Texte écrit en collaboration avec Daniel MOTHE et publié dans CFDT Aujourd’hui, n°8, juillet - août 1974, repris dans « Le contenu du socialisme », UGE 10/18, 1979
« D’autant plus que, depuis des millénaires, on
fait pénétrer dans l’esprit des gens dès leur plus tendre
enfance l’idée qu’il est « naturel » que les uns commandent et
les autres obéissent, que les uns aient trop de superflu et les
autres pas assez de nécessaire. »
« Décider, c’est décider soi-même. Ce n’est
pas laisser la décision à des « gens compétents », soumis à un
vague « contrôle ». Ce n’est pas non plus désigner les gens qui
vont, eux, décider. Ce n’est pas parce que la population française
désigne, une fois tous les cinq ans, ceux qui feront les lois,
qu’elle fait les lois. Ce n’est pas parce qu’elle désigne, une
fois tous les sept ans, celui qui décidera de la politique du pays,
qu’elle décide elle même de cette politique. »
« On dit que s’il n’y a pas de contrainte, il
n’y aura aucune discipline, que chacun fera ce qui lui chantera et
que ce sera le chaos. Mais c’est là encore un sophisme. La
question n’est pas de savoir s’il faut de la discipline, ou même
parfois de la contrainte, mais quelle discipline, décidée par qui,
contrôlée par qui, sous quelles formes et à quelles fins. Plus les
fins que sert une discipline sont étrangères aux besoins et aux
désirs de ceux qui doivent les réaliser, plus les décisions
concernant ces fins et les formes de la discipline sont extérieures,
et plus il y a besoin de contrainte pour les faire respecter. »
« Personne ne conteste l’importance du savoir et
de la compétence, ni, surtout, le fait qu’aujourd’hui un certain
savoir et une certaine compétence sont réservés à une minorité.
Mais, ici encore, ces faits ne sont invoqués que pour couvrir des
sophismes. Ce ne sont pas ceux qui ont le plus de savoir et de
compétence en général qui dirigent dans le système actuel. Ceux
qui dirigent, ce sont ceux qui se sont montrés capables de monter
dans l’appareil hiérarchique, ou ceux qui, en fonction de leur
origine familiale et sociale, y ont été dès le départ mis sur les
bons rails, après avoir obtenu quelques diplômes. Dans les deux
cas, la « compétence » exigée pour se maintenir ou pour s’élever
dans l’appareil hiérarchique concerne beaucoup plus la capacité
de se défendre et de vaincre dans la concurrence que se livrent
individus, cliques et clans au sein de l’appareil
hiérarchique-bureaucratique, que l’aptitude à diriger un travail
collectif. En deuxième lieu, ce n’est pas parce que quelqu’un ou
quelques uns possèdent un savoir ou une compétence technique ou
scientifique, que la meilleure manière des les utiliser est de leur
confier la direction d’un ensemble d’activités. »
«Aucune organisation d’une chaîne de fabrication ou
d’assemblage ne peut être, ni rationnelle, ni acceptable, si elle
a été décidée sans tenir compte du point de vue de ceux qui y
travailleront. Parce qu’elles n’en tiennent pas compte, ces
décisions sont actuellement presque toujours bancales, et si la
production marche quand même, c’est parce que les ouvriers
s’organisent entre eux pour la faire marcher, en transgressant les
règles et les instructions « officielles » sur l’organisation du
travail. »
« On met parfois en avant cet argument
incroyable, que sans une hiérarchie des salaires la société ne
pourrait pas trouver des gens qui acceptent d’accomplir les
fonctions les plus « difficiles » et l’on présente comme telles
les fonctions de cadre, de dirigeant, etc. On connaît la phrase si
souvent répétée par les « responsables » : « si tout le monde
gagne la même chose, alors je préfère prendre le balai. » Mais
dans des pays comme la Suède, où les écarts de salaire sont
devenus beaucoup moindres qu’en France, les entreprises ne
fonctionnent pas plus mal qu’en France, et l’on n’a pas vu les
cadres se ruer sur les balais. »
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