"in girum imus nocte" Par André Hirt
« L'ironie
de l'histoire est que les migrants sont « en avant ». Ils
« nous » devancent, « eux » qui veulent aller
« là-bas », un ailleurs que le « là »
saccagé.
On prend, en
tremblant, le risque de poser qu'ils sont des messagers plus que des
migrants, qu'ils viennent comme des annonciateurs, des anges, dans la
douceur et portés par le feu, l'annonce et l'avertissement, qu'ils
endossent dans leur innocence une dimension messianique... »
« Le
malheur et l'horreur, assurément, sont de fuir la
guerre, la famine, les politiques inhumaines et les économies
désastreuses et mafieuses ( comme si ces réalités ne suffisaient
pas par elles-mêmes) : d'errer, de perdre ses papiers, de ne
pas être reconnu, d'être ici sans savoir où, de vouloir aller
là-bas avec raison mais dans l'illusion, de connaître presque à
coup sûr le désenchantement, de se retrouver entre deux rives, en
pleine mer, dans l'inconnu et la nuit, sur une embarcation de
fortune, toujours dérisoire, ou bien dans une soute, après avoir
confié aux marchands de la mobilité toute sa très modeste fortune.
(Le
mouvement sans bonheur, la vie nue et dépourvue de repères pour
survivre, l'existence abandonnée : cet anti-mouvement qui n'est
plus un voyage, mais une chute alors qu'il était espéré comme une
ascension. Nous sommes contemporains de cela en « nous »
rassurant depuis la rive contre le malheur.) »
« Je
ne sais pas comment dire. Car comment partager ce « nous »
que pourtant et nécessairement nous partageons ? Dans cette
lutte entre la distance et la proximité, entre « eux »
et « nous », je ne puis aller plus loin en pensée
qu'ainsi : ils sont comme « nous » mais nous ne
sommes pas comme « eux », dans cette situation qui dans
son vertige et son naufrage n'en est même plus une. »
« Quitter,
c'était manifestement comprendre jusqu'à s'enfoncer dans la nuit et
les grottes pour trouver une « fleur bleue ».
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