«
L'apologue naquit en Orient, pays de l'esclavage et de l'imagination,
c'est-à-dire de la métaphore dans la parole, de l'hiéroglyphe dans
l'écriture, des allégories qui ne sont que des métaphores
continuées, des mythologies qui ne sont que de grands systèmes
d'allégories plus ou moins conscientes. Que l'on joigne à cela
l'influence considérable que la doctrine de la métempsycose dut
avoir dans l'Inde panthéiste sur le développement de l'apologue.
Cette croyance que les âmes des morts passaient dans le corps des
animaux, que ceux-ci étaient des frères malheureux en vertu d'une
loi de justice, dut faire donner la plus grande attention à leur
vie, à leurs actions et même à leurs moindres mouvements. Pour les
Indiens, l'apologue n'a pas le caractère d'une fable : c'est
l'expression de la réalité » (Larousse).
Sans
remonter aux premiers balbutiements de la fable (naïfs symboles,
fugitives métaphores, fragments épisodiques) rapprochons-nous des
origines par l'évocation des fables orientales et des paraboles de
la Bible. Rapportons, avec Voltaire, parmi les plus lointaines, la
légende hébraïque qui figure au, neuvième chapitre du Livre des
Juges: « Il fallut un roi parmi les arbres ; l'olivier ne voulut
point abandonner le soin de son huile, ni le figuier celui de ses
figues, ni la vigne celui de son vin, ni les autres arbres celui de
leur fruit ; le chardon, qui n'était bon à rien, se fit roi, parce
qu'il avait des épines et qu'il pouvait faire du mal ». Quant à la
parabole, cet exemple fabuleux par lequel s'enseigne la doctrine,
image fleurie que Jésus, dès ses premiers entretiens, projette sur
le cerveau des simples, inhabiles à accompagner sa pensée, les
Évangiles l'ont recueillie d'abondance et insérée au cœur de la
tradition chrétienne : Paraboles du trésor, de l'ivraie, du
Samaritain, des deux fils, du vigneron, etc., parabole des Semences:
« Celui qui sème s'en alla semer son grain et une partie de la
semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et
les oiseaux du ciel la mangèrent... Une autre partie tomba sur des
pierres et, ayant levé, elle se sécha parce qu'elle n'avait point
d'humidité... Une autre tomba au milieu des épines, et les épines,
croissant avec la semence, l'étouffèrent... Une autre partie tomba
dans une bonne terre et, ayant levé, elle porta du fruit et rendit
cent pour un... La semence, c'est la parole de Dieu » (Luc, VIII).
Soulignons
particulièrement les fables indiennes, venues du sanscrit jusqu'à
notre littérature, à travers le syriaque, l'hébreu, le turc, le
persan et l'arabe. Œuvre considérable, dont les recueils les plus
anciens sont le Pantchatantraet l' Hitopadéça, imputables à des
transcriptions quelque peu légendaires (VichnouCarman ― ou Sarma
―en serait le plus remarquable). Mais l'ouvrage le plus célèbre
est le Calila et Dimna, attribué par les traducteurs arabes du
VIIIème siècle au brahmane PILPAY (ou Bidpaï). Ces contes, où
foisonne le merveilleux, sont le fruit d'une débordante imagination.
Mais des développements si prolixes s'y enchevêtrent que le conteur
souvent s'égare, oublieux du thème poursuivi. Les hommes et les
êtres les plus divers, les dieux et les démons, les animaux aussi
―dans leurs analogies avec les humains ―en sont les personnages.
Dans ces fables touffues, mais déjà remarquables par la richesse
poétique, se révèlent aussi des intentions moralisatrices
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire