vendredi 29 mars 2019

Journal de la Commune




Le délégué à l’instruction communale du XVIIe arrondissement s’est occupé d’une solution théorique et pratique à donner à la question des écoles communales congréganistes. Dans un manifeste adressé aux instituteurs et institutrices des écoles et salles d’asiles communales, le citoyen Rama émet et développe les considérations suivantes.
Considérant que la liberté de conscience, pour être réelle, doit être assurée entière et égale pour tous, sans exception ;
Considérant que les maisons d’instruction et d’éducation entretenues par l’impôt doivent être ouvertes au enfants de tous les contribuables indistinctement, quelles que soient d’ailleurs les croyances intimes de chacun d’eux ;
Considérant que l’instruction religieuse et dogmatique doit être laissée entièrement à l’initiative et à la direction libres des familles ;
Considérant que les peuples les plus avancés et les philosophes de toutes les écoles ont les principes communs du bien, de la morale, les quels se résument dans la justice, dans l’inviolabilité, le respect de la personne humaine, sans distinction de race, de nationalité, de croyance, de position sociale, de sexe ni d’âge, et que ces principes sont distincts de tout culte, de toute religion, de tout système philosophique ;
Considérant que dans tous les temps et dans tous les pays, on a abusé, même de la meilleure foi du monde, de l’ignorance et de l’innocence de l’enfant pour lui inoculer, par exemple, par la contrainte et par l’habitude, des superstitions, des préjugés, des préventions, des sentiments d’injustice et des haines qui aboutissent à des désordres sociaux et à des guerres ;
Journal officiel de la Commune de Paris du 20 mars au 24 mai 1871. (1871) 688
Considérant que la justice est un droit inaliénable et imprescriptible ; qu’elle ne doit être soumise, par le pouvoir, à aucune condition, soit d’opportunité, soit de légalité ;
Considérant que la violation de la conscience démoralise et pervertit ; qu’elle avilit le caractère ; qu’elle peut conduire les peuples d’une manière insensible, mais rapide, aux plus grands désastres ; Les instituteurs et institutrices des écoles et salles d’asiles publiques du XVIIe arrondissement sont invités à se conformer aux instructions suivantes :
Ils emploieront exclusivement la méthode expérimentale ou scientifique, celle qui part toujours ou dogmatique, afin de pouvoir être donné à tous, sans blesser qui que ce soit. Il éloignera également de l’esprit de domination et de l’esprit de servitude.
Il ne sera enseigné ou pratiqué en commun, ni prières, ni dogmes, ni rien de ce qui est réservé à la conscience individuelle.
Les écoles et salles d’asile communales ne contiendront, aux places exposées aux regards des élèves ou du public, aucun objet de culte, aucune image religieuse.
Les élèves n’auront à se servir d’aucun livre, d’aucun objet qui serait, en quoi que ce soit, contraire à la méthode scientifique et aux sentiments de concorde qui sont le but de la présente circulaire.
Les institutrices et les instituteurs publics qui ne peuvent admettre l’application rigoureuse du principe de liberté de conscience à l’instruction communale sont priés de vouloir bien laisser disponibles, d’ici à la fin du mois, les locaux et tout le mobilier scolaire qu’ils tiennent de l’administration publique, et de nous prévenir du jour où ils voudront cesser leurs classes, afin qu’il n’y ait aucune interruption dans les études, au préjudice des enfants.
En dehors des écoles et salles d’asile communales, toute maison d’instruction et d’éducation peut être tenue, comme établissement privé ou libre, sous la surveillance et sous la responsabilité des parents, mais dans toutes les conditions du droit commun.
Paris, le 8 avril 1871
Le délégué à l’instruction commune du XVIIe arrondissement,

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