dimanche 17 mars 2019

LA FABLE PRIMITIVE Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




« L'apologue naquit en Orient, pays de l'esclavage et de l'imagination, c'est-à-dire de la métaphore dans la parole, de l'hiéroglyphe dans l'écriture, des allégories qui ne sont que des métaphores continuées, des mythologies qui ne sont que de grands systèmes d'allégories plus ou moins conscientes. Que l'on joigne à cela l'influence considérable que la doctrine de la métempsycose dut avoir dans l'Inde panthéiste sur le développement de l'apologue. Cette croyance que les âmes des morts passaient dans le corps des animaux, que ceux-ci étaient des frères malheureux en vertu d'une loi de justice, dut faire donner la plus grande attention à leur vie, à leurs actions et même à leurs moindres mouvements. Pour les Indiens, l'apologue n'a pas le caractère d'une fable : c'est l'expression de la réalité » (Larousse).
Sans remonter aux premiers balbutiements de la fable (naïfs symboles, fugitives métaphores, fragments épisodiques) rapprochons-nous des origines par l'évocation des fables orientales et des paraboles de la Bible. Rapportons, avec Voltaire, parmi les plus lointaines, la légende hébraïque qui figure au, neuvième chapitre du Livre des Juges: « Il fallut un roi parmi les arbres ; l'olivier ne voulut point abandonner le soin de son huile, ni le figuier celui de ses figues, ni la vigne celui de son vin, ni les autres arbres celui de leur fruit ; le chardon, qui n'était bon à rien, se fit roi, parce qu'il avait des épines et qu'il pouvait faire du mal ». Quant à la parabole, cet exemple fabuleux par lequel s'enseigne la doctrine, image fleurie que Jésus, dès ses premiers entretiens, projette sur le cerveau des simples, inhabiles à accompagner sa pensée, les Évangiles l'ont recueillie d'abondance et insérée au cœur de la tradition chrétienne : Paraboles du trésor, de l'ivraie, du Samaritain, des deux fils, du vigneron, etc., parabole des Semences: « Celui qui sème s'en alla semer son grain et une partie de la semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent... Une autre partie tomba sur des pierres et, ayant levé, elle se sécha parce qu'elle n'avait point d'humidité... Une autre tomba au milieu des épines, et les épines, croissant avec la semence, l'étouffèrent... Une autre partie tomba dans une bonne terre et, ayant levé, elle porta du fruit et rendit cent pour un... La semence, c'est la parole de Dieu » (Luc, VIII).
Soulignons particulièrement les fables indiennes, venues du sanscrit jusqu'à notre littérature, à travers le syriaque, l'hébreu, le turc, le persan et l'arabe. Œuvre considérable, dont les recueils les plus anciens sont le Pantchatantraet l' Hitopadéça, imputables à des transcriptions quelque peu légendaires (VichnouCarman ― ou Sarma ―en serait le plus remarquable). Mais l'ouvrage le plus célèbre est le Calila et Dimna, attribué par les traducteurs arabes du VIIIème siècle au brahmane PILPAY (ou Bidpaï). Ces contes, où foisonne le merveilleux, sont le fruit d'une débordante imagination. Mais des développements si prolixes s'y enchevêtrent que le conteur souvent s'égare, oublieux du thème poursuivi. Les hommes et les êtres les plus divers, les dieux et les démons, les animaux aussi ―dans leurs analogies avec les humains ―en sont les personnages. Dans ces fables touffues, mais déjà remarquables par la richesse poétique, se révèlent aussi des intentions moralisatrices

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