Les
LIP
«Ce problème de l'isolement est donc celui de la
solidarité, tant évoquée, comme si elle allait de soi, et comme
s'il suffisait d'en prononcer le nom pour que cela soit chose faite,
Mise au Point montre bien que la seule phase où s'est manifestée
une solidarité active et concrète, dans une relation réciproque,
se place au moment Où l'usine a été occupée par les C,R.S. - et
comment les ouvriers descendus dans la rue pour les affronter se sont
laissés ramener au calme par les deux syndicats, « Plus faible que
l'obéissance aux syndicats », cette solidarité concrète a
néanmoins existé - et se différencie dès lors de toutes les
déclarations, prises de positions, de toutes les formes d'action qui
se sont présentées comme actes de solidarité sans parvenir à
dissiper la contusion, soit iparce que cette forme d'action était
spectaculaire (comme la marche sur Besançon), soit parce que les
conditions, de mise en place restaient obscures et peu analysées (le
meeting Mutualité du 12 décembre). »
« L'intention de Mise au Point est avant tout de
montrer, sur le cas de Lip, comment une action, non seulement
collective mais aussi autonome, dans la détermination des buts et
des moyens, une action directe par conséquent. transforme la
mentalité des travailleurs qui s'y engagent. Et comment elle peut
être aussi l'indice des transformations déjà accomplies, On
rappelle ainsi les atteintes collectives à la légalité, à la
propriété bourgeoises, protégées d'ordinaire ne serait-ce que par
la peur de la transgression entretenue par les syndicats ; ceux-ci ne
pouvant sans se détruire eux-mêmes assumer ouvertement l'illégalité
d'actions comme saisie de stocks, ventes sauvages, paies sauvages,
etc. Mise au point analyse aussi longuement la nature et le rôle du
Comité d'Action, forme qui au départ, ne résulte pas de magouilles
syndicales ni de quelques initiatives individuelles, mais bien, comme
les AG, les commissions, etc, de la participation massive des
travailleurs à cette lutte (sans exprimer entièrement celle-ci,
d'ailleurs). »
« Mise au nomt ne dissimule certes pas que
l'action autonome des tra- vailleurs, leur participation massive,
leur réunion dans le CA, etc, n'ont pas réussi à déposséder les
syndicats ni de la direction des luttes ni de leur emprise sur les
travailleurs - y compris les plus radicaux des membres du CA, qui
renoncèrent en certains cas à exprimer leur position face à celles
des syndicats, Elles n'ont pas non plus réussi à faire prévaloir
les objectifs liés à l'action autonome (développement de la force
des travailleurs dans une lutte irréconci- liable avec le . système
capitaliste) sur les objectifs syndicaux - et patronaux - de la
négociation. Le maintien de la domination syndicale, et donc
capitaliste, sur la mentalité des travailleurs, Mise au Point en
donne une raison dernière: c'est le refus de la réflexion théorique
sur l'action collective et ses conditions, qui empêche la
constitution d'une ligne d'action plus cohérente et plus
mobilisatrice. Ce refus laisse, une fois de plus, aux prétendus
spécialistes, bonzes et experts syndicaux, le soin d'élaborer les
données et de formuler les conclusions théoriques - et pratiques,
Dans la lutte des Lip, la remise en cause de la division du travail,
constatable ailleurs, n'est pas parvenue jusqu'à ce point: les
travailleurs ayant renoncé à penser ensemble et par eux-mêmes. »
«C'est un peu ce qu'indique Mise au Point en constatant
que la mentalité des travaîlleurs peut évoluer en rapport avec les
luttes qu'ils mènent cette évolution ayant dans Chaque cas des
limites repérables, Quant à ce qui déclenche ces luttes nouvelles
et cette évolution, Mise au Point a tort de craindre le reproche de
subjectivisme: il explique en effet que les Lip sont entrés dans
l'action illégale, non par choix politique ou par marginalisme, mais
bien « par nécessité de trouver les moyens de lutte dans un combat
où ils défendaient finalement les conditions de vie d'ouvriers
qualifiés» »
« Décrivant cette lutte avec ses hardiesses, ses
hésitations et ses" confusions, Mise au point y voit une «
étape dans le long processus de liquidation de ce passé de défaite
qui pèse sur l'action de la classe ouvrière. Mais comme chaque
étape d'un nouveau mouvement ouvrier, elle constitue aussi une
brêche dans le vieux monde». Optique qui se veut encourageante, et
qui risque pourtant de raire l'effet inverse : une étape, une de
plus, rien de plus, sur un long chemin conduisant on ne sait où, on
ne sait quand,., Ce n'est sûrement pas ainsi que l'on vécu ceux qui
l'ont fait; et il resterait à comprendre pourquoi cette simple «
étape» a suscité en tous lieux tant de réactions, de passions,
d'illusions, pourquoi le nom de Lip est si évocateur »
«De la même façon toute lutte pour les salaires,
ainsi que pour les conditions du travail, pourra être interprétée
comme potentiellement (?) ou réelle- ment contre-révolutionnaire,
puisqu'elle n'inclut pas dans son contenu la « destruction» (?) de
l'emploi, du travail, de l'entreprise, du patron, du capital : on se
trouve ainsi ramené au problème du sens des revendications
économiques mais posé en des termes qu'on pouvait pourtant espérer
avoir dépassés, depuis 70 ans! »
Critique sur le mouvement LIP :
«Quand nous sommes maîtres auxiliaires, c'est-à-dire
le plus souvent sans emploi, nous gueulons pour trouver un poste;
avec ou sans syndicat, selon l'efficacité possible. Quand nous
sommes professeurs et que l'un d'entre nous est viré, on gueule pour
sa sa réintégration. Quand nous sommes employés dans une petite
boite où il va y avoir de compression de personne, on fait grève,
puis on va chercher du boulot ailleurs si cela n'a rien donné. Où
et quand sont posés alors les problèmes de la finalité de l'école,
du bureau d'assurance ou de la boîte où on travaille? A côté, à
d'autres moments jamais, ou presque, quand il y a un conflit sur le
problème de l’emploi. Le fait est qu'on ne peut être radical de
l'extérieur, et que sans salaire, pas de vie, pas de contestation,
sinon stérile. »
« On a bien souvent l'impression lorsqu'on est «
anti-syndicaliste », de mener des luttes en dehors des syndicats; et
pourtant on ne se rend pas compte que le syndicalisme, même
révolutionnaire, ce n'est pas seulement une affaire de structure,
d'encadrement, d'organisation, c'est aussi un contenu, c'est autant
ce que l'on demande que la façon de le demander. Le problème est
que les syndicats ne sont plus efficaces, alors on fait A COTE et
contre eux ce qu'en d'autres temps ils auraient très bien pu faire;
actions plus violentes, plus minoritaires" plus efficaces, et
plus autonomes aussi, plus près de l’engagement à la base et non
bureaucratiques. »
«La mise à jour de cette contradiction, chez nous
autant qu'à LIP, est le point de départ d'un dépassement de
l'éternel conflit entre réformisme et révolution, On a souvent
répondu à cette question en affirmant que les périodes
révolutionnaires, insurrectionnelles, étaient précisément ce
dépassement en acte à un moment où le « réformisme » n'avait
plus de sens puisque concrètement était envisageable un changement
radical des rapports sociaux. Malheureusement cela me semble peu
probable, car alors, encore .t toujours, se posent de nouveaux
problèmes qui peuvent se résoudre de manière différente suivant
que l'on veut « risquer tout » pour aller encore plus loin, ou
consolide, ce que l'on pense avoir conquis. »
« Parce que ce fameux moyen d'action résonnait
bien dans le contexte politique du moment; tous pouvaient y retrouver
leurs petits: les modernistes de la CFDT et leur autogestion, les
gauchistes et leur autogestion, les ultragauchistes et leur critique
de l'autogestion. Il ,yen avait pour ·tous les goûts d'autant que
chacun pouvait se sentir -légitimé à parler sur le sujet étant
donné la facilité qu'il pouvait y avoir de croire pouvoir s'appuyer
sur un semblant de base grâce à l'ouverture décrite plus haut,
D'une certaine manière donc les LIP ont facilité le racket; mais
pouvait-il en être autrement? LIP donnait l'image d'une classe
ouvrière triomphante, « jamais battue ", qui correspond très
exactement aux désirs et aux analyses des gauchistes, Quoi de plus
logique alors qu'Ils se soient précipités sur un événement qu'ils
n'avaient pas créé pour s'y alimenter (et nous aussi d'une certaine
manière quoique plus tardivement), C'est bien souvent leur fonction
que celle du parasitage ! »
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