liens moraux qui l'unissent à la société et à
l'état lesquels veillent à ses intérêts et ne l'exploitent pas.
Ainsi la moralisation des relations économiques entraînerait en
même temps un progrès économique. »
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